Le frère de Rolando se confie

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Bertrand raconte :

Flora prit contact avec Ernesto le frère de Rolando qui venait d’être agressé dans sa villa. Il ne savait pas que je me trouvais dans sa propriété à ce moment-là. Les journaux avaient commenté le massacre de sa femme en long et en large. Elle lui raconta le meurtre de sa fille. Le géant qui l’avait tué était le même que celui qui s’en était pris à lui. Et son propre frère tirait les ficelles. Elle voulait se venger, et souhaitait le rencontrer.

Une date de rendez-vous fut fixée, et je fus autorisé à y assister.

Ernesto avait engagé deux tueurs italiens pour assurer sa sécurité. Il n’osait plus sortir de chez lui.

Les hommes de main d’Ernesto nous avaient accompagnés depuis le portail jusqu’à la salle de séjour. Ils restaient debout, hors de portée de notre conversation.

Ernesto nous fit asseoir sur un canapé, et il s’installa sur une chaise. Son mal de dos ne lui permettait pas d’utiliser des sièges trop mous, nous dit-il.

Depuis que sa femme avait été tuée par Helmut, il était effondré, et il se confia.

Rolando l’avait tenu en les menaçant de les tuer. Il avait toujours été fou, et il le terrorisait. Mais maintenant que sa femme était morte, plus rien ne le retenait de parler, d’autant plus qu’il voulait se venger, et que de toutes les façons, s’il n’agissait pas, Rolando l’achèverait.

Au début, Rolando lui avait raconté qu’il avait pris sa retraite et mis sa maison en vente. Il lui avait demandé de l’accueillir, chez lui, ce qu’il avait accepté.

Ernesto lui présenta ses amis, tous retraités, ainsi qu’Adams Perkins, l’homme qui lui avait racheté son laboratoire. Laboratoire qui utilisait les brevets de ses inventions.

Et, Ernesto était fier de ses découvertes. Il était le concepteur d’un produit qui retardait la putréfaction d’un corps organique. Ce dernier était principalement utilisé lors des catastrophes écologiques, car la stabilisation du corps retardait le développement des bactéries et la propagation des maladies. Il était aussi le concepteur d’un autre produit qui possédait un effet inverse au premier. Il accélérait la désagrégation d’un corps tout en retardant aussi le développement des bactéries. L’avantage évident du deuxième sur le premier, c’est qu’il ne reste plus rien à évacuer, puisque le cadavre avait totalement disparu. Le deuxième produit connu sous le nom de DECOMP était toujours en phase de recherche. Celles-ci étaient prometteuses, mais la disparition totale du corps n’était pas encore obtenue. Perkins avait pris la relève et il mettait toute son énergie à développer le dernier projet d’Ernesto.

Et le principal obstacle aux recherches provenait du manque de cadavres frais que l’on pouvait se procurer pour effectuer des essais.

Ernesto était intarissable au sujet de son bébé. Et aucun de ses invités ne pouvait sortir de chez lui sans en connaître tous les détails.

Quelques semaines après avoir été hébergé, Rolando s’était présenté avec sa garde armée pour lui signifier qu’il s’emparait de tout. Il nous raconta que Rolando utilisait ses véhicules, son argent, sa propriété comme si tout lui appartenait. Il lui avait interdit de sortir de chez lui, et il lui avait obéi. Rolando surveillé par la police se faisait discret. Il utilisait sa carte de crédit, et comme les deux frères se ressemblaient, son permis de conduire. Bref, il ne manquait de rien, et il lui empruntait même ses costumes.

Il finit par nous avouer qu’il connaissait les sinistres projets de son frère.

Rolando et Adams Perkins sympathisèrent. Devant lui, il proposa à Perkins de lui fournir des cadavres humains tout frais, permettant d’accélérer les expériences. Il y avait, disait-il, sur Marseille et sa région, suffisamment de personnes qui cherchaient à en faire disparaître d’autres pour pouvoir monter un petit business fructueux, avec, à la clef, des cadavres gratuits. Fini les kalachnikovs, l’avenir appartenait dorénavant aux seringues.

Adams Perkins avait dû se laisser séduire, mais il n’en savait pas plus, car Rolando ne lui en avait plus parlé.

Ce dernier avait embauché une bande de tueurs, mais au lieu de leur fournir des armes de guerre, ils les avaient munis de fusils hypodermiques permettant d’anesthésier une personne à distance.

Ils devaient en principe viser des victimes désignées pour la disparition desquelles une prime avait été payée, mais ils pouvaient aussi toucher et ramener des individus correspondants au cahier des charges du donneur d’ordre. Rolando étant payé de toutes les façons.

Un article dans le quotidien les Échos traitait de la société d’Adams Perkins, indiquant que la valorisation de l’entreprise serait multipliée par cent si elle était la première à aboutir dans ses recherches. De nombreux concurrents étaient dans la course. La recherche était freinée par le manque de cadavre humain utilisable. Les règles éthiques dans les pays démocratiques interdisaient ces expériences. Certains états cherchaient à faire évoluer leur législation afin de permettre aux familles d’abandonner le cadavre de leurs proches contre rémunération. Le mort pourrait ainsi constituer une véritable mine d’or dans les pays pauvres. Des associations s’étaient déjà créées pour s’opposer à ces modifications.

Ernesto n’en savait pas plus. Il était prêt à nous aider dans la mesure de ses possibilités. Il était conscient que sa vie serait menacée tant que Rolando vivrait.

Je lui demandai :

– Compte tenu de l’importance de vos recherches qui doivent aussi intéresser l’armée, les services spéciaux français ne sont-ils pas présents ?

– Si, depuis le début. Leur intérêt est que le produit puisse être breveté en France, et ils s’assurent qu’il n’y a pas de fuites de renseignements.

– Comment peuvent-ils tolérer les agissements de Rolando ?

– Ce ne sont pas leurs affaires, ils ne dépendent pas du ministère de la Justice, mais des services d’espionnage. Les activités de Rolando accélèrent les recherches de la société, et ils ne feront rien pour l’arrêter.

– Il n’y a donc aucune solution ?

– Si, une intervention musclée de votre part, après avoir informé les autorités et la presse. Ils ne pourront plus se défiler. Mais malheureusement, nous n’en sommes pas là. Nous ignorons où se cache Rolando.

– Le produit DECOMP est protégé par des brevets ?

– Bien sûr que non, les brevets permettraient à nos concurrents d’obtenir des informations. Ils sont tous dans le brouillard, et nous avons plusieurs années d’avance.

– Il n’est pas possible à Rolando de découvrir la formule chimique de DECOMP ?

– Non, toutes les sécurités sont prises. Lors de la fabrication des doses, les produits chimiques se mélangent, et le produit final ne fournit aucune indication sur les matières entrant dans sa composition. Et ceci d’autant plus que des catalyseurs sont nécessaires. Aucune possibilité de ce côté-là. Tout est enfermé dans des coffres hautement sécurisés dans le labo de Perkins.

– Dernière question. Une fois décédé, quel procédé utilisez-vous pour faire disparaître le corps, et excusez-moi, encore une : pourquoi les cadavres d’animaux ne font pas l’affaire.

– Je vais répondre à votre première question, un simple lavage au jet contenant un petit pourcentage du produit suffit. Votre deuxième question permet de libérer un peu ma conscience. Je ne serai plus seul à savoir. Chaque espèce nécessite une formulation différente. Nous disposons déjà de solutions qui permettent à la fois de tuer et de faire totalement disparaître des animaux, des lapins, des cochons… Pour tuer et faire disparaître, il suffit de les arroser, de leur faire boire des quantités infimes de poisons.

Mais, on ne peut pas parler de cela, cela ferait se lever les foules, et le gouvernement ne pourra pas l’assumer. Le vrai et seul objectif consiste à tuer, et simultanément, à faire disparaître des humains.

Il n’y a que cela qui possède de la valeur.

Flora ne put se contenir :

– C’est horrible.

– Vous l’avez dit.

Je ne pus m’empêcher de poser la question :

– Et toute cette œuvre de mort est entre les mains du seul Perkins ?

– Oui, Perkins et son coffre fort, sous la surveillance du contre-espionnage français.

Nous quittâmes Ernesto le moral dans les chaussettes.

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