Au pied de Sainte-Victoire

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Bertrand raconte :

Dès que le camion démarra, je rampai jusqu’à l’arrière de la benne, et défis une sangle pour pouvoir observer la route. La nuit était maintenant bien installée. Le véhicule s’était dirigé vers Aix-en-Provence, puis avait bifurqué en direction du Tholonet. Il traversa le village pour entamer les lacets conduisant à Saint Antonin, c’était une route qui menait aussi au pied de la montagne Sainte Victoire.

J’avais du mal à rester en place dans les virages, et je devais m’accrocher à la ridelle. Soudain, je sentis que l’on quittait la route pour emprunter un chemin aux limites du carrossable. J’eus du mal à défaire les sangles en raison des secousses. Enfin, je parvins à sauter du véhicule. Pieds nus, je me tordis de douleur, car j’avais atterri sur une pierre, et j’avais été propulsé dans un buisson.

Il faisait nuit noire, je percevais à peine le chemin. J’avais tellement eu mal à mon pied que je m’étais allongé sur le sol pour pouvoir le masser.

Mais maintenant, le froid commençait à se faire sentir et les pierres sur lesquelles j’étais couché me meurtrissaient douloureusement le corps.

J’essayais de réfléchir à ma situation. Je n’aurais jamais dû m’embarquer seul, dans cette tenue, sans avoir la certitude d’être suivi par mes amis. Je me sentais profondément inutile et inoffensif.

Quand j’avais sauté de la benne, j’avais suivi la camionnette des yeux, et j’avais constaté qu’elle avait disparu au loin, bien trop loin pour que je puisse espérer la rejoindre sans chaussures.

Qu’allait faire le chauffeur lors de son arrivée, il se rendra certainement compte que la bâche n’était pas totalement attachée. Et s’ils me poursuivent, dans la journée, comment pouvais-je leur échapper ?

Lorsque j’ai tourné la tête, je fus saisi d’effroi.

Autour de moi, une centaine d’yeux phosphorescents me regardaient, et quand j’ai effectué quelques pas, ils me suivirent.

À mes côtés, plusieurs corps en décomposition gisaient sur le sol. Ils semblaient enveloppés par un linceul presque transparent, et seuls leurs yeux exprimaient des signes de vie.

J’aurais voulu fuir ce lieu effrayant, mais pieds nus, ce n’était pas possible.

Je remarquai une paire d’yeux qui semblait, contrairement aux autres, se déplacer de haut en bas, de temps en temps. Perdu pour perdu, encerclé par ces centaines de regards, je décidai de m’approcher de celle que j’avais remarquée.

C’était une vieille femme assise par terre, dont une partie du corps avait disparu.

Elle se mit à me parler, et elle était intarissable.

Elle me demanda : tu as échappé à la piqûre du produit ? Tu n’es pas entré en décomposition ?

Moi, la seringue était presque vide, mais pas suffisamment. Je peux donc parler, mais il faut que je me cache. Une autre personne était dans le même cas que moi, ils l’ont retrouvé, et ils l’ont piqué.

Ici, c’est leur cimetière.

Elle continua : nous ne sommes pas dangereux. On nous a placés là pour effrayer. Nous ne sommes visibles que la nuit, mais la peur que nous inspirons empêche les gens d’y venir le jour.

Nous n’avons pas été laissés là par hasard. En fait, nous protégeons le château de la curiosité des promeneurs.

Je l’interrompis : le château ? Un château au pied de la montagne Sainte-Victoire ?

– En fait, ce n’est pas un château, ou du moins, il n’apparaît pas ainsi de l’extérieur. C’est un château creusé dans la roche. Son ouverture n’est visible que la nuit.

Et, je ne sais pas ce qu’ils y font.

– Qui sont ces ils ?

– Je ne sais pas.

– Peux-tu m’indiquer où se trouve l’entrée du château ?

– Je ne peux pas me déplacer. Reviens avec du papier et un crayon, et tu dessineras un plan.

Sur ce, je décidais de tenter de retourner dans mon monde.

À petits pas.

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