La plage naturiste

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Marseille 2016

Le voyeur raconte :

Merde, et merde. Mon appareil photo était tombé sur le sable. Un reflex Canon avec plusieurs objectifs qui m’avait coûté plusieurs milliers d’euros. Je le tournais et retournais dans tous les sens pour le débarrasser des petits grains qui s’étaient collés à lui. C’était le seul bien que j’avais acquis à crédit. Jusque là, j’avais toujours suivi à la lettre les conseils de ma défunte mère : tu achètes quand tu as l’argent.

Les objectifs de l’appareil avaient eu la bonne idée de ne pas l’accompagner dans sa chute.

Heureusement, personne ne l’avait remarqué, et je pouvais continuer mes activités en toute quiétude.

Je m’allongeais sur mon transat installé au fond de ma tente, et tentais de reprendre la lecture d’un polar acheté sur Amazon. Pierric Guittaut, « D’ombres et de flammes ». J’en avais amené trois autres en même temps à titre de sécurité. En les regardant, je souriais. Tu as les yeux plus gros que le ventre m’aurait dit autrefois ma maman. Souvent, ses conseils de prudence traversaient mon esprit. Et je n’avais jamais regretté jusqu’à présent de les avoir suivis.

Ma position offrait une vue idéale sur la plage, et je pouvais tout observer sans me faire repérer.

Les six derniers mois pendant lesquels j’avais dû terminer plusieurs programmes informatiques commandés par mes clients s’étaient révélés épuisants. Les nuits blanches et les week-ends studieux représentaient mon lot quotidien. Seule mon activité annexe consistant à photographier des mariages l’agrémentait.

Ici, je décompressais.

Quand j’avais pu enfin prendre quelques jours de repos, j’avais choisi une plage naturiste proche d’un hôtel dont les tarifs correspondaient à mes moyens, et qui ouvrait seulement pendant la saison estivale. Ce dernier offrait une pension complète, ce qui m’évitait de devoir chercher ailleurs ce que je pouvais trouver déjà sur place.

Une grande étendue de sable fin longeait la mer sur plusieurs kilomètres, un simple panneau délimitant la partie dite naturiste.

Au restaurant de l’hôtel, j’avais choisi une table à l’écart des autres clients pendant les repas. Elle se situait près d’une fenêtre, et je tournais un peu le dos à tout le monde, ce dont je profitais pour lire tranquillement les polars que j’avais amenés. Je recevais régulièrement des livres achetés sur internet, à la Fnac ou sur Amazon.

Je passais mes matinées à dormir, mes après-midi à la mer, et mes soirées à bouquiner.

Et, sur la plage, j’avais rapidement pris mes habitudes.

Le plus souvent, je regardais trois filles et deux garçons jouer au volley tandis que leur mère lisait à l’abri d’un grand parasol.

De temps en temps, ils se précipitaient tous les cinq pour se plonger dans l’eau, avant d’en sortir et de se badigeonner de crème de protection solaire. La routine.

Allongé sur mon relax au fond de ma tente Quechua (celles qui se montent en deux secondes selon les publicités) je pouvais lire tranquillement, tout en observant discrètement l’extérieur.

Depuis mon arrivée, je n’avais cessé d’observer l’une des femmes. blonde, les cheveux longs, petite et mince, c’était la plus jolie personne que j’avais remarquée sur cet emplacement réservé aux naturistes. À part plaisanter et jouer au ballon, son grand plaisir consistait à faire rire ses frères et ses sœurs en prenant les poses les plus inattendues.

Elle était effrontée, et se plaisait à déstabiliser les quelques hommes qui s’étaient risqués à vouloir participer à leur partie de volley. Un après-midi, un bellâtre quadragénaire s’est glissé dans leur match en annonçant : je vais vous montrer comment on joue. Elle s’était vexée, et pour se venger, elle avait ramassé un petit bâton qui traînait sur la plage ; elle s’était agenouillée devant le sexe de l’homme, mimant les gestes d’un charmeur de serpents comme on en rencontrerait, paraît-il, en Inde. L’engin du monsieur, sans doute séduit par la musique, avait commencé à se redresser, obligeant son propriétaire à une fuite diplomatique pour aller refroidir l’objet dans l’eau de mer.

Je ne vous décris pas tous les aspects de l’anatomie de cette femme, qui seraient cachés par un maillot de bain sur d’autres plages. Mais je comptais utiliser toutes les visions de ces scènes qui avaient troublé mes sens, pour l’écriture d’un roman que je venais tout juste de commencer.

Je fermais les yeux et m'abandonnais à rêver. Elle et moi, seuls sur le sable. Elle et moi...

J'échafaudais des scénarios qui ne m'auraient pas permis de sortir dignement de ma tente, tant ils m'excitaient.

Je ne comprenais pas comment une nana qui pouvait juste avoir un peu plus de vingt ans pouvait me subjuguer comme cela. Au restaurant, moi qui était d'habitude un lecteur assidu pendant les repas, en arrivait à me retourner fréquemment pour pouvoir l'observer. Sans résultat, car sa chaise me tournait systématiquement le dos. N'étant pas du genre à tomber amoureux, je savais que mon trouble était purement physique, ce que je pouvais constater à chaque instant.

Ses sœurs, toutes très mignonnes, ne me séduisaient pas comme elle.

La famille habitait dans mon hôtel, et passait ses après-midi sur la plage, tout comme moi.

Il va sans dire que je me débrouillais chaque jour, pour orienter mon abri dans la direction me procurant la meilleure visibilité.

Donc, après le repas, quand le temps le permettait, j’accédais à la plage en voiture, installant ma tente, mon relax, et mes accessoires, sans oublier de me munir d’un lot de romans policiers.

Le petit vent qui venait du large m’apportait leurs cris, et parfois des bribes de leurs conversations, et j’en déduisis vite que ma préférée s’appelait Amandine, et ses sœurs Olivia et Maguy. Quant aux frères, dans le désordre, j’avais entendu les prénoms de Sylvain et d’Anis.

Autant Amandine était blonde, autant ses sœurs et ses frères étaient bruns, mais ils présentaient tous une peau claire qui devait constamment se protéger des rayons du soleil. D’où ces nombreuses séances de badigeonnage mutuel à la crème solaire.

La mère s’appelait Flora.

Elle avait à peu près la même morphologie qu’Amandine, et elle avait dû être superbe quelques années plus tôt. Mais sa taille s’était épaissie, sa peau trop bronzée avait pris une teinte un peu verdâtre à la suite d’expositions trop prolongées au soleil, et son visage ridé semblait craquelé.

Et c’est dans ce décor que je passais les quinze jours de vacances que je m’étais alloués.

J'aurais volontiers dragué cette petite, mais la famille restait constamment réunie, et il ne me restait maintenant plus que deux jours avant de reprendre mes activités professionnelles.

Trop tard.

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