Rolando invite Bertrand

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Bertrand raconte :

Je reçus sur mon portable une communication de Rolando qui me proposait un rendez-vous chez lui pour mettre à plat nos relations, et éventuellement les améliorer.

Je lui demandais comment ma sécurité serait assurée. Cela le fit rire : comment pouvez-vous croire que je puisse vous agresser chez moi, alors que vous pouvez annoncer au monde entier où vous vous rendez ?

Nous décidâmes de nous rencontrer le lendemain après-midi. Je prévins Flora et Amandine de mon intention.

Il habitait seul dans une grande villa située dans les quartiers sud de Marseille.

C’était un petit homme râblé qui dégageait une impression de puissance, mais aussi de calme. Il ne répondait pas du tout au portrait qu’on m’avait fait de lui.

Il me reçut sans chichi dans la salle à manger, où il déboucha une bouteille de Ricard non entamée. Il apporta deux verres, une carafe d’eau et un bac à glaçons, avant de faire le service.

Il aborda enfin le sujet pour lequel il m’avait demandé de venir :

— Bertrand, vous permettez que je vous appelle Bertrand ? Pour ma part, vous pouvez m’appeler Rolando. J’ai souhaité vous voir, parce que je pense que l’on peut bosser ensemble.

J’esquissais une parole, mais il me coupa :

— Non, ne répondez pas tout de suite, attendez la fin de ma proposition. Je travaille depuis peu avec des Russes qui me fournissent en marchandises de premier choix. Elles baragouinent un peu d’anglais, mais moi je ne le comprends pas.

Il éleva la voix et appela « Natacha ».

Une très jolie blonde entra dans la pièce en souriant. Mon cœur s’arrêta de battre. Elle portait une robe moulante couleur chair qui ne cachait rien de ses courbes. Mais surtout, elle était le sosie parfait d’Amandine. Je restais stupéfait. Le même visage ovale, la même coupe de cheveux qui les laissaient pendre sur ses épaules. Elle avait par contre les yeux légèrement bridés contrairement à Amandine.

Rolando me regardait :

— Elle ne parle que russe, pour le moment.

Et s’adressant à la femme, il lui donna un ordre que je ne compris pas tout de suite, car elle ôta sa robe et la déposa délicatement sur une chaise, le tout sans me quitter des yeux.

Elle ne portait rien dessous. Ses seins en poire la différenciaient de ceux d’Amandine. Ils pointaient sans faiblesse à l’horizontale. Elle paraissait très jeune, et je lui donnais entre seize et dix-huit ans.

Rolando se rendait bien compte que cette jeune fille, et sa tenue ne me laissaient pas complètement indifférent. Il lança un autre ordre que je ne compris pas plus que le premier. Il avait dû apprendre par cœur le petit guide Franco-Russe permettant d’obtenir l’obéissance des prostituées de ce pays. En tout cas, elle vint s’asseoir sur mes genoux en écartant légèrement les jambes, elle entoura mon épaule de son bras, et pencha sa tête contre la mienne.

Elle n’eut plus besoin de consignes pour prendre ma main et la porter à ses seins pour que je puisse les caresser. Pour ne pas avoir l’air emprunté, et aussi parce que cela me plaisait, je tâtais donc. Un véritable bonheur. Une jeune poitrine qui n’avait pas encore eu le temps de se battre contre la loi universelle de la gravitation. J’en serais toujours à mes palpations si la fille n’avait pas repris ma main pour en faire pénétrer deux doigts dans sa chatte qui était humide à souhait.

Comme je connaissais déjà ce type d’endroit, je les ressortis pour grattouiller les poils de son pubis. Il me semblait que c’étaient ceux d’une vraie blonde.

Toujours grattouillant machinalement, je me retournais vers Rolando et lui fit un petit geste pour lui signifier : et maintenant, qu’est-ce qu’on fait.

Il aboya un ordre que je ne compris pas plus que les autres, et deux jeunes femmes, brunes cette fois, entrèrent dans la pièce, vêtues d’un minuscule maillot de bain. Elles ne réalisèrent qu’un passage, avant de se retirer. Rolando voulait sûrement me montrer que Natacha ne représentait pas sa seule cartouche.

Ni lui ni moi avions goûté au pastis versé dans nos verres, tellement nous étions subjugués pas la scène. Et maintenant, les glaçons avaient fondu.

Ce fut le moment où Rolando décida de me transmettre son message :

— Bertrand, j’ai récupéré un groupe de femmes russes pour mon activité. Natacha, je l’ai sélectionnée sur photo, et tu devines pourquoi. Elle a plus de dix-huit ans, mais elle ne les fait pas. Je ne sais pas si elle se nomme réellement Natacha. En fait, on peut l’appeler comme on veut.

