un pari original

de Image de profil de annecannec

 Voici mon journal de bord : 

Je couche sur papier mes impressions suite à l'expérience menée avant de reprendre mes cours à la fac d'octobre. Rien ne me destinait à réaliser ce que je considérais comme une prouesse pendant ces quelques jours... Je décidais, pour narrer le processus de mon aboutissement de rédiger un petit rapport matin et soir de mon ressenti et mon vécu aux nombreuses personnes qui doutent de mon défi relevé.

Jour 1 

22 H 30

 Ce soir, DODO tôt : je suis épuisé après une journée de galère. Pourvu que ce ne soit pas prémonitoire ni un échantillon ou un avant-goût des jours suivants.

Ca commençait mal : Mon train au départ de Clermont Ferrand pour le Puy en Velay ne partait pas, à cause d’une grève. Je me fous de la cause des salariés à défendre, de la même manière,  eux se moquent que j’ai dû pratiquer l’auto-stop et donc commencer à marcher plus tôt que prévu, avec le pouce levé et un sac-à-dos à porter. J’ai dû avancer à pied trois quarts d’heure au moins. 

Soudain, un couple providentiel m’a proposé une petite place dans leur voiture. En fait, ce co-voiturage m'attribue un voisin de banquette particulier : un énorme gentil canidé aux yeux de chien battu. Insensible à mon récit où j’expliquais par politesse mon projet à mes bons samaritains, mon gros poilu l'était moins aux odeurs et le contenu mon sac à dos posé sur mes genoux. Concentré sur sa bave dégoulinante qui le transformait en tissu absorbant, j'ai été désarçonné en l’espace d’un instant, quand sa gueule parvient à y saisir mon sandwich réservé pour le déjeuner. Quel idiot je suis, de m'être laissé avoir comme un bleu.

Confuse, la femme du conducteur culpabilisait à fond et a insisté pour que je prenne la barquette de framboises tout juste achetées au marché; C'était les seuls trucs de son panier mangeables sans préparation et cuisson. L’enfer des autres est pavé de bonnes intentions ! Trop mures, elles ont maculé  mon tee-shirt déjà mouillé de bave mais j'ai été sauvé d'arriver à destination : l'infernal clebs commençait à s’attaquer au linge de rechange que j’ai emportés pour ces cinq jours de périple.

Parti sans avoir vraiment préparé ce voyage, je n'ai réservé aucun hébergement. L'improviste va devenir mon seul allié qui devra composer avec mon petit budget, mais raisonnable vu les coins que j’envisage de parcourir. Des chambres d’hôtes et un diner suffiront pour récupérer le temps d’une nuit.

 

Jour 2                                     

7H10

Premier jour sur les chemins de Compostelle. Je regrette déjà cette idée saugrenue de marche car je n’en peux déjà plus : voici le résultat d’un pari débile avec mon pote Eric sur le « paradigme de la meilleure méthode pour se ressourcer ». Un rapide appel téléphonique du poste fixe de mon gite sur mon programme de la journée rassure mes proches. Je ne sais pas si avoir laissé mon portable était très judicieux.

Pour le trajet, je me fie aux conseils de mes voisins de table d'hier soir. Ainsi, je prévois de me rendre à Monbonnet pour ensuite rejoindre St Privat d’Allier, à cinq petites heures de marche d'après eux. On les sent à peine m'assurent-ils.

21 H 45

Avec mon manque d’entrainement je me suis vite fait distancer par des pèlerins motivés et dotés d’une meilleure endurance. La mienne, je la travaille plus à rire et boire à outrance avec mes amis aux terrasses des cafés pour débattre de la société. Rien à voir avec l’épreuve que j’ai subie aujourd’hui.

J’ai atteint ma destination en fin de journée, fourbu à cause du poids de mon sac à dos et de la chaleur. Satisfait d’y être parvenu, fier même, même s’il m’a fallu six heures sur les cinq escomptées par les autres « pèlerins ». Six heures que j'ai bien senties passer dans tous les sens du terme.

En quête d'une chambre dès mon arrivée à St Privat, j'en ai dégotée une in-extremis dans un gîte après encore une demie heure de quête. L’avantage de voyager seul facilite la tâche de trouver une place, infime soit-elle.

Autant dire que dans mon lit d’un confort pourtant médiocre, le marchand de sable ne va pas se faire attendre.

Jour 3

7 H

Aujourd’hui, prochaine étape : Saugues, ville du Gévaudan.

Le temps maussade devrait m’éviter de suer comme hier. Je supporterai mieux les quatre heures de marches imposées.

