Chapitre 1

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Le soleil reflétait ses rayons sur l'eau. La terrasse, protégée de sa chaleur par son marbre blanc, entourait la piscine, dessinée en forme de poisson.

Je prenais un bain de soleil, allongée sur ma serviette éponge au décoratif jaune et bleu. La tête entre mes bras, mes cheveux éparpillés sur le côté, je devais somnoler depuis une heure. Mes parents se reposaient dans la fraîcheur de leur chambre.

Chaque année, nous descendions à Avignon, dans un luxueux hôtel. Mon père pouvait se permettre de nous offrir ces vacances grâce à l'exploitation agricole d'un vignoble berruyen qu'il avait reçu de ses ancêtres.

Les de Narbanne appartiennent à la vieille aristocratie depuis plus de cinq siècles. Ma famille a été divisée, géographiquement, lors de la révolution française de 1789.

Notre ancêtre, le vicomte Charles-Henri de Narbanne, s'exila en Amériques avec sa petite famille de quatre enfants. L'aîné des garçons s'enfonça dans les terres à la recherche de richesse. Là-bas, il rencontra une tribu indienne qu'il apprit à connaître et découvrit une mine de fer non exploitée qu'il récupéra. Il se maria avec la fille du chef indien et fit profiter sa nouvelle fortune à ses deux familles.

Le deuxième garçon s'embarqua avec un ami sur le Mississippi et rejoignit la Nouvelles Orléans. Delà, il gagna San Francisco, alors petite ville, et s'offrit comme mousse sur un bateau en partance pour l'Australie. Avec beaucoup de volonté, lui et son ami s'accrochèrent à leur éducation et réussirent à acquérir une exploitation pétrolière. L'ami repartit annoncer la nouvelle à New York mais mourut dès son arrivée. Juste avant sa mort, il légua tous ses biens à la famille de Narbanne.

Pendant ce temps en France, la Terreur faisait rage, la société était démantelée et le pays en guerre contre ses voisins. Le consulat de Bonaparte et l'Empire de Napoléon rendit aux nobles leurs propriétés ruinées. Le troisième fils du vicomte rentra donc et remit en état l'exploitation familiale de raisins en Berry. Grâce à ses connaissances outre-Atlantique, il devint un membre important du conseil de l'Empereur et reçut en remerciement de ses services le titre de comte. C'est de cette branche que descend mon père.

Le dernier enfant du vicomte était une fille qui se maria avec un aristocrate russe en visite à New York.

Ma famille est donc grande et reste unie malgré les deux siècles qui ont suivi. J'ai de nombreux cousins aux Etats-Unis et en Australie avec qui je corresponds de temps en temps. Chaque vacances, nous nous retrouvons chez les uns et les autres à tour de rôles.

Les guerres et les révolutions qui suivirent l'Empire de Napoléon Ier ne changèrent pas la richesse accumulée des comtes de Narbanne. Les quatre branches de la famille du vicomte participèrent aux entreprises de chacun et aujourd'hui encore notre richesse tient des actions que nous avons en Amériques et en Australie comme nos cousins en ont sur notre exploitation. Notre puissance politique et économique augmenta grâce à ceci d'années en années, mon grand-père fut ministre des Affaires Etrangères avant la deuxième guerre mondiale, mon père réussit, en plus de l'entreprise familiale, à acquérir d'autres marchés commerciaux. Ses employés l'appréciaient pour sa générosité et pour ces réussites car, malgré la crise économique, la production augmentait toujours ce qui permettait d'embaucher du personnel.

Je venais de finir mes études et je profitais de mes dernières vacances avant de commencer ma carrière professionnelle dans une agence de photographies, à Paris.

L'hôtel où nous étions installés avait tous les avantages dus à son lieu privilégié, la campagne : chevaux, bicyclette, golf, piscine, danse etc.

J'avais deux frères et une soeur. Aymeric était de deux ans mon aîné, Lucas et Luciana, les jumeaux, n'avaient que sept ans. Une grande différence séparait les aînés des plus jeunes mais ils étaient encore plus proches ainsi. Aymeric m'aimait beaucoup. Petit, il me câlinait sans cesse et surveillait mes parents quand ils me prenaient dans leur bras. Quand notre mère me nourrissait, il poussait des hurlements, de peur que le bébé tombe des bras protecteurs. Au collège, il me défendait contre les admirateurs, il était jaloux des regards que j'offrais à ses amis pour l'embêter. Il faisait maintenant des études à Sciences Politiques et avait une fiancée, Alanna Starimanov.

Aymeric l'avait invitée à l'hôtel, cette année. Alanna était une jolie fille blonde, elle étudiait dans la même université que mon frère. Nous avons lié connaissance assez rapidement. Alanna est d'origine russe, elle descendait d'une branche éloignée de la famille Romanov. Ses arrières grands-parents avaient quittés leur pays pour les Etats-Unis pendant la guerre franco-prussienne, puis avaient rejoint la capitale mystique de la France. Les parents d'Alanna devaient nous rejoindre la semaine suivante avec leur fils Andreï.

