IV - Echo

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Lorsque je rentrai, je devinai tout de suite la présence étrangère dans ma chambre. Je m’emparai de mes chaussons, décidant qu’il n’était pas décent de partir à la chasse aux garnements pieds nus, puis m’accroupis pour faire face à la gamine de douze ans, cachée sous mon bureau.

– Qui c’est qui compte ? demandai-je.

– On dit « qui est-ce qui compte ? », corrigea automatiquement l’enfant.

Je soupirai :

– Qui est-ce qui compte, mini-académicienne ?

– C’est Adem.

Je regardai un instant Capucine, d’ordinaire perchée du haut de ses douze ans et de ses cent quarante centimètres, mais aujourd’hui recroquevillée dans la pénombre. Ses yeux vifs – et que je qualifiais de sournois dans mes mauvais jours – me dessinaient, les joues encore rougies à cause du froid, les cheveux aussi bien coiffés que si j’avais été sur un champ de bataille.

J’étirai un léger sourire en voyant qu’elle cherchait à grande peine quelque chose d’aimable à me dire. La courtoisie n’était pas une qualité innée chez mes frangins.

– J’aime bien ton rouge à lèvres, finit-elle par dire.

J’avais trois sœurs et un frère, je savais comment les choses fonctionnaient. J’attendis. La suite vint vite.

– Tu me le prêteras un jour ? demanda Capucine.

– Quand Maman sera d’accord pour que tu viennes maquillée au collège, rétorquai-je.

Elle prit un air boudeur, ouvrit la bouche pour m’adresser un torrent de plaintes, mais ne put rien répondre car la porte de ma chambre venait de s’entrouvrir.

– Echo ?

Je tournai la tête pour observer Adem, sept ans, haut comme sept pommes et qui pouvait être aussi grincheux qu’un nain dans ses mauvais jours.

– Tu as vu Capucine ? Ou Rose ?

Je jetai un regard sous le bureau qui me suppliait des yeux de ne rien dire. Je secouai la tête.

– Non, j’ai rien vu. Regarde dans le frigo.

– Le frigo ? rit Adem. Personne ne se cache dans le frigo !

– Ne sous estimes pas Capucine, elle est assez bête.

Je l’avoue, je profitais du fait qu’elle ne pouvait pas sortir de sa cachette pour narguer ma sœur. Adem finit par sortir de ma chambre et quelques minutes plus tard je faisais dégager Capucine.

– Non ! Il va me trouver !

– C’est le plaisir du jeu. Allez, du balai, j’ai du travail.

– Je demande le droit d’asile ! dit-elle.

– Je ne suis ni une église, ni une ambassade, allez fous le camp !

– Mamaaaaaan !

Ainsi venait le cri habituel qui déclenchait toutes les hostilités. Adem sortit de la cuisine et s’écria :

– Echo ! Tu avais dit qu’elle était pas là !

– J’ai menti, lâchai-je avec satisfaction (visible, la satisfaction).

– Mamaaaaaaan !!

Le mioche avait des cordes vocales en excellent état, mais ne nous pouvions pas en dire autant des tympans des membres de la famille. Maman sortit dans le couloir, les mains pleines de peinture et s’écria :

– Ça suffit, un peu de silence !

– Maman, Echo a encore menti ! gémit Adem.

– Tu n’as qu’à arrêter de la croire ! rétorqua Capucine.

– Echo… commença ma mère.

– Quoi ? Ma chambre, mes droits. J’y mens si je veux.

Nous fûmes interrompus par Violette qui lança sans lever les yeux de son téléphone ;

– Quelqu’un a laissé le frigo ouvert.

– Encore ? s’est exaspérée Maman. Adem, combien de fois devrais-je te dire de fermer la porte du frigo ? Et toi, Violette, tu l’as fermé, bien sûr ?

– Bah non, c’est pas moi qui l’ai ouvert, répondit ma sœur.

– Adem, va fermer le frigo, soupira ma mère.

– Mais je l’ai laissé ouvert que cinq minutes, et c’est parce que je croyais que Capucine y était, rouspéta le gamin.

– C’est vrai qu’elle est assez bête pour le faire, commenta Violette.

– Eh ! Espèce de–

– Ça suffit ! Chacun dans sa chambre et que ça saute ! On en reparlera au dîner !

– Bon, je vais travailler, moi, lâchai-je avant de claquer la porte de ma chambre.

Aaaaaah, j’aimais tellement ma famille quand elle était loin !

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