Je passe tous mes appels, histoire de parler à un proche, avant de me lancer pour une journée de mutisme forcé. Je reconnais que cela fait une éternité que je ne suis pas resté seul avec soi-même pendant si longtemps, si jamais cela m’est produit un jour. J'ai toujours eu besoin de compagnie.

Sur le chemin, il m’arrive à certains moments de parler avec des gens qui cadencent leurs pas sur les miens, mais cela ne dure jamais très longtemps car je monopolise mon énergie pour les efforts physiques de ma pérégrination.

 

22 H

L’arrivée dans le village relativement tôt m’a permis de profiter de mon temps libre tranquillement : m'asseoir au premier café et savourer le temps qui passe pour recouvrer des forces. Mes courbatures des deux premiers jours se sont atténuées.

Mais quel ennui d'être seul, attablé devant une bière et sans avoir aucun écran à consulter. A 19 h, je me réjouissait de devoir passer à table. Mon Dieu, je rêve ! J'ai adopté des horaires de poules... non que mon appétit me taraudait mais que j'avais hâte de partager un moment convivial.

 J’ai trouvé hospitalité chez un habitant « super chouette » pour cette nuit, selon l’expression fétiche de mon hôte. Demain, il y a quand-même six heures de marche jusqu’à la prochaine étape (Saint Alban) m’a-t-on dit. Il vaudra mieux se lever tôt.

 

JOUR 4

6 H 45

Je téléphone à mes parents avant de partir pour nous mettre d’accord sur l’horaire de mon retour. Il semblerait qu’eux aussi soient étonnés de mes kilomètres mangés durant ces trois jours, à croire qu’ils avaient parié entre eux sur mes capacités à parvenir à fournir ces efforts.

21H30

Le parcours d’aujourd’hui était si ardu que je n’en voyais plus la fin, à tel point que je me croyais égaré. En désespoir de cause, j’ai engagé une conversation avec le premier type rencontré et lui ai demandé s'il avait sur son portable l’appli GPS, mais évidemment, dans le coin paumé où on errait, impossible de capter un réseau satellite. Dédaigneux et moqueur de ma demande, il m'a planté sur place à une vitesse si vive qu'il me fut impossible de le suivre ne serait-ce du regard pour me repérer.

Aucune âme qui vive aux alentours, j’avançais dans le doute et sans entrain quand un groupe de joyeux retraités m’ont rattrapé et m’ont rassuré sur l’itinéraire à suivre. Nous avons fini le chemin de l’étape ensemble. Si je ne leur avais pas parlé, je n'aurai pas parié sur leur capacité physique vue leur corpulence loin des quinquagénaires croisés jusqu'à ce jour. Leur humour et leur appétit de la vie m’ont appris que la vieillesse ne doit pas faire peur, car au contraire, avec l’âge on apprécie davantage laisser de côté les petits soucis matériels.

 

Jour 5

6H50

Le programme du jour est de me rendre à Aumont-Aubrac où demain matin Eric vient me chercher avec la voiture son père.

22H

Aujourd’hui j’ai retrouvé des personnes que j’avais rencontrées au début de mon escapade. Nous avons échangé sur nos expériences après ces quelques jours vécus chacun de notre côté. Je me surprends moi-même à rechercher le contact de gens croisés au gré du hasard, à échanger des ressentis et à même m’inquiéter de leur sort. Est-ce le résultat des moments de solitude à essayer de se dépasser pour atteindre un objectif fixé ?

Jour 6

8 H

Aujourd’hui, grass’ mat’, quel bonheur de trainer jusqu’à 7 h 45 au lit ! Rendez-vous à 10 H avec Eric, à l’auberge. Il était temps que mon bout de chemin se termine, j’étais fauché comme les blés, mes finances m'offraient une chambre de plus en plus minable.

 Avant de partir, j’avais un moment pour dire au revoir à mes compagnons de route.

On s’est promis avec de garder le contact, on verra si cela se fera. En tout cas, jamais je n’aurai imaginé apprécié la compagnie de personnes de générations plus anciennes, des gens plus âgés : des vieux, quoi ! Je n’avais jamais été confronté à ce genre de fréquentations, moi qui depuis mes douze ans, rejoignais mes copains dès que mes parents recevaient leurs amis pour m’éviter d’écouter ces ancêtres… Aurais-je raté quelque chose ?

ChroniqueContemporainEssaicompostelle génération
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En réponse au défi

Logorallye 1

Lancé par Al Prazolam
L'objectif de ce défi est de placer des mots imposés dans un texte.
13 mots pour commencer :
blé - bois - chouette - espace - framboise - grève - histoire - marche - papier - paradigme - sable - satellite - temps

Vous pouvez les mettre au pluriel si besoin, les changer en verbe s'ils s'y prêtent, ou même les transformer en nom propre.
À vous de jouer. :)

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