Les confidences de Bertrand

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Bertrand raconte:

Je téléphonais à Léa pour lui dire que passer une bonne soirée au restaurant avec elle me ferait plaisir. Cela faisait un bon moment qu’on ne s’était plus vu.

Pendant ce repas elle me confia qu’Amandine avait sous-entendu à plusieurs reprises qu’elle avait un faible pour moi, et qu’à son avis, c’était le bon moment pour abandonner ma vie de bâton de chaise.

— Elle te plaît et tu lui plais. Elle n’est pas une bécasse inculte comme tu as tendance à le penser de toutes les femmes. Elle se trouve à un an de l’obtention de sa licence en droit qu’elle bosse avec assiduité, en dépit des menaces qui planent sur elle et dont tu ne sembles pas beaucoup te préoccuper.

Je lui demandais pourquoi elle me donnait ces conseils qui risquaient de la priver d’un ami, et qu’elle ne suivait pas elle-même.

Elle me répondit qu’elle s’était toujours sentie plus proche des femmes que des hommes. Mais elle avait connu un tournant dans sa vie. Adolescente, elle avait dû subir une grave opération, à la suite de laquelle on lui avait indiqué que celle-ci s’était bien déroulée, mais qu’elle ne pourrait jamais avoir d’enfant. Elle a alors renoncé à sortir avec des hommes pour éviter une situation sentimentale intenable pour elle. Elle avait fait une exception avec moi, et elle ne savait pas pourquoi.

Elle m’indiqua aussi qu’un mariage avec Amandine n’impacterait pas notre relation qui deviendrait bien sûr alors strictement amicale.

Elle me demanda :

— Tu me feras lire ton livre, que tout le monde semble avoir déjà lu ?

— Non, car je l’ai bien avancé en fonction de tout ce qui nous est arrivé, mais j’ai trop parlé de moi et de mes sentiments. Et je n’aimerais pas que les gens que je fréquente en prennent connaissance.

— Tu ne me fais pas confiance ?

— Si, mais c’est trop intime, je n’aurais jamais dû écrire ça. Cela dépasse ce que j’accepte que l’on sache de moi.

— Je comprends.

– Bon, à toi, je peux t’en parler, mais je ne veux pas qu’on le lise et que l’on puisse voler mon texte. J’ai été marié pendant un an. Ma femme, Claudine, était blonde, un peu comme Amandine, la même silhouette.

Me marier ne me disait rien, mais ma mère a poussé à la roue. J’ai toujours écouté ses conseils.

Et Claudine a voulu un enfant. Ma mère m’expliquait que c’était le bon moment pour qu’il n’y ait pas une trop grande différence d’âge entre lui et nous. Elle était d’accord avec ma femme pour que nous en ayons au moins deux. Cela aussi ne m’enchantait pas, mais j’ai dit oui à tout.

Nous avons emménagé dans un T3 pour que le gosse ait sa chambre personnelle, maman nous offrant la moitié du prix du loyer.

À partir de ce moment, toutes les conversations ne portaient plus que sur les besoins des bébés. Internet, les revues… Tout.

Et le bébé se développait à grande vitesse. Elle le sentait bouger. Il avait donné des coups de pied. Mets ta main là et tu le sentiras.

Nous étions en route pour rendre visite à ma belle-famille qui habitait à Bourg-en-Bresse. Ma femme était assise à mes côtés, et mes parents à l’arrière. La circulation était fluide.

Alors que nous approchions de notre destination, je me retournai pour intimer à ma mère de se taire. Elle n’avait pas cessé tout au long du trajet de faire des remarques sur ma conduite.

Malheureusement, pour des raisons dont je ne me souviens pas, un camion que je suivais a freiné.

Je me suis réveillé trois jours plus tard à l’hôpital, où l’on m’apprit que j’étais le seul survivant de l’accident.

J’ai tué mon père, ma mère, ma femme et mon bébé. Pour la police, j’étais le responsable, je n’avais pas gardé une distance suffisante avec le camion, et je n’avais pas freiné.

La nuit, souvent je me réveille, le cœur battant. Je viens de percuter un camion.

Quand j’ai connu Claudine lors d’un de mes reportages photo de mariage, le soir même, elle dormait chez moi et nous ne nous sommes plus quittés. J’ai eu le malheur de dire à ma mère que j’avais trouvé une fille bien, et elle a voulu faire sa connaissance. Tout est parti de là.

Maintenant, j’ai peur. Je sais que j’attire les femmes, mais elles me font penser aux pieuvres qui dans les romans saisissent les marins dans leurs tentacules pour les emporter au fond de l’eau.

Et ça me fait peur. Et Amandine me fait peur. Elle m’aspire peu à peu.

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