Quand faut y aller

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Bertrand raconte:

La décision de pénétrer dans la caverne fut prise par Amandine, et nous la suivîmes tous. La herse, comme nous le pensions, s’abaissa derrière nous.

Seule Flora, qui était encombrée par sa lourde kalachnikov, et qui avait du mal à nous suivre, vit la herse s’abaisser devant elle. Elle enragea en se voyant désormais inutile.

Nous étions dans une salle immense que nos torches, pourtant puissantes, éclairaient avec difficulté.

Au fond, nous aperçûmes un enclos grillagé. Olivia et quelques moutons se trouvaient à l’intérieur. Nous nous sommes tous précipités vers elle.

À ce moment-là, des ampoules illuminèrent la grotte. On y voyait comme en plein jour.

Nous étions éblouis.

Une voix que nous avions aussitôt reconnue, celle de Rolando nous intima :

– Jetez vos armes, ou vous serez tous abattus un par un.

L’ennemi se tenait caché derrière des grilles qui interdisaient l’accès des couloirs, alors que nous étions à découvert, en pleine lumière.

Nous allions au massacre en cas de résistance. Mais, pouvions-nous faire confiance à Rolando ?

La voix reprit :

– Si vous n’avez pas déposé vos armes d’ici dix secondes, nous abattons Olivia.

Et pour nous prouver leur capacité à tuer, ils abattirent un mouton qui se situait à côté d’elle. L’animal fit plusieurs tours sur lui même sous l’impact de la balle.

Nous déposâmes nos armes à nos pieds, et deux hommes pénétrèrent dans la grotte pour les récupérer.

Rolando nous rejoignit ensuite, accompagné de trois de ses comparses.

Il tenait un pistolet dans sa main. De mon côté, je serrai Amandine contre moi, tentant de la dissimuler à sa vue.

Il ricana :

– Je vois que toute la famille est réunie. Non, pas tout à fait, je ne voie pas Flora dommage, j’aurais voulu qu’elle soit là pour assister. Les tests de notre produit pour faire disparaître les corps sont maintenant des réussites, et vous serez les premiers à l’utiliser.

Je vais partir, j’emmène Amandine que je dresserai de gré ou de force, comme sa mère autrefois. Je suis riche maintenant.

À ce moment-là, des explosions retentirent dans le labyrinthe de couloirs, et l’on entendit des aboiements de chiens.

Rolando comprit instantanément qu’il avait perdu la partie, et que son projet tombait à l’eau.

Il poursuivit son monologue :

– Ce n’est pas grave, il fallait que cela finisse comme ça. Amandine, tu ne seras pas pour moi, mais tu ne seras pour personne.

Ce disant, il tira plusieurs balles dans sa direction.

Il allait diriger son arme vers les deux frères quand une rafale d’arme automatique retentit. Rolando s’effondra instantanément. Les hommes qui l’accompagnaient s’enfuirent.

Flora qui n’avait pas pu franchir la herse avait tiré sur lui dès qu’elle l’avait senti menaçant, mais trop tard.

Je soutenais tant bien que mal Amandine. Son sang se mélangeait avec le mien. Je voulais courir pour achever Rolando, mais je me suis maîtrisé pour la garder dans mes bras le plus longtemps possible. Je savais que c’était la dernière fois.

À ce moment-là, la dernière grille explosa, et Flora pénétra dans la grotte comme une furie. Des militaires armés la suivaient.

Elle se précipita sur Rolando, et lui soulevant la tête, elle lui cria de toutes ses forces :

– Pauvre con, tu as tué ta fille, ta propre fille que tu as eue avec moi. Souviens toi, ta propre fille, la seule chose que tu as faite de bien dans ta vie. Pauvre con…

Les soldats durent la maîtriser, car elle le secouait violemment en hurlant : souviens-toi, souvient-toi.

Un brancard emporta Rolando. Je fus séparé d’Amandine, et je me suis assis par terre.

Les quatre Tziganes étaient devant moi, en tenue militaire. L’un d’entre eux me sourit et me dit :

– Le sachet que vous a remis la grand-mère n’était pas un porte-bonheur. Il dégageait une odeur destinée à permettre aux chiens policiers de suivre votre trace dans le labyrinthe de la grotte. C’est grâce à cela que l’on vous a retrouvé aussi vite.

J’avais écouté ce qu’il me disait, mais je n’en avais pas compris un seul mot.

Une infirmière vint me bander le bras atteint par une balle, et je fus dirigé vers une ambulance.

Je repassais en boucle les images de cette tuerie. Tout mon corps se contractait à l’idée que ce type allait survivre, et continuer sa vie en prison, alors que moi, j’avais perdu définitivement ma bien-aimée.

Flora m’avait soufflé à l’oreille qu’il allait souffrir toute sa vie à la pensée d’avoir tué sa propre fille. Moi, j’allai souffrir pendant toutes ces années qu’il allait passer derrière les barreaux sans avoir payé. Tout mon corps se contractait cette idée, mes poings se serraient fort. J’avais besoin de hurler, mais aucun son ne sortait de ma bouche.

Je ne pourrai jamais tenir jusqu’à sa sortie. Je ne pourrai pas supporter de devoir l’attendre jusque là. Car je l'attendrai.

Tout dans mes pensées, je n’avais pas fait attention à l’hôpital où on me transportait.

Je fus dirigé vers le département chirurgie. Le chirurgien me fit savoir que la balle avait transpercé la chair, sans atteindre des zones problématiques. À son avis, il ne devrait pas en rester de séquelles.

Ils me garderaient cette nuit, et aviseraient demain pour statuer sur mon sort. Un psy passerait me voir.

Quelques instants plus tard, une infirmière vint m’apporter les médicaments pour traiter la douleur que l’on m’avait prescrits. Je lui demandai si des amis à moi se trouvaient dans l’hôpital. Elle me promit de se renseigner.

Elle revint plus tard avec un plateau-repas. El m’indiqua qu’un homme blessé aux hanches avait été hospitalisé en même temps que moi. Il était aussi blessé par balle, mais elle ne connaissait pas son nom. Il avait été opéré en urgence et avait passé plusieurs heures sur la table d’opération, mais son état ne présentait plus de dangers. Par contre, il restait en soins intensifs au quatrième étage.

Je la remerciai pour cette bonne nouvelle.

Avant de partir, elle m’indiqua qu’il était inutile de chercher à le voir, car il était sous traitement antidouleur, et un policier en faction était chargé de sa sécurité.

Léa fut la seule à venir me voir ce soir là. Elle essaya de me consoler. Elle s’assit à côté de moi sur le lit et me pris dans ses bras. Son contact déclencha chez moi une réaction violente de rejet. Ce n’était pas elle que je voulais.

J’avais envie de hurler pour qu’on me laisse voir Amandine et son bébé. Mais les sons s’étranglaient dans ma gorge et mes ongles creusaient des sillons dans les paumes de mes poings serrés.

Léa était partie en pleurant.

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