Le complément d’enquête

4 minutes de lecture

Bertrand raconte :

Léa me tenait constamment informé de l’enquête sur les deux meurtres que la police avait joints dans son analyse.

Ils avaient constaté lors des prélèvements d’ADN que celui d’un premier individu se retrouvait dans trois lieux distincts ; sur le rebord de la fenêtre de la chambre de Maguy ; sur celle de la chambre d’à côté qui était restée ouverte avant l’orage ; sur un petit fenestron dont la vitre avait été brisée, dans un grenier de la maison de Martha. Pour pouvoir passer par cet étroit fenestron, l’agresseur devait avoir la corpulence d’un enfant. Et rien n’expliquait la façon utilisée pour atteindre les ouvertures.

Un second prélèvement d’ADN indiquait que le géant qui avait tué Maguy avait récidivé avec Martha.

L’enquête montrait l’unicité de la méthode employée pour les deux meurtres. Un individu accédait à l’habitation par une ouverture située à l’étage, il se cachait, et le moment venu il permettait à un ou à plusieurs assassins de pénétrer.

Aucune des issues localisées au rez-de-chaussée n’avait subi d’effraction. Le nombre des personnages impliqués dans l’agression restait inconnu.

En conclusion, les autorités policières ne parvenaient pas à attribuer ces crimes à un commanditaire particulier. Elles les mettaient sur le compte de la guerre des gangs entre proxénètes.

Une bande comprenant au moins deux hommes aux caractéristiques très spéciales demeurait donc libre de commettre d’autres méfaits sans que personne ne puisse s’y opposer.

Une idée me taraudait, qui renvoyait à la culpabilité de Rolando, mais dont je ne pouvais parler aux policiers. Le nain aux longs bras que nous avions découvert dans le véhicule de Rolando après l’accident aurait pu franchir le fenestron. Cela n’expliquait pas comment il aurait pu escalader une paroi lisse, mais cela m’intriguait.

Et puis, il était mort.

Ce soir-là, je me couchais tôt, et seul.

Avant d’aller dormir, je revisitais les nombreuses photos prises dans la vallée de la Sainte-Baume après l’accident de Rolando. Celle du nain avec ses longs bras me laissait une impression désagréable de déjà vu.

Ma nuit fut agitée. Une horde de nains aux longs bras me poursuivaient, et lorsque je pensais réussir à leur échapper, des géants à têtes de loups menaçaient de m’attraper. Ce qu’ils finirent par réaliser. Leurs mâchoires s’approchaient, j’étais terrorisé.

Je me réveillais le cœur battant. Quand mon souffle fut stabilisé, je m’assis dans le lit. J’éclairais ma chambre, non que je sois peureux, mais pour chasser les derniers fantômes de mon cauchemar qui tournaient encore dans mon esprit.

Je me souvenais.

Je ne me rappelais pas tous les détails, mais l’histoire surgissait et se reconstruisait dans ma mémoire.

J’avais lu un article paru des années auparavant qui mentionnait le numéro d’un cirque qui avait fait scandale quand ce dernier avait voulu réaliser une tournée en Europe. L’affiche publicitaire montrait un nain, de la taille d’un tout petit enfant, avec un bonnet sur la tête, de très longs bras traînant par terre.

Il tenait en laisse un géant qui effectuait ses quatre volontés. En arrière-plan, un bonhomme rondouillard affublé d’un chapeau de cow-boy agitait un énorme fouet. Le directeur du cirque interviewé indiquait que son colosse n’était pas dangereux, qu’il était un peu simplet et qu’il était malheureusement presque aveugle. Les enfants pouvaient le toucher, disait-il, mais ils en avaient peur. Et ce n’étaient pas les tatouages dont il était recouvert qui pouvaient les rassurer. Le directeur ajouta qu’ils vivaient d’ailleurs toujours ensemble depuis des années.

Ce cirque s’était spécialisé dans la présentation de personnages affublés de spectaculaires déformations.

Je bondis hors de mon lit pour allumer mon ordinateur, et lancer des recherches avec l’aide de mon ami Google.

En langue française, je ne trouvais rien. Enfin, je dénichais un article permettant de nouvelles explorations, car notre duo se nommait Arnold et Helmut. Les photos insérées expliquaient le succès que pouvait obtenir le spectacle. Un tout petit homme, dont les mains pendantes touchaient ses chaussures, s’avançait sur la piste, tenant en laisse un géant, torse nu, tatoué de partout. Son visage patibulaire avait de quoi effrayer.

Parmi les derniers articles trouvés, le plus récent datait d’il y a dix ans.

J’étais maintenant certain que le personnage que j’avais photographié dans la carcasse de l’auto s’appelait Arnold. Et il devait avoir entre quarante et cinquante ans.

L’autre, le géant nommé Helmut se promenait dans la nature.

Je poursuivis ma recherche, et tombais par hasard sur un site internet d’Afrique du Sud qui retraçait l’histoire des cirques dans ce pays. De nombreuses anecdotes y étaient rapportées. Les textes heureusement étaient écrits en anglais.

J’y retrouvais bien évidemment le couple Arnold et Helmut, mais aussi l’affiche d’un numéro des jumeaux Arnold et Arnold, acrobates et trapézistes.

L’article les concernant laissait entrevoir la suite de leur parcours. Je traduis :

« Les deux frères qui devaient avoir la trentaine à l’époque ont quitté leur emploi pour une activité plus lucrative consistant à cambrioler les palaces en entrant par les fenêtres. Ils n’ont jamais pu profiter de leurs succès, car en raison de leur handicap trop voyant, ils devaient se faire représenter par des individus qui les ont manipulés et leur ont pris tout leur argent. »

J’étais convaincu qu’un des deux Arnold vivait encore.

Mais, cela ne permettait toujours pas d’expliquer l’ascension de la façade des maisons de Maguy et de Martha.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Harimax ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0