Temps modernes

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Alta Avenue, Santa Monica

Je repense à notre conversation avec Stan à Ventura. Il avait vraiment l’air surpris de ne pas nous avoir trouvés sur Internet. Il a parlé d’Insta, je suppose qu’il voulait parler d’Instagram. Je croyais que ce réseau était destiné à montrer ses photos de vacance ou vanter les mérites de cosmétiques douteux. Je décide de regarder à quoi ressemble ce site. Je me connecte depuis mon ordinateur et je lance une recherche : Jazz Trio Los Angeles. Je reçois une liste de noms, certains avec des adresses. Il y a un peu de tout, des clubs de jazz, des restaurants, mais aussi pas mal de musiciens. Il y a des photos, le programme des concerts et surtout des morceaux disponibles à l’écoute.

Je n’ai toujours pas grand-chose à faire de mes journées. Pourquoi pas prendre un peu de temps pour créer un profil. J’appelle Lucy pour lui demander son avis.

« Tu te souviens de la remarque de Stan, quand il nous a parlé d’Instagram ?

— Oui, j’y ai pensé. Je ne suis pas trop branchée, moi non plus. Je travaille à l’ancienne, avec mon téléphone et mon réseau de contacts humains, et ça a marché plutôt bien jusqu’à présent.

— Tu ne crois pas qu’on pourrait essayer de créer quelque chose ?

— Oui, je crois qu’on ne risque rien en essayant. Tu veux le faire ?

— J’ai du temps libre, mais je ne suis pas très doué avec un ordinateur.

— Tu veux que j’en parle à ma nièce Sandy ? C’est de sa génération, elle ne lâche jamais son portable, même à table. Je peux lui demander si elle peut t’aider.

— Ce serait une super idée.

— Attention, Mike, elle a vingt-cinq ans et c’est plutôt un canon, alors pas touche.

— Lucy, tu me fais mal quand tu imagines une chose pareille, répliqué-je en riant.

— Ok, je l’appelle et je te tiens au courant. »

J’ai reçu le texto de Lucy en fin de matinée. Sandy est disposée à m’aider et elle a un peu de temps libre dans l’après-midi. Lucy lui a donnée l’adresse et mon numéro de portable. Sandy termine des études d’architecture à l’UCLA, c’est à un quart d’heure de Santa Monica. La jeune femme m’appelle vers trois heures pour me dire qu’elle se met en route. Je lui donne le code d’accès.

Lucy est en-dessous de la vérité. Sandy est une vraie beauté. Elle est grande, élancée, les cheveux remontés sur le haut de la tête, de grandes créoles dorées aux oreilles. Elle porte un simple T-shirt blanc, visiblement sans soutien-gorge, et un jean où les trous l’emportent sur la toile. Elle jette sa grande besace sur le canapé et me rejoins dans le coin cuisine.

« Salut, me dit-elle, alors c’est toi Mike, Lucy m’a souvent parlé de toi. Tu veux te faire une page Insta, c’est ça ? On s’y met tout de suite ou tu m’offres une bière ?

— Va pour la bière, c’est encore un peu tôt pour les boissons fortes.

— Qu’est-ce que tu veux mettre sur ta page ? Des photos, des textes ?

— De la musique surtout. On a composé de nouveaux morceaux, ce serait bien de les mettre en valeur.

— OK, on peut faire ça, mais il faut quand même un peu d’images. Je suppose que tu as ça ?

— Oui, j’ai pas mal de photos de scène, dis-je.

— Très bien, tu as des vidéos aussi ?

— Ici, pas grand-chose, mais je suppose que Lucy en a quelques unes. Moi, quand je joue, je ne fais que ça !

— On va lui demander si elle peut nous en envoyer. »

Elle sort son portable pour appeler sa tante. J’en profite pour décapsuler deux bières et je sors sur le balcon. Elle me rejoint et nous buvons en silence, en regardant l’océan.

« Chouette appart’, ça fait longtemps que tu es là ?

— Non, c’est provisoire, une location meublée. C’est compliqué à expliquer. Normalement j’habite près d’Echo Park.

— Je préfère ici, la vue est superbe. Tu fais du surf ? demande Sandy.

— Non, j’ai jamais essayé. En fait, la mer, je me contente de la regarder.

— Avec des potes de l’université, on va souvent faire des barbecues sur la plage, du côté de Faria ou de Carpinteria. C’est cool. »

La conservation est interrompue par le ping du téléphone de Sandy. Elle y jette un œil.

« Lucy a envoyé des vidéos. On va les transférer sur ton ordi et puis on attaque ? »

Je lui donne mon adresse mail et on rentre dans la chambre que j’ai choisie comme bureau. Une heure plus tard, on a quelque chose de présentable.

« C’est pas tout d’avoir créé la page. Si tu n’as pas de followers, ça ne sert à rien. Je vais donner l’adresse à quelques copains qui font de la musique, mais ça ne suffira pas. Il faudra que Lucy et toi vous fassiez passer le mot. Il faudra aussi que tu ajoutes régulièrement des infos, des photos, tes dates de concert… »

Je la remercie, je lui propose une autre bière, mais elle décline poliment. Je la regarde sortir. Ses copains ont de la chance.

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