32. Un poème pour une déclaration

8 minutes de lecture

Malcolm


J’essaie de retrouver le sommeil malgré le départ et l’absence de Jade, mais je comprends rapidement que c’est peine perdue. Le soleil qui commence déjà à se lever ne m’aide pas à me rendormir. Après avoir tourné et retourné sans fermer l'œil, je décide de me lever et d’explorer un peu cette maison que je n’ai fait qu’apercevoir entre deux baisers. La chambre où je suis est toute simple, chichement décorée mais très cosy. Il doit y avoir une histoire de Feng Shui car je m’y sens bien, tout simplement. J’observe un instant la photo qui se trouve sur la table de chevet. On y voit Jade avec deux dames plus âgées qui se sourient et se regardent avec amour. Je m’approche et constate en effet qu’il s’agit de ses mères et qu’elles forment un beau trio. Je l’envie un peu d’avoir encore ses mères, j’aimerais tellement avoir mes parents pour m’aider, discuter, me supporter.

Je sors sur le petit palier qui donne sur les escaliers et admire un instant toutes les plantes qu’elle entrepose sur une étagère devant la fenêtre. L’orientation est parfaite et les fleurs s’épanouissent. Il y a plusieurs couleurs différentes et l’ensemble est parfait. Ma belle Doc a la main verte, on dirait. Je jette un œil par la fenêtre et constate que, comme chez moi, il y a à la fois une mini-éolienne et des panneaux solaires pour l’alimentation électrique. Ces petites inventions sont essentielles pour notre bien-être et je me dis que le Conseil a peut-être des idées parfois bizarres, dans l’ensemble, ils font plutôt bien leur travail pour préserver l’environnement;

Je descends les escaliers et m’installe dans le salon. Je récupère mon petit carnet. Il faut que je mette des mots sur toutes ces émotions que je ressens, il faut que j’écrive toutes les sensations que ma relation avec Jade me procure. Je sens l’inspiration provoquée par ma jolie muse déborder et me pousser à écrire. Les mots s’enchaînent avec une fluidité déconcertante. J’ai l’impression que je n’écris pas assez vite pour noter toutes mes idées et c’est un peu fou de voir qu’il suffit que je pense à elle pour me perdre dans une infinité d’étoiles de plaisir.

Quand enfin j’entends la porte d’entrée s’ouvrir, je constate que ma chérie est épuisée mais souriante. Et son sourire s’agrandit encore quand elle pose le regard sur mon corps nu.

— Ça va ? Ça s'est bien passé, on dirait.

— Oui, j’ai passé plus de temps à rassurer les Mamans qu’à soigner la petite, soupire-t-elle en se servant un verre d’eau. Enfin, je préfère autant ça. Tu es déjà debout, mais pas encore parti ? Je suis contente de te retrouver ici, je pensais que tu serais rentré chez toi.

— Et ne pas avoir un petit baiser avant de partir ? Ce serait fou et malpoli de faire ça. Et puis, tu vois, l’inspiration est venue. J’ai fait quelques petits poèmes en ton honneur.

— Oh… des poèmes interdits ? Tu me les partages ou c’est top secret ?

— Tu veux vraiment que je t’en lise un ou deux ?

— Bien sûr, sourit-elle en venant s’asseoir à mes côtés. Des odes à mon corps de déesse et à mes doigts de fée, comment je pourrais vouloir les ignorer ?

Je regarde ce que j’ai griffonné et me décide pour le premier poème que j’ai écrit en m’installant, car en effet, c’est une ode au plaisir ressenti avec elle. Je passe mon bras autour de son épaule et l’embrasse avant de commencer ma lecture.

Quel plaisir insensé de pouvoir la serrer dans mes bras

Quel bonheur exalté de pouvoir la découvrir durant nos ébats

Elle est pareille aux fleurs qui s’ouvrent face aux rayons du soleil

Rien ne peut me détourner d’elle dans son plus simple appareil

Quelle folle excitation lorsque nos corps s’unissent passionnément

Quelle incomparable félicité de voir nos désirs se répondre si intensément

Je voudrais me perdre en elle pour ne jamais me réveiller

Simplement la faire mienne et la couvrir de baisers

Je finis de déclamer mes vers et regarde avec un peu d’anxiété son visage pour voir ce qu’elle en pense.

— Cela te plaît ?

— Toujours, murmure Jade contre mes lèvres avant de m’embrasser. Ne le dis à personne, mais je suis ta première fan.

— Ne le dis à personne, mais tu es ma principale muse. Tu en veux un autre ?

— Oui, encore. Je pourrais passer ma journée à t’écouter. Et toi, tu crois que tu pourrais m’en lire toute la journée ? me demande-t-elle en s’installant à califourchon sur mes cuisses. Ça va aller, pour la concentration ?

— Oui, tu vas encore plus m’inspirer comme ça, souris-je.

J’hésite juste un instant mais récupère rapidement le texte sur lequel je travaillais quand elle est revenue. Je ne sais pas comment elle va le prendre, mais autant qu’elle sache ce que je ressens à travers mes poésies.

Depuis que nos regards se sont croisés, mon univers est tourneboulé

Depuis que nos destins se sont rencontrés, mon cœur semble déborder

J’ai l’impression d’avoir enfin réussi à côtoyer les étoiles

J’ai la chance que sur mes sentiments, elle a réussi à lever le voile

Je pense qu’il faut que je me fasse une raison,

C’est certainement une folie, une expression de ma déraison

Mais cette femme merveilleuse à réussi à me séduire

Je l’aime, il n’y a pas à douter, il faut en convenir

Cet amour est un véritable cadeau du ciel

Cet amour, s’il est partagé, sera assurément passionnel

Cet amour, je ne sais si je peux lui avouer

Cet amour, je ne peux cependant que lui confesser

Je m’arrête, je ne suis pas entièrement satisfait de tous les vers, c’est la première version brute, celle que je n’ai pas encore corrigée mais qui exprime toute la vérité de mes sentiments. Je plonge mon regard dans le sien et observe sa réaction. Jade reste silencieuse et finit par attraper mon cahier. Je l’entends chuchoter les mots que je viens de prononcer comme si elle avait besoin de les lire elle-même pour les digérer. Ou pour se rassurer, s’assurer que je n’ai pas dit ce qu’elle a compris ?

— Ok, soupire-t-elle. Et comment je fais, moi, pour rivaliser avec ça, Beau Poète ? Tu m’expliques ?

— Cela ne te plaît pas ? m’inquiété-je. Tu n’as pas à rivaliser… juste à me dire que tu aurais pu écrire la même chose… Enfin… si… Bref, non, oublie, j’aurais dû le garder pour moi, ce poème.

— Sérieusement ? J’ai la tête de quelqu’un qui n’a pas apprécié ? Excuse-moi si c’est le cas, c’est juste que… je ne suis pas douée comme toi avec les mots. J’aurais l’air bien conne en te disant un simple “je t’aime” après ça, non ?

— Si tu le dis, je serais tellement heureux que tu auras juste l’air de cette étoile que j’ai envie de côtoyer.

— Très bien, me répond-elle avant de se racler la gorge théâtralement et de me sourire tendrement. Tu sais, je n’ai jamais dit ça à personne, et… je ne devrais sans doute pas te le dire, vu le contexte et tout ce qui nous est interdit. Je ne suis pas poète, mais je te promets que je ferai de mon mieux pour te faire ressentir ce que je suis incapable de t’exprimer avec de jolis mots. Comme le fait que je t’aime, par exemple.

Elle empaume mon visage entre ses mains sur ces derniers mots et dépose un doux baiser sur mes lèvres. Je ne réalise pas encore qu’elle vient de répondre à l’aveu que j’ai fait sur mes sentiments, qu’elle aussi m’aime. Le baiser que nous échangeons est intense. Il me donne l’impression de sceller de manière quasi mystique cette union que nous appelons de tout notre cœur. Je la soulève dans mes bras puissants et l’emmène jusqu’à sa chambre pour fêter de la plus folle des manières cette déclaration insensée.

Rapidement, ses vêtements se retrouvent au sol et elle vient me chevaucher, fière et enfiévrée de désir. Une nouvelle fois, nos corps s’unissent et je me retrouve enserré dans son intimité trempée. Jamais avec un homme, je n’ai connu ça. Aucun lubrifiant ne pourra jamais remplacer ce nectar, fruit de son excitation, qui commence à couler sur mon sexe tendu. Jamais, je n’ai été amoