4.

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Francine et Jean-Michel étaient en train de peaufiner le portrait chinois qu'ils avaient préparé pour Jules. Oui, je sais ! On est censé faire preuve de maturité mais comprenez-nous ! On a bien besoin de décompresser parfois.

Sentant un regard s'attarder sur moi, je relevai la tête pour rencontrer ces yeux qui me fascinaient tellement. Les yeux légèrement plissés et son éternel petit sourire aux lèvres, il me demanda :

— Ca va ? Tu n'as pas faim ?

— Si, pourquoi tu me demandes ça ?

— Je ne sais pas. Tu manges très lentement et tu as l'air perdue dans tes pensées.

— C'est juste que j'aime prendre mon temps pour manger. T'inquiète !

— La vérité c'est que notre Jana est super lente quand elle mange. Elle réfléchit, rêvasse, pense à tout et à rien. Elle mange une bouchée toutes les 3 minutes 40, puis elle mâche pendant au moins 15 minutes. Ah ces artistes, toujours dans la lune !

Je feignais de m'offusquer et lançai ma serviette en papier sur le crâne de Jean-Michel.

— Bon alors, intervint Francine, pour apprendre à un peu mieux te connaître, J-M et moi on t'a concocté un portrait chinois. Tu es d'accord pour y répondre, j'espère ?

— Bien sûr, ça peut être marrant. Vas-y !

— Super ! Alors…, commença-t-elle.

— Attend Francine ! Jana pourrait très bien poser les questions, non ? l'interrompit Jean-Michel en lui lançant un regard de conivence.

— Ma foi, en voilà une idée qu'elle est bonne !

Je fixai la feuille qu'elle me tendait en me demandant ce que ces deux-là pouvaient encore mijoter. Les sourcils froncés, je regardai Jules qui avait l'air de s'amuser de mon air méfiant.

— Allez vas-y ! lança Francine, extatique.

— Si vous y tenez...

Je déposai ma fourchette et pris la feuille des mains de Francine.

— Alors, si tu étais un animal ?

— Facile ! Une licorne, répondit Jules en souriant jusqu'aux oreilles

Je rigolai immédiatement.

— Une licorne ? Sérieusement ? Pourquoi pas après tout. Si tu étais une couleur ?

— Le brun. Enfin, le marron.

— Un métal ?

— Le cuivre. Par rapport aux instruments, ajouta-t-il en nous voyant froncer les sourcils.

— Tout s'explique. Une touche d'ordinateur ?

— ALT 3. Sans hésitation.

— Tu ne peux pas dire la touche entrée ou la barre espace comme tout le monde ? me moquai-je gentiment. Un super-pouvoir ?

— Je dirais le don d'ubiquité. Ça doit être sympa de pourvoir être à plusieurs endroits à la fois. Tu ne trouves pas ?

C'est surtout pratique quand on doit avoir plusieurs copines, espèce de blaireau ! Mina ? Mais purée, sors de ma tête !

— Euh...si tu étais un sport ?

Jules afficha tout à coup un air grave, les sourcils froncés comme s'il allait nous révéler un secret.

— Je ne devrais sans doute pas le dire. Mais, j'ai été plusieurs fois médaillé, commença-t-il attisant notre curiosté. Cinq fois champion olympique d' assisement ! Vous vous rendez compte ? , s'écria-t-il.

On éclata de rire tous les quatre. ''Assisement'', vraiment ? Il traînait vraiment trop avec nous !

Je riais tellement que je posai la prochaine question sans y porter attention. Il était vraiment marrant ce test en fait.

— Si tu étais une position du kamasutra ?

PAUSE ! Rewind s'il-vous-plaît !

— Tu n'es pas obligé d'y répondre. Si ça te met mal à l'aise…, commencai-je, confuse.

— Non, ça ne me dérange pas. Hum, laisse-moi juste quelques secondes pour y réflechir.

C'était les ''quelques secondes'' les plus longues de ma vie. Jules me fixait intensément, son regard parcourant mon visage pour finalement s'arrêter sur mes lèvres.

Je comprenais mieux le regard qu'avaient échangé mes chers amis. Ils trouvaient ça drôle que ça sorte de ma bouche surtout qu'ils savaient que je n'étais pas spécialement portée sur la chose. J'avoue avoir l'habitude de ce genre de blagues fantasques avec Francine et Jean-Michel. Mais, devant Jules, je me sentais intimidée.

— Je dirais la position du lotus. Et toi ? demanda-t-il, d'un air taquin, ce qui déclencha le fou rire de mes amis.

Je me raclai la gorge, essayant de me donner une contenance.

— Primo, je tiens à te dire que le Kamasutra ne se résume pas qu'aux positions. Il s'agit d'un ouvrage très interessant sur l'amour et le désir en général. Ça va bien au-delà de ce que semble penser la plupart des gens en Occident !

— On est d'accord.

— Deuzio, je ne suis pas particulièrement attirée par le sexe.

— Mais tu n'as toujours pas répondu à ma question, me dit-il en me faisant un clin d'oeil.

Et voilà que je me mettais à rougir.

Fixant tour à tour mes collègues, je fis mine de réfléchir et mis quelques secondes à répondre.

— Pour être honnête, je pense que je dirais aussi la position du lotus. Ça doit être particulièrement agréable pour la femme de pouvoir modifier l'angle et la profond...

— Jana ! Mais...

Voilà ! J'avais perdu Francine et Jean-Michel qui avaient les yeux écarquillés et se demandaient sans doute comment je savais ça. Et bam ! Tels étaient pris qui croyaient prendre.

Tout sourire, je rétorquai :

— Eh ! Je suis peut-être asexuelle mais pas totalement inculte non plus.

Jules se mit à rire et je laissai finalement Francine lui poser le reste des questions. Des questions aussi loufoques les unes que les autres, évidemment. Ah mes amis ! Qu'est-ce-que je vais bien pouvoir faire d'eux ?

Quelques minutes plus tard, alors qu'on s' apprétait à rejoindre nos classes, Jules me demanda :

— J'ai entendu parler d'une exposition sur le surréalisme pas loin d'içi. Je me demandais si tu voulais y aller avec moi ?

— C' est marrant,je comptais déjà y aller demain après-midi. J'habite à deux pas de la galerie.

Mais, euh oui… On pourrait se retrouver là-bas si tu veux. Tu t'intéresses à tout ça ?, demandai-je assez sceptique.

Il rigola d'un air géné.

— Et bien, si tu passes ton temps dans les galeries, je vais sûrement m'y intéresser un peu plus sérieusement.

Hum...

— Est-ce que tu me dragues ? Oh mon dieu ! Si ma sœur t'entendait, elle te dirait de remballer tes techniques à deux balles et d'aller voir ailleurs.

— Désolé, c'était si nul que ça ?

Je hochai la tête de manière exagérée.

— En fait, pendant mes études j'ai commencé à m'intéresser à la peinture et à la sculpture, en plus de la musique. Je comptais un peu sur toi pour m'expliquer les œuvres surréalistes !

— Tu vas vite te rendre compte qu'il n'y a absolument rien à ''comprendre'' ! On ne doit pas faire appel à notre raison face à ce genre d'oeuvres.

Comme dit ma sœur, il faut se laisser porter par le mystère et, je cite, « l'apparente incohérence » de ces artistes, lui répondis-je en un haussement d'épaule.

Il eut l'air pensif tout à coup, son beau sourire flottant sur ses lèvres, son regard vérouillé au mien.

— Elle doit avoir raison. Il faut se laisser porter.

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