Bertrand proxénète

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Bertrand raconte :

J’avais accepté la proposition de Flora. J’allais m’occuper des prostituées laissées à l’abandon après le décès de Rolando. Martha, Guillaume et Amandine m’accompagnaient lors de cette première visite qui me permettait à la fois de faire connaissance avec chacune, et de récupérer la côte part patronale sur les passes qu’elles avaient effectuées. Les poupées russes fraîchement embauchées rapportaient nettement plus que les autres qui avaient pignon sur rue depuis longtemps.

Je dus me heurter à des petits voyous, ou peut-être à des gros, qui tentaient de se mettre en travers de mon passage, me demandant ce que je foutais ici. Il fallait toute la persuasion de Guillaume, qui manipulait nerveusement et ostensiblement un pistolet dans sa poche pour les faire reculer. Je devais admettre que je n’en menais pas large, et certainement, les autres non plus. J’essayais d’imaginer ce qu’aurait fait Harris s’il avait été présent. Sylvain et Anis auraient pu faire le nombre, mais leurs visages encore enfantins nous auraient desservis.

Je ne pus éviter les embrassades et le rentre-dedans de Natacha. Amandine prit cela très mal, car si je lui avais raconté les menaces proférées par Rolando à mon encontre, je n’avais pas détaillé le contenu de l’entretien. Et encore moins la démonstration de Natacha. Une autre prostituée ayant eu ce comportement n’aurait certainement pas provoqué autant de vagues. Mais provenant d’un quasi-sosie, plus jeune qu’elle de surcroît, cela, elle ne l’avalait pas. Et elle se moquait du fait que Natacha eut rapporté la plus belle recette du groupe.

Sa jalousie s’exprima avec des sonorités qui virèrent vers les aigus, lorsque nous fumes seuls :

— Pourquoi tu ne m’en as pas parlé. Tu as accepté de baiser une pute qui me ressemble ? C’est ça ta relation tendue avec Rolando ? Il t’aurait menacé ? Tu maintiens ce que tu as dit ?

— Oui, mais j’ai refusé sa proposition, et il m’a menacé. Je maintiens.

— Pourquoi tu n’as pas voulu que je vienne faire le tour des compteurs aujourd’hui ? Tu disais que c’était trop dangereux, et que cela allait me rappeler de mauvais souvenirs. Tu te foutais de moi. Tu voulais me cacher cette femme et te la réserver. J’ai vu comment elle t’a embrassée. Tu l’as déjà touchée ?

J’étais sur les charbons ardents. Amandine pouvait interroger la fille, et obtenir toute la vérité. Je ne pouvais pas biaiser, et compte tenu de son état d’énervement, je devais faire attention aux mots que j’utilisais :

— Oui.

— Elle était habillée ?

J’hésitais un instant avant de répondre :

— Non.

— Rolando était présent ?

— Oui.

— Dans la même pièce ?

— Oui.

— Ah ! Bon. C’était une dégustation ?

— En quelque sorte, oui.

– Rolando semble te connaître mieux que moi. Il t’a collé une jolie fille entre les bras, et il savait que tu ne pourrais pas refuser. A lui l’original, et à toi la copie. Bertrand, tu te fais toujours avoir.

Amandine s’était calmée. Il n’y avait rien qu’elle puisse faire pour l’instant, sauf se débarrasser du sosie :

– Vire-la.

– Pas question, je suis là pour remplir une tâche : rentabiliser le cheptel de ta mère. Les Russes sont minoritaires, mais ce sont elles qui ramènent la plus grosse partie du résultat. Et si tu en vires une, tu perds du capital, et les autres vont toutes se barrer. Il ne nous restera que les anciennes qui nous carottent et que je veux mettre au pli.

Maintenant, la patronne, c’est ta mère. Si elle veut me remplacer par quelqu’un d’autre, libre à elle. Elle pourra choisir Harris pour cela quand il reviendra. Je ne m’y oppose pas.

Quant à ta pseudo jalousie, j’ai l’impression que tu te crois dans un théâtre pour t’exclamer avec tant d’emphase. Si tu étais réellement jalouse, et si tu tenais à moi, tu mettrais moins d’empressement auprès de Guillaume. Tu ne peux pas courir éternellement après deux lièvres. Et puis la petite Natacha est très mignonne, et elle est pleine d’atouts cachés à tous les étages.

Prends garde, faute de grives, on finit par manger des merles.

Et ce n’est pas forcément déplaisant.

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