IX

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Doutes

Temanggung, 15 juin 2011. MMS

Mama,

Merci tout plein pour le cadeau d’anniversaire. Il est super ! Mes copines en bavent de jalousie. Ayah m’en a envoyé un aussi. Il n’a pas oublié cette fois ! Le colis est arrivé juste le bon jour, comme le tien. Je te joins une photo de moi avec. Bon, j’aurais autant aimé qu’il ne soit pas rose, mais il est vachement bien quand même, hein ? J’ai déjà mis pas mal de musiques dessus, mais, je ne peux l’écouter que le soir ; en principe, dans la journée on n’a pas le droit.

Encore merci pour le smartphone. Maintenant, on va pouvoir se parler, s’envoyer des messages et des photos et même se voir si tu installes Skype. Allez, bisous, j’ai encore un truc à faire avant l’extinction des feux. Y'a pas intérêt à se faire piquer après, sinon c’est confisqué !

Lia

Ce message, reçu alors qu’elle venait de refermer la porte coulissante qui isolait sa chambre de la wet kitchen à laquelle elle attenait, éveilla en Ratih des sentiments contradictoires. D’un côté, elle était très heureuse d’avoir pu contenter sa fille, mais de l’autre, bien consciente de compenser par l’argent son douloureux éloignement et aussi vaguement jalouse que le cadeau du père ait un peu éclipsé le sien !

Certes, elle avait obtenu du tribunal une mesure d’éloignement de cet homme dangereux, mais avait dû se résoudre à inscrire sa fille comme pensionnaire dans une madrasa pour couper court à un projet de mariage aussi prématuré qu’avantageux pour son ex-mari.

C’est une vie à l’occidentale que Ratih ambitionnait pour son enfant et la voir porter le hidjab et pratiquer un islam rigoriste était un crève-cœur pour elle, mais les juges avaient donné raison au père sur ce point jusqu’à la majorité de Lia ou… son mariage !

Dans quelques mois, sa fille atteindrait la majorité sexuelle de 16 ans en vigueur dans son pays. Ratih était inquiète. Lia avait changé. Qu’est-ce que c’était que cette manière de s’exprimer ?

Puis ses pensées s’éclaircirent en changeant d’objet. Aujourd’hui, Li-Tsou et elle avaient partagé un café à Vivo City, en attendant que l’on charge dans la voiture les commandes qu’elle avait passées. Pourvu que Madame Chang, cette tigresse, ne l’apprenne pas !

Ratih avançait ses pions à petits pas. M. Chang se départait rarement de son sérieux et Li-Tsou était d’un naturel mélancolique. Alors, lors de leurs courtes rencontres, elle tentait de l’amener à rire avec les devinettes, les charades, les plaisanteries, plus souvent grivoises qu’on n’aurait pu le penser et parfois aux dépens de leurs maîtres, que les maids, inventaient, perfectionnaient et se répétaient entre elles lors de leurs retrouvailles dominicales dans les parcs et lieux de loisir de la ville. Elle y réussissait de mieux en mieux.

En sa compagnie, le jeune chinois semblait se détendre. Logique, il ne craignait plus rien d’elle.

Ainsi, jour après jour, semaine après semaine, Ratih gagna-t-elle la confiance du chauffeur. Mais comment aller au-delà ? Comment détacher Li-Tsou de la “tigresse” ? Comment l’amener à elle ?

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, 2015. Tous droits réservés.

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