Chapitre 2

4 minutes de lecture

Andreï s'amusait à critiquer tout ce que je faisais, à renier mes valeurs artistiques, à dénigrer mes amis. Ce qui était un comble parce que j'en avais peu.

J'avais un esprit indépendant très marqué quoique assez solitaire. Le weekend, quand les jeunes de mon âge sortaient, je préférais rester dans ma chambre à lire.

La lecture était ma grande passion. Mais pas toutes les lectures. J'étais surtout sentimentale et attirée par les livres à l'eau de rose. Depuis, j'ai changé de littérature. Avec Andreï, je n'avais plus à rêver de mon super héros puisque je l'avais. De temps en temps, cependant, j'aimais encore retourner dans ces lectures.

J'ai moi-même tenté l'écriture d'un roman. L'histoire était banale sur le fond. Andreï ne l'a pas apprécié. Evidemment, ce n'était pas son genre. Je ne me faisais aucun souci car je savais que c'était par pur défi. L'expression de son visage devant certains passages me disait le contraire : son dégoût était drôle à voir plus parce qu'il se forçait que parce qu'il était vraiment écœuré.

Une autre qualité qu'il n'appréciait pas était mon don pour le chant. Depuis ma plus tendre enfance, je charmais mon public grâce à mes cordes vocales et les quelques pas de danse. Eh bien, cela n'a pas plu à Monsieur quand je lui ai fait une représentation pour lui tout seul. Il ne m'a donné aucune explication. Seulement, "on croirait entendre un perroquet". Vous pouvez me croire, depuis ce jour-là, il se tient à carreau. Il a trop peur de me perdre.

C'est vrai, je n'ai pas une voix de soprano. Mais, sans me vanter, je surpasse quelques filles de mon environnement qui s'y croient.

J'avais, adolescente, un regard aigu sur le monde... Je le détestais. Paradoxalement, je l'aimais car je ne pourrais jamais me séparer de toute la technologie moderne. Un seul point sur lequel j'étais acariâtre, même très méchante, c'était au sujet des hommes, non pas l'espèce mais le sexe. Les livres que je lisais n'arrangeaient pas les choses dégradant la réalité que je côtoyais. Les couples autour de moi, se détruisait comme un château de cartes que l'on soufflait, brutalement, continuellement. Mes amies se faisaient marcher sur les pieds par leurs petits copains. Elles leur faisaient tout aveuglément tandis qu'ils se prélassaient dans le canapé devant un match de foot.

Heureusement, je ne suis pas arrivée à cette situation avec Andreï. Malgré notre amour, nous avons encore des coups de gueules. Il m'aide dans le ménage, s'occupe de la cuisine, un de ses loisirs favoris.

Il faut dire que je participe d'un concours de circonstance, son métier l'autorise à rester chez lui. Il a un matériel si sophistiqué dans son bureau personnel qu'il n'a pas besoin de se déplacer. En revanche, mon travail m'oblige à quitter le cocon familial, ce qui m'arrange car je ne supporte pas une journée entière chez moi.

Adolescente, j'étais très coriace. Une critique avertie des comportements égoïstes masculins. J'avais été à bonne école. Quand je revenais du collège puis ensuite du lycée, j'allais visiter une vieille dame qui habitait près de chez nous. Je l'aidais à faire ses courses et, à l'insu de mes parents, je faisais son ménage. Madame Duchâtel m'offrait le goûter et me racontait sa vie. J'adorais ces moments car j'apprenais beaucoup sur le passé, les guerres, la politique et surtout sur la vie quotidienne.

Cette femme avait épousé un homme qu'elle aimait à la folie. Avant leur mariage, il lui avait fait une cour assidue remplie de fleurs et de mots doux. Il avait un charme si puissant que toutes les femmes qui l'approchaient se pâmaient à sa vue. Annie était, elle aussi, tombée dans le piège de ses yeux sombres. Hélas, personne ne connaissait la véritable personnalité de cet homme. Les premières années furent des lunes de miel jusqu'au jour où Annie attendit leur premier enfant. Il s'avéra que son mari n'en voulait pas. Au fil des jours, il s'éloigna de sa femme, la battit parfois, la traita comme une chienne. Annie découvrit alors son égoïsme et s'aperçut que depuis le début de leur union, elle avait seulement servi d'objet d'apparat. Sa seule utilité était maîtresse de maison. Un jour, elle apprit que son mari avait une liaison avec une femme plus jeune qu'elle et bien sûr plus mince. Elle décida de le quitter et retourna chez ses parents jusqu'à la naissance du bébé. Il revint aussitôt la chercher, la suppliant et lui promettant sa bonne conduite. A la naissance de leur fille, Marie, il recommença à la tromper. Ses gestes devenaient plus violents. Annie supporta tout pour le bonheur de sa fille. Mais, une fois, dans un accès de colère, il s'en prit à la petite âgée d'un peu moins de neuf mois. Ce fut le dernier geste qu'il fit sur sa fille. Le lendemain, Annie fit ses bagages, s'installa chez sa famille avec Marie et engagea un avocat. Elle gagna son divorce mais peina pour trouver un travail et nourrir sa fille. Son mari fut tué au front pendant la guerre. Elle supporta les injures des voisins, défendit sa fille contre les gamins du quartier. En fin de compte, elle réussit à trouver une place dans un magasin de styliste et gagna sa vie en créant des robes pour les grandes personnalités.

Annie me protégeait des jeunes garçons trop entreprenants. A quinze ans, elle me forçait à devenir indépendante des hommes. "Il ne fallait pas s'abaisser à leur lécher les mains", me répétait-elle. Elle réussit assez bien mon éducation car à part mon frère, Aymeric, son petit-fils, Nicolas, je ne fréquentais pas la gent masculine au lycée.

A l'école, mon esprit mordant plaisait aux professeurs mais m'assurait de nombreux ennemis. Mon air de Sainte Nitouche me valut des insultes. J'étais si bien préparée par Annie que je n'en avais cure et souriais aux personnes qui me méprisaient.

Cependant, je regrettais un peu de ne pas avoir plus d'amis. A 21 ans, je n'osais pas leur parler la première ce qui entravait souvent mes études puis par la suite mon travail.

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