Martha vivait dans une vieille ferme isolée héritée de ses parents. On accédait à l’habitation par une cour intérieure entourée d’étables à l’abandon.

Bartho, l’ami de Martha la somma pour la dixième fois de lui jurer qu’elle n’avait jamais trahi Rolando. Elle le lui jura, lui disant qu’elle avait seulement aidé Flora, à sa demande, à récupérer ses prostituées. Ces dernières cherchaient qui était leur souteneur légal après la disparition de leur patron. Elle affirma qu’elle ne l’avait jamais rencontré auparavant.

Martha se doutait que depuis la mort de Matéo, son ex-compagnon, on se méfiait d’elle dans l’entourage de Rolando. Elle en avait pris son parti, sachant de plus que cette méfiance était justifiée. Elle s’était engagée sur sa tombe à le venger. Et avoir son ami actuel parmi les proches de son assassin lui était très précieux.

Bartho lui promit de la défendre si elle avait des ennuis, car elle l’avait convaincu.

À plusieurs reprises, Rolando lui avait certifié, sans qu’il le crût, que Martha était la taupe qui avait renseigné les filles de Flora sur ses faits et gestes. Et ils s’étaient violemment disputés quand il lui indiqua qu’il comptait s’en débarrasser.

C’est une des prostituées que Martha menait chaque jour en voiture sur son lieu de travail qui donna l’alerte. Elle avait attendu vainement qu’elle vienne la chercher ce matin. Elle lui avait téléphoné, mais le portable ne répondait jamais. Toujours sur messagerie. Elle se rendit donc sur place à la fin de sa journée de travail.

Elle poussa la porte d’entrée qui n’était pas fermée. Sur le seuil, ses appels demeurèrent sans réponse. Elle monta l’escalier et se figea sur le palier. La porte d’une chambre était enfoncée, et elle apercevait le corps d’un homme allongé sur le sol.

Elle s’enfuit aussi vite qu’elle le put. Arrivée sur la route, après avoir recouvré sa respiration et apaisé les battements de son cœur, elle commença à réfléchir. Elle ne pouvait pas retourner chez elle sans rien dire. Elle avait certainement laissé des empreintes en poussant la porte d’entrée, et le chauffeur du bus qui lui avait permis de descendre avant l’arrêt officiel pouvait être interrogé.

Elle appela Rolando qui lui conseilla de tout raconter à la police, et de ne pas le mêler à cette affaire.

Comme téléphoner aux autorités n’était pas un réflexe conditionné chez elle, elle se résolut à joindre Flora. Et elle lui expliqua tout ce qu’elle avait vu.

Bertrand et Amandine se rendirent sur place.

Entrés dans la chambre dont la porte avait été défoncée, ils découvrirent le cadavre d’un homme qui semblait avoir littéralement été écrasé par celle-ci. Deux éclats de bois le transperçaient et dépassaient de sa chemise ensanglantée. Sa tête au nez enfoncé était méconnaissable.

Même Amandine qui le vit, et l’avais côtoyé, ne le reconnut pas.

Le corps de Martha reposait dans un coin de la pièce. Jetée comme une vieille serpillière.

Des traces de sang, présentes sur tout le pourtour de la salle, montraient que son tortionnaire lui avait à de multiples reprises projeté le front contre le mur.

Des morceaux de cervelle débordaient de son crâne fracassé.

Pendant qu’Amandine cherchait quelques indices, Bertrand entreprit de parcourir les différentes pièces de la maison. Un escalier menant probablement à un grenier attira son attention. Il ressentit un courant d’air, en liaison avec la porte d’entrée ouverte au rez-de-chaussée. Il décida de le visiter : les vitres d’un petit fenestron étaient brisées, et les éclats de verre tombés à l’intérieur prouvaient que le choc provenait du dehors.

Deux rats morts gisaient dans l’escalier, l’un à côté de l’autre.

Ils en avaient assez vu. Ils quittèrent la ferme sans se faire remarquer, et Flora appela la police.