Le bébé

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Bertrand raconte :

J’étais allé retrouver Amandine chez elle. Après sa bise sur le pas de porte, elle avait pris son air sérieux que je craignais, car il présageait habituellement l’annonce d’une catastrophe.

Elle s’assit dans un fauteuil et m’annonça :

— Je suis enceinte.

Je restais un instant silencieux, abasourdi. J’avais entendu les paroles, mais cela n’avait aucun sens dans mon esprit. Enceinte, un mot qui ne correspondait à rien dans mon vocabulaire. C’était même habituellement presque un gros mot.

Je parvins à balbutier :

— Et de qui ?

Elle semblait me narguer :

— Ça n’a pas d’importance, car il est à moi. C’est mon bébé, à moi, à personne d’autre.

J’avais une boule au ventre, je remuais les bras dans le vide. Mes pensées revenaient, écrasées par la terrible incertitude. Je parvins à placer :

— Et de qui ? De Guillaume ?

Je ne savais pas pourquoi, mais j’avais envie de pleurer. Des larmes me montaient aux yeux, mais je ne voulais pas qu’elle les voit.

— Qu’est ce que cela peut te faire ?

— Tu ne veux pas me le dire ?

— Si, mais pas aujourd’hui. Maintenant, si tu peux me laisser.

— Je m’en vais, mais dis moi : Guillaume le sait déjà ?

— Non.

De retour chez moi, je m’allongeais sur mon lit pour enfin réfléchir calmement à cette annonce. Pourquoi ne rien me dire ? Peut être qu’elle ne sait pas. Elle a un stérilet, elle sait que je ne transporte pas de maladies, aussi quand nous faisons l’amour, c’est sans protection. Comment cela a-t-il pu se produire ? À t-elle prévenue sa famille ?

J’avais ce que les gens appellent le cœur brisé. Je me sentais vide.

Je voulais que ce soit moi, je voulais férocement que ce soit moi. Je ne voulais plus porter l’habit de l’homme désinvolte, dédaigneux, moqueur qui devait cacher ses sentiments. Ce bébé m’avait fait pénétrer dans un autre monde. Je voulais Amandine, plus seulement pour son cul, comme je me plaisais à le dire à tout bout de champ, mais pour l’accompagner dans la vie, pour la tenir dans mes bras, et enfin, connaître la jalousie, la vraie.

Car la jalousie me rongeait à cet instant.

Je pris une grande respiration et je fis le numéro d’Amandine.

— Amandine.

— Oui, que veux-tu encore.

— Amandine, j’ai beaucoup réfléchi sur nous deux. J’ai beaucoup changé. Je veux te dire que je t’aime, et que j’aimerai partager le reste de ma vie avec toi. Je sais que cela ne correspond pas à tout ce que je t’ai dit il y a encore peu de temps, et que ce sont des mots qui sont durs à sortir de ma bouche. Mais c’est vrai, je ne m’en étais jamais aperçu, mais je t’aime. Le bébé a été la secousse qui m’a réveillé. Et si tu ne sais pas qui est le père, je suis prêt à le considérer comme si c’était le mien.

Je reprenais ma respiration. J’avais parlé en étant dans un état second. Elle ne répondait pas.

Allô, allô, tu m’entends ?

Au bout du fil, j’entendais qu’Amandine pleurait, et puis elle raccrocha, me laissant avec ma douloureuse incertitude.

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