La révolte

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Bertrand raconte :

J’étais révulsé par ce qui se préparait avec l’assentiment, semblait-il, des pouvoirs publics.

Je ne m’étais jamais senti concerné par les problèmes de sociétés, qu’il s’agisse de la pauvreté, des inégalités, des guerres. Je n’avais pas été Charlie à l’époque non plus. Je ne voyais pas ce que je pouvais faire dans toutes ces affaires, alors, autant laisser courir.

Mais ce qu’avait raconté Ernesto m’avait bouleversé. Et cela se déroulait sous mon nez.

Je lui téléphonai pour un rendez-vous qu’il m’accorda.

Ses deux gardes étaient toujours présents, et aussi méfiants que la première fois.

J’attaquai Ernesto bille en tête.

Je lui dis, qu’en tant que chimiste connu, il avait sa page Wikipédia qui détaillait les nombreuses inventions utiles que l’humanité lui devait. Je lui demandai :

– Souhaitez-vous dorénavant être intimement associé à des produits destinés à semer la mort chez les êtres humains ? Je sais que vous ne pouvez plus rien faire officiellement puisque vous avez vendu vos sociétés. Mais, êtes-vous prêt à agir pour arrêter tout cela ?

Il mit du temps à formuler sa réponse :

Mon jeune ami, je partage vos craintes. DECOMP, lorsque j’étais à la direction de la société, n’avait pas vocation à éliminer des hommes. Comme je vous l’ai dit, il devait servir à éviter les épidémies lors des catastrophes naturelles. Perkins a fait évoluer le produit à la demande de mon frère. Depuis la mort de ma femme, je me sens libre de m’indigner, sans crainte pour ma sécurité et la sienne. Je suis d’accord avec vous pour essayer de faire quelque chose. Je vais nous prendre un rendez-vous avec Perkins, il ne peut pas refuser de me recevoir. Et puis, c’est un ami.

Le moment venu, nous primes ma voiture pour nous rendre à notre rendez-vous. Les hommes de main d’Ernesto s’étaient installés à l’arrière. Et ils restèrent près de la porte d’entrée du laboratoire.

Nous fumes reçu dans le bureau de Perkins. Un garde armé nous fit entrer. Perkins nous serra la main et nous proposa un siège. Le garde s’était installé un peu plus en retrait à portée d’oreille de notre conversation. Notre hôte nous rassura, l’homme était là pour sa sécurité, et on pouvait compter sur sa totale discrétion.

Cela ne faisait pas notre affaire, nous comptions pouvoir évoquer les sujets sensibles avec lui.

Ernesto me présenta comme étant un analyste chargé d’étudier sa société pour lui proposer une enveloppe de prêts afin de financer sa recherche.

Perkins s’adressa à moi :

Si vous ne vous étiez pas présenté avec Ernesto, qui est un ami, je ne vous aurai pas reçu.

Ce dernier protesta : Adams, tu sais que j’ai conservé dix pour cent dans ta société, et que je défends mes intérêts.

Il sourit et lui dit :

– Ernesto, il ne s’agissait pas de me débarrasser de toi, mais tu sais bien que je ne suis pas un homme d’argent, et que je ne connais rien à la finance. Je vais te noter les coordonnées de mes hommes d’affaires, de mon avocat, de mon expert-comptable, et du banquier responsable du pool des préteurs.

Il rédigea et tendit le papier à Ernesto qui le mit dans sa poche et qui embraya :

– Et ta recherche, comment avance-t-elle ? Au fait, Mike n’est pas là aujourd’hui ?

À ce moment-là, le téléphone sonna, Perkins décrocha, et il se retourna vers nous :

– Je suis désolé, nous avons un gros problème de fabrication à l’atelier, et je suis le seul ici capable de le régler. Nous nous reverrons une autre fois. En attendant, prenez contact avec la liste de mes collaborateurs.

Il se leva, nous serra la main et sortit de son bureau. Le garde nous raccompagna jusqu’à la sortie.

Une fois installé dans ma voiture, je lui fis remarquer :

– Nous avons fait chou blanc, nous ne sommes pas plus avancés.

Ernesto prit un air mystérieux et il sortit un papier de sa poche qu’il déplia :

– Pas totalement.

Et il me mit la feuille devant les yeux, et je lus :

Ma femme est l’otage de Rolando. Appelez entre 23H et minuit. Un numéro de téléphone portable était inscrit plus bas.

Nous devions maintenant tuer le temps jusqu’à l’heure fixée pour téléphoner.

Après avoir dîné dans une pizzeria, nous nous sommes rendus au domicile d’Ernesto où il se sentait plus en sécurité. Toutes nos conversations avaient naturellement porté sur le rôle de Perkins et de son coffre fort. Ernesto était devenu de plus en plus déterminé à éradiquer le danger.

À 23 h 5 Ernesto composa le numéro, et il tomba sur la messagerie. Par prudence, il ne laissa pas de message.

À 23H30, Perkins décrocha,

– Adams ? C’est Ernesto, que se passe-t-il ?

– Bonsoir, j’abrège. Rolando a investi la société. Sur le plan juridique, il ne peut rien faire, mais sur le plan opérationnel, il a pris tous les pouvoirs. Mike est mort, infarctus a dit le médecin. Ma femme est avec moi dans mon appartement, mais il lui est interdit de sortir. Mon téléphone est sur écoute, et on m’a confisqué mes portables. Celui que j’ai est un gratuit de Free, ils m’ont enlevé la console, mais ont oublié le téléphone.

– Adams, que sont devenus les documents qui étaient dans ton coffre ?

– Chaque fois que je peux l’ouvrir, j’essaie de couper les documents importants et de les avaler petit à petit, à chaque fois que je le peux. Mais je suis très surveillé, surtout quand je m’approche du coffre. Une fois, le garde a cru que j’emportais une feuille, et j’ai été fouillé. Tu te rends compte ?

– Ils sont capables de reconstituer le produit avec les notes qui restent ?

– Oui, mais à un stade très antérieur, car quand j’ai compris leurs manœuvres, je n’ai plus ajouté que des notes sans valeurs. S’ils avaient trouvé un chimiste compétent en la matière, ils m’auraient éliminé depuis longtemps. Heureusement, il n’y en a pas. Enfin, si, toi. Fais attention, car tu es le seul au monde, à part moi, capable de recoller tous les morceaux du puzzle.

– En l’état actuel des choses, s’ils n’ont ni toi ni moi, ils sont incapables de continuer à fonctionner ?

– Exact. En fait, ils peuvent continuer à fonctionner pendant une dizaine de jours maximum avec le stock déjà constitué.

– Et les barbouzes ?

– Ils s’en foutent, ils veulent que le produit soit français et qu’il puisse bénéficier à l’armée en exclusivité.

– On va se quitter, on va voir ce que l’on peut faire pour toi. Continue à bien manger, et n’oublie pas de brancher ton téléphone sur la prise.

Ernesto se tourna vers moi :

– Je suis moins optimiste que lui, car il existe probablement quelques chimistes capables d’exploiter ses archives, enfin, ce qu’il en reste. Mais il existe certainement beaucoup de gens capables de lui faire cracher tout ce qu’il a dans la tête. Il faut absolument l’extraire de ce milieu, ou le tuer. Et, il le sait.

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