5.

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Le lendemain, j'attendais donc Jules devant la galerie, observant le va et vient des passants.

On avait échangé nos numéros pour que ce soit plus facile, et il m'avait envoyée un message quinze minutes plus tôt pour me dire qu'il arrivait dans cinq minutes.

J' en connais un qui s'entendrait super bien avec vous-savez-qui !

J' allai entrer à l'intérieur quand je sentis des gouttes de pluie sur ma tête. J'avais toujours adoré cette sensation. Vous allez sûrement me trouver bizarre mais alors qu'elle redoublait d'intensité et que les gens se précipitaient dans la galerie, je restais là, le visage vers le ciel, les yeux fermés laissant les gouttes glisser sur moi.

C'était tellement agréable de sentir l'eau ruisseler sur mon visage. Mina se moquait tout le temps de moi quand je faisais ça ! Quand on était petites, je l'y obligeais à chaque fois qu'il se mettait à pleuvoir, ce qui lui valait une bonne grippe alors que je n'avais jamais rien.

Je restais ainsi je ne sais pendant combien de temps, quand la pluie s'arrêter brusquement. J'ouvris alors les yeux et me retrouvai face à deux pupilles étincellantes, un parapluie au dessus de ma tête :

— Je me suis dis que tu en aurais besoin.

Je restai coite, me contentant de fixer Jules qui souriait jusqu'aux oreilles (pour changer !) et qui s'était rapproché un peu plus de moi.

— Tu es sûre que ça va ?, demanda-t-il l'air inquiet tout à coup.

— Oui... Trés bien merci.

— Tu risques d'attraper froid. Désolé de t'avoir fait attendre. Je dois dire que la ponctualité, ce n'est pas vraiment mon fort.

—Je suis pratiquement immunisée contre la grippe, ça va aller. De toute façon, j'avais à peine remarqué que tu étais en retard, me moquai-je.

Il parut se détendre en me voyant sourire et me fit signe de me rapprocher encore plus.

- Je peux te confier un secret ? Je savais que les artistes étaient un peu à l'ouest. Mais toi, tu avais vraiment l'air d'une folle à sourire comme ça sous la pluie.

Je fis mine de m'offusquer en lui donnant un coup sur l'épaule et on éclata de rire tous les deux.

On entra finalement dans la galerie. Moi complètement trempée évidemment.

On déambula entre les œuvres, admirant tour à tour ''La Trahison des images''et ''Les amants'' de Magritte, ''Le grand maturbateur'' de Dalí et ''La poupée'' de Bellmer, entre autres.

A la fin du parcours, Jules me demanda :

— C'est incroyable. Mais comment font-ils venir toutes ces œuvres jusqu'ici ?

Je le regardai en comprenant à quoi il faisait allusion.

— Les Carroll sont plein de ressources ! Ce sont bien les œuvres originales que tu vois là, crois-moi. Je n'ai jamais osé leur demander comment ils arrivaient à les avoir. Je sais juste qu'ils sont dans le métier depuis longtemps et qu'ils ont beaucoup de relations.

— C'est quand même incroyable de se dire qu'en poussant la porte d'une petite galerie de quartier, on peut découvrir des œuvres originales qu'on a l'habitude de voir dans de grands musées.

— Le secret des Caroll, mon cher ami, dit une douce voix derrière nous. Bonjour, je suis Alice. Mon mari et moi sommes les propriétaires de la galerie.

— Madame Caroll, je vous présente Jules. Il est professeur de musique au collège où je travaille, lui dis-je après l'avoir prise dans mes bras.

— Enchanté Madame. Votre galerie est impressionnannte.

— Vous pouvez m'appeller Alice. Jana n'y arrive jamais. Je sais que je suis plus vieille qu'elle mais quand même ! Et elle n'arrête pas de me vouvoyer.

— C'est une question d'habitude, m'excusai-je en souriant. L'exposition est superbe.

— Merci ma grande. C'était du boulot mais nous sommes fiers du résultat. Que diriez-vous d'aller nous asseoir un peu? Vous n'allez pas sortir alors qu'il pleut encore. Et puis, cela nous permettra de faire plus amplement connaissance, Jules.

Madame Caroll nous conduit dans son petit bureau qui donnait sur l'accueil. Elle nous invita à nous asseoir dans ses fauteils colorés et nous servit une tasse de thé bien chaud.

— Alors, comme ça vous travaillez ensemble ?

— Oui, je suis arrivé assez récemment en fait.

— Tout va bien pour vous ici ? L'adaptation n'est pas trop compliquée, j'espère ?

- Tout se passe très bien, je vous remercie. Et puis, mes collègues sont géniaux et leur accueil a été très chaleureux, répondit Jules en me lançant un regard amusé.

Madame Caroll et Jules s'entendaient à merveille. J'appris grâce à elle que Jules avait fait ses études de musique à l'étranger et qu'il avait eu son concours récemment, la même année que moi. Ses parents voyageaient beaucoup du fait de leur travail. Il avait donc été élevé par ses grands-parents, tout comme Mina et moi. Il jouait pas moins de onze instruments et avait décidé de devenir enseignant pour transmettre son amour de la musique aux générations à venir.

Monsieur et Madame Caroll faisaient partie de ma famille. J'avais énormément de respect et d'estime pour eux. Mina et moi avions convaincu nos grands-parents d'enfin profiter de leur retraite pour voyager et les Caroll leur avaient promis de veiller sur nous.

Et je savais qu'à travers ses questions, elle s'assurait que Jules était quelqu'un d'intègre et de confiance.

Il devait être aux alentours de dix sept heures et la pluie avait cessé de tomber. La galerie allait bientôt fermer.

J'embrassai Madame Caroll, en lui glissant un merci à l'oreille et elle me répondit en faisant un clin d'oeil. Jules lui fit la bise également et la remercia avant de me suivre à l'extérieur.

— Ça m'a fait plaisir de passer un après-midi avec toi. Alice est vraiment charmante.

— Les Caroll sont fantastiques, c'est vrai. Ça te dit de dîner avec ma sœur et moi ce soir ?, demandai-je après quelques secondes d'hésitation. Elle finit dans une heure environ. Je dois la retrouver dans un petit restaurant chinois pas loin d'ici. Si tu n'as rien de prévu évidemment.

— C'est vraiment gentil à toi de me proposer mais je ne veux pas m'imposer. C'est un dîner entre vous deux.

— Oh non ! Tu ne t'imposes pas, puisque je te le propose. En plus, ça lui fera plaisir de te rencontrer.

— Je veux bien alors, merci. Avec toi, je vais bientôt connaître tout le monde dans le quartier, c'est cool, me dit-il tout sourire alors qu'on se dirigeait vers le bout de la rue. D'après ce que j'ai compris d'Alice, ta sœur et toi êtes proches…

— Oui très ! On est inséparables. Le double l'une de l'autre.

— Vous vous ressemblez beaucoup ?

— On est jumelles. Mais nos caractères sont diamétralement opposés.

— Vraiment ? Ouah ça doit être cool !

— Contrairement à ce qu'on pourrait croire, on n'est pas télépathes. Même si, j'avoue que, très souvent, je sais exactement ce qu'elle pense. J'ai vraiment l'impression qu'elle s'immice dans ma esprit.

Jules se mit à rire, mais je percevais une lueur de tristesse dans ses yeux.

— Je suppose que ça n'a pas dû être facile pour toi.

Pendant que nous discutions tout à l' heure, il nous avait confié être un enfant très solitaire.

- Oui, j'ai grandi avec mes cousins mais j'ai toujours ressenti une certaine solitude, comme si quelque chose me manquait. Pourtant, j'ai toujours reçu énormément d'amour de mes grands-parents et de mes parents. Je ne sais pas si c'est parce que je suis enfant unique ou si c'est juste mon tempérament.

— Il m'arrive aussi de me sentir seule même si j'ai ma sœur à mes côtés. Après tout c'est peut-être parce que tu es un artiste toi aussi ! Tu sais qu'ils sont un peu dans leur monde, plaisantais-je.

— C'est vrai, admit-il en riant.

Après avoir regardé ma montre, je lui proposai timidement :

— Il est peut être un peu tôt pour aller directement au restaurant, non ? On pourrait aller se ballader un peu au parc…

Je me mis à rougir sans raison. Notre aprés-midi prenait des allures de rendez-vous galant et son regard me perturbait de plus en plus.

J'étais tellement plongée dans la contemplation de son visage que j'entendis à peine quand il accepta.

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