Un de moins

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Bertrand raconte :

Je me creusai la tête pour comprendre comment un homme, fût-il un nain doté de bras monstrueux, avait pu escalader une paroi presque lisse. Et ceci à trois reprises.

J’avais fait le tour des deux bâtiments sans aucun résultat.

Je discutai de cela avec Sylvain. Celui-ci haussa les épaules et me lança : « s’ils n’ont pas pu monter, c’est qu’ils sont descendus, logique, non ».

Nous observâmes la toiture qui tout comme celle de la maison de Martha était surmontée d’une cheminée.

Sylvain poursuivit son raisonnement sur un ton sentencieux : « soit ils sont montés sur le toit, soit ils n’y sont pas montés ».

Je ne voyais pas trop où il voulait en venir, et je me demandai même s’il ne cherchait pas seulement à se faire valoir. Aussi je lui demandai :

— ton raisonnement nous mène où ?

— Jusqu’à la fenêtre.

— Explique.

— Je peux te dire comment je peux le faire.

— Bon, accouche.

— Facile, tu prends un fil, tu le fais passer derrière la cheminée, et tu récupères l’autre bout. Ensuite, tu lui attaches l’extrémité d’une corde solide, et tu tires sur l’autre extrémité. En fin de compte, tu te retrouves avec, entre les mains, les deux parties de la corde qui enserrent la cheminée. Simple, non ? Et tu montes en tenant les deux morceaux ensemble.

— Et je fais comment pour passer un fil derrière la cheminée.

— Avec ton drone et un rouleau de fil qu’utilisent les pêcheurs, tu peux le faire facilement.

— Donc, on n’a pas besoin d’être un nain pour atteindre les fenêtres.

— Non, mais il faut être un nain ou un enfant pour passer par le fenestron.

J’entrepris de visualiser la toiture et le pourtour de la cheminée en utilisant l’écran de notre drone. Et, effectivement, des traces de cisaillement apparaissaient clairement. De plus, je remarquais qu’un morceau de tuile avait été arraché. Et les morceaux manquants gisaient sur le sol.

La même vérification fut effectuée sur la toiture de la maison de Martha. Elle donna des résultats similaires.

Rolando possédait une martingale pour tuer, et il n’allait pas en rester là.

Et nous ne pouvions pas seulement réagir. Nous devions prendre l’initiative.

La décision fut prise de lui tendre un piège. Amandine ferait la chèvre, un appât appétissant que Rolando ne voudra en aucun cas laisser passer. À son insu, Rosaria fera passer le message qu’Amandine, en froid avec Guillaume et moi, allait habiter dans la maison de Maguy laissée libre après le décès de sa locataire.

Le piège consistait à laisser Harris et Bruno puissamment armés, et munis de suffisamment de nourriture pour soutenir un siège, en restant constamment cachés.

Le problème, c’est que le nain devait chuter, et il convenait aussi que sa dégringolade semble accidentelle. La police ne devait absolument pas se douter qu’il s’agissait d’un crime.

J’avais choisi la maison de Maguy parce qu’elle était en retrait par rapport à la rue principale, ce qui impliquait une circulation très restreinte, et donc une surveillance facilitée.

Une voiture aux vitres teintées effectuait de nombreux passages devant la maison. Elle avait fini par se garer sur un trottoir juste devant nous. Trois hommes en sortirent que nous avions photographié. Plus tard, Amandine me confia qu’elle en avait reconnu un, un adjoint de longue date de Rolando.

Ils sortirent comme nous l’avions prévu un drone du coffre de la voiture, ils y attachèrent un fil nylon, et l’appareil effectua une rotation autour de la cheminée, puis il atterrit. Ils lièrent les deux extrémités du fil à un arbuste avant de partir.

Il ne nous restait plus qu’à attendre.

En début de soirée j’accompagnai Amandine, et je l’embrassai avant de la laisser entrer seule.

Les passagers de la voiture aux vitres teintées n’avaient rien perdu de la scène.

Nous avions laissé ouverte la fenêtre contiguë à celle de la chambre d’Amandine, et par précaution, les volets de sa propre chambre avaient été fermés.

Harris et Bruno se relayaient pour observer et se reposer tour à tour.

Tard dans la nuit Bruno avertit Harris que les événements se précipitaient. Si nos suppositions s’avéraient exactes, le nain devait pénétrer par la fenêtre et se cacher dans la maison pour ouvrir la porte d’entrée et laisser passer Helmut et ses complices.

Ils entendirent les bruits qu’avait perçus Maguy lors de sa première agression. C’était le frottement de la corde sur le lierre qui recouvrait le mur.

Quelques instants plus tard, ils entendirent la respiration de quelqu’un qui s’approchait. Une tête apparut dans l’embrasure de la fenêtre. La tête resta immobile quelques instants, puis deux mains prirent leur appui sur la bordure.

Lorsque le nain eut accédé au rebord de la fenêtre, après avoir lâché ses deux cordes, Harris et Bruno le repoussèrent violemment dans le vide, et il se fracassa sur le sol en poussant un grand cri.

Harris et Bruno quittèrent la maison et Amandine appela la police. Puis elle se calfeutra dans sa chambre.

Compte tenu du meurtre survenu quelque temps plus tôt, les policiers ne cherchèrent pas une explication autre que celle de l’accident. Amandine prétendit qu’elle lisait un roman, quand elle entendit un grand cri, puis un bruit de chute. Elle n’avait rien perçu d’autre, car ses volets et sa fenêtre étaient fermés pour des raisons de sécurité.

Rolando venait de subir sa première défaite. Il lui manquerait dorénavant un pion sur son échiquier.

Tout ce que j’avais prévu se réalisa. Deux hommes sortirent de la voiture pour récupérer le corps démantibulé du nain avant de prendre la fuite. Les filer se révéla un jeu d’enfant. Anis et Sylvain chevauchaient chacun un scooter, et je suivais comme je pouvais en voiture. Ce fut Sylvain qui les vit pénétrer dans une propriété cernée par de hauts murs. Il avait noté le numéro, et il ne nous restait qu’à en identifier, dans un premier temps, le locataire.

Sylvain, qui avait garé son scooter passa devant le grand portail, et nota le nom inscrit à côté de la sonnette.

Ernesto Garibaldo.

Le nom que portait Rolando. L’occupant devait probablement appartenir à sa famille.

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