***

Les jumeaux jouaient dans le bac à sable, j'étais chargée de les surveiller. Ils étaient très intrépides ce qui les amenaient à faire de nombreuses bêtises. Ainsi, ils avaient décidé de me couvrir d'un manteau de sable. Pensant que je dormais, ils s'approchèrent de ma serviette et commencèrent à me mouler le corps. Je les laissai quelques minutes puis j'attrapai les chenapans chacun sous un bras, les mis sur mes genoux et cherchait les points sensibles pour les chatouiller. Les enfants riaient à cœur joie. Avec leur tête rousse sur ma poitrine, mes cheveux sombres tombant sur leurs épaules, nous devions représenter un joli trio.

  • Alors, petits chenapans, on veut m'enterrer sans mon autorisation ? Je vais vous montrer le respect dû aux personnes qui dorment.

Ma voix avait pris une intonation sévère mais, hélas, les enfants n'en furent pas effrayés.

-- -Je vais vous enfermer à double tour, vous allez voir. Allez, ouste, à l'eau vite avant que je ne vous attrape.

Les enfants coururent vers le côté le moins profond. Ils se jetèrent à l'eau puis je les rejoignis d'un petit sprint. Je fis leur jeu favori : une pirouette ou un plongeon. Au bout d'une heure, épuisés, ils allèrent goûter au restaurant où devaient les attendre nos parents tandis que je profitais encore quelques instants de l'eau. Les mains sur le bord de la piscine, je cherchai appui pour retrouver la terre ferme quand quelqu'un me prit le bras. Etonnée, je découvris un jeune homme d'une vingtaine d'années, tenant une serviette de son autre main. Le soleil cachait son visage mais je remarquai son long corps et sa superbe musculature. J'acceptai cette aide.

- Je n'ai pas pu m'empêcher de vous accoster, fit le jeune homme, vous êtes si belle !

- Vous ne manquez pas de culot, vous ! Voulez-vous me lâcher ?

- Quoi ? Là maintenant ? Vous risquez gros vous savez.

En effet, il me tenait serrer contre lui à quelques centimètres du sol, s'il me lâchait, je n'avais pas d'autres possibilités que de tomber dans la piscine.

- OK, si vous voulez vraiment faire connaissance, ayez au moins un comportement décent digne d'un adulte.

Je lui souris. Vaincu par mon charme, il me déposa puis me salua d'une large révérence.

- Mon Dieu, et il essaye ses bonnes manières, murmurai-je.

- Mademoiselle, puis-je me présenter ?

- Mais faite, Monsieur, vous êtes assez bien parti sans me demander l'autorisation.

- Andreï Starimanov, pour vous servir.

Je levai les yeux, la bouche ouverte.

- Attention, vous allez avaler une mouche, me dit-il, un sourire en coin.

- Vous êtes le frère d'Alanna ?

Il hocha la tête tout en me fixant. Agressive à cause de son regard que je ne comprenais pas, je répliquai :

- Vous voulez ma photo ?

- Pourquoi pas ? Pour les jours où vous ne serez pas à mes côtés ?

Je le regardai de biais.

- Ne faites pas cette tête, on vous croirait à l'article de la mort. Mais vous ne vous êtes pas présentée ?

- Je suppose que vous avez deviné, non ? Vous n'êtes pas du genre à accoster les inconnues, je me trompe ?

- En effet, Honorine, je savais par ma sœur qui vous étiez. Avez-vous faim ?

- Je dois rejoindre mes parents...

- Cela ne vous empêche pas de goûter avec moi, vos parents nous attendent à l'intérieur.

Je le quittai pour m'habiller plus décemment. Dans ma chambre, je fus accueillie par ma chienne, un petit caniche noir que je nommai Hanwi. Cette chienne était à moi à part entière, je l'avais eu pour mes vingt ans alors que je ne m'y attendais pas. Elle avait sur son museau et son ventre un reflet roux ; ses poils noirs ressemblaient à de la laine, ce qui provoquait toujours des crises de nerfs quand je la brossais et la tondais. Elle était tellement adorable que la famille lui passait tous ses caprices. Quand on la grondait, son petit air voyou nous faisait fondre. Je faisais les quatre cents coups avec elle.

Je descendis vêtue d'une longue robe blanche, Hanwi dans mes bras. Andreï était assis auprès de mes parents, Aymeric et Alanna leur tenaient compagnie.

- Je remarque, ma fille, que tu n'as pas pu t'interdire de présenter le bébé de la maison, me dit mon père.

- Je voulais que M.Starimanov la voie.

Andreï se leva pour m'avancer un siège.

- Je suis enchanté de cet honneur mais appelez-moi Andreï, j'en serais heureux;

Aymeric rit de cette réflexion et reprit :

- Tu aurais dû te taire, Andreï, ma chère petite soeur sera contente de te contredire.

Je jetai un regard légèrement méchant à mon frère.

- Ne dévoile pas mes secrets et mes défauts, je n'aurai plus de charme après.

- Ne t'inquiète pas, j'ai confiance en toi.

Le soir, nous dinâmes ensemble, la soirée fut agréable, Andreï était un compagnon charmant et je fus surprise de ma promptitude à laisser tomber le masque. Je regrettais déjà la fin de cette nuit. Allongée sur le lit, jouant avec ma chienne, je réfléchissais à cette rencontre. J'avais comme le pressentiment d'un événement primordial dans ma vie.

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