Je te confie la mission de les prendre en charge, quitte à me ristourner une partie de leurs recettes. Tu peux conserver Natacha pour ton seul agrément si tu le souhaites.

En contrepartie, tu me cèdes Amandine définitivement.

Je me décidais à le tutoyer :

— Pourquoi ? Tu es si amoureux que ça ?

— Ça ne te regarde pas. Tout cela, c’est une vieille histoire.

Mais, je veux bien tout t’expliquer, car je souhaite faire de toi à terme mon associé.

Depuis deux ans, je poursuis une idée de vengeance qui me hante, en fait j’ai l’opportunité de gagner encore plus d’argent ailleurs qu’en gérant des putes qui ne m’intéressent plus.

Il y a très longtemps, j’étais le chef d’un groupe de prostituées qui comprenait Flora. Un puissant mafieux lyonnais est venu s’installer à Marseille, dans mon quartier, accompagné de ses hommes de main. Il a rapidement pris le contrôle de la zone et de toutes mes putes. Il m’a gardé comme adjoint. J’étais jeune à l’époque. Il était devenu le patron, et il a gardé Flora avec qui j’étais très lié, pour sa consommation personnelle. Et il l’a épousé peu après.

Quand il est mort, il y a deux ans, ses putes sont devenues celles de Flora, et je dois lui payer une forte redevance pour travailler avec.

Maintenant, je suis le plus fort. Je veux récupérer mon bien, et j’exige de pouvoir utiliser ses filles à ma guise à titre d’intérêts. Le plus puissant remporte tout. J’ai subi et accepté cette loi pendant vingt ans. Maintenant, c’est l’heure de la revanche, et pour rien au monde je ne la laisserai passer. Flora doit souffrir autant que ce que j’ai pu endurer pendant toutes ces années. Elle me verra lui prendre ses filles, ou elle les perdra. C’est mon droit. Notre monde fonctionne comme ça.

– Et le droit des femmes à disposer d’elles même, qu’est-ce que tu en fais ?

– Tu me fais rire quand tu parles du droit des femmes, alors que tu les méprises. Cela ne me gène nullement. J’ai fait enquêter sur toi. Un pickpocket a volé ton téléphone portable. Et quand je l’ai utilisé, j’ai eu la surprise de ma vie. Un répertoire appelé « conquêtes » comportait une centaine de numéros, ayant pour affichette Nathalie 11/05/16 à 19/05/16, par exemple.

Je me suis fait un petit plaisir à toutes les appeler, une par une. Et là, le résultat s’est révélé éloquent : en me faisant passer pour toi, je me suis fait jeter, insulter… Je ne répète pas les mots élogieux utilisés pour te décrire.

Moi, cela me plaît que tu sois comme cela. Indifférent et misogyne. Mais, par pitié, ne me fais pas croire que tu défends la cause des femmes.

Ce que je t’offre, tu ne le trouveras pas ailleurs.

Je veux qu’Amandine et ses sœurs travaillent pour moi, et j’en fais une question de principe. Entends-moi bien, si Amandine ne m’appartient pas, elle n’appartiendra jamais à personne. C’est valable pour ses sœurs aussi. Et je serai sans pitié pour ceux qui se placeront en travers de mon chemin. Tiens-toi-le pour dit.

– C’est une menace ?

– Oui.

– Il vaut mieux qu’on en reste là alors.

– Réfléchis à ma proposition, et réfléchis vite. Tu reviendras me voir. Tu ne fais pas le poids avec moi. Réfléchi à cela aussi.

Je pris congé de Rolando.

Pour qu’il en arrive à me demander de gérer son lot de prostituées russes, alors qu’il savait que je ne connaissais rien à ce milieu, il fallait qu’il ait réellement envie de s’approprier Amandine et ses sœurs. De plus, il m’avait directement menacé.

À un moment donné, l’idée d’accepter sa proposition m’avait traversé l’esprit. Après tout, j’avais perdu Amandine, et la petite Natacha me plaisait bien. Et puis cela m’aurait permis de laisser tomber ces laborieux travaux de programmation mal payés qui occupaient mes jours et mes nuits. J’avais hésité, mais ma défunte mère n’aurait pas aimé que je fasse cela.

Je prévins Amandine des menaces proférées pour qu’elle s’en protège.

À la réflexion, Rolando ne me semblait pas dangereux. Amandine m’avait fait peur quand elle avait crié « ils vont nous tuer », et j’avais perdu mon sang-froid. Rétrospectivement, quand j’y pense, ses équipiers s’étaient conduits comme une bande d’ivrognes excités, faisant beaucoup de bruits, mais ayant peu endommagé mon mobilier. Ils avaient proposé immédiatement de payer les dégâts, et s’étaient laissés embarquer par la police sans résistance.

Et moi, j’avais seulement mis Amandine en sécurité.

Je crus à cet instant que je n’entendrais plus jamais parler de Rolando.

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