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Je pars.

Je m'extrais du cocon de tes doigts, à la poursuite de ma métamorphose.
Partir. Déserter.
Est-ce un exil ou une fugue ?

J'arpente les routes brunes et borgnes, les plaines calcinées par le désir nourricier du soleil. Je croise sur ces chemins de traverse d'autres petites filles muettes, figées de blancheur, qui rongent leur propre corde. Autour d'elles, des prédateurs attentifs posés sur les branches du sang, hument l'odeur nocturne de chair claire. Sous les arbres, des corps de petites chiennes jetées pêle-mêle encore hurlantes. Des gisements d'innocence portés à dos de bête du poing au charnier.
Je rejoins des mers plus brunes que gitans, participe à leur bal incendiaire. Tenter de se rincer l'âme dans des fleuves fossiles encore brûlants. M'apposer aux hommes, hanches de saccades sous un ciel d'aigle, amours incultes arrosées de sueur. Jouir à des lèvres sans langage, à des sexes sans siestes.

Je pars.

Je repense à l'âme hors du père. Qui me laisse chienne là où je me croyais poisson ; qui me laisse lionne là où je me croyais chienne. J'apprends à danser sans boiter, à emboîter le pas, à m'emboîter à l'autre. Une année de flamenco, de corrida et de mise à mort. Tournoyant dans ma robe de lumière, toréer, piquer leur peau dure de doux mensonges. Aujourd'hui, les hommes n'ont plus de droits sur ma vie.

Mais ce qui surgit de l'absence ne me rêve pas, n'offre pas de nuances, n'éveille pas de sensibles chagrins, ne flirte pas avec le poème. Une année en vérité à caresser tes traits sur leur visage, de la pulpe de mes doigts.
Je m'effondre dans un coin de l'arène. Je sais déjà que tout ça n'a aucun sens.

Je prends rendez-vous avec Maria. Elle est dépositaire aussi, des âmes fracassées. Son rôle : marier le sombre avec le clair, atténuer les pics de l'existence, se former solide. Soulager la brûlure, là où le passé tatoué de fer chaud a laissé sur mon corps des marques amarante. Elle éclaire mon enfance d'une nouvelle lumière, d'un nouveau regard "Vous avez été maltraitée, Abysse" et "Vous n'êtes pas obligée d'aimer vos parents". L'étreinte qui m'étouffe se desserre.

Et puis, un an plus tard, je te retrouve, Tombeau.
Ta peau encore plus soleil, ton corps plus athlétique, ton sourire moins cabossé, ton fric. Tu me racontes Carillon, ta nouvelle compagne de route. Tu la décris lumière là où j'étais lunaire. Tu apprends à faire du bateau, pour elle, à braver l'océan, loin de nos petits lacs. Cette nouvelle vie semble te convenir. Chacun la sienne, alors. J'avais oublié que je l'avais décidé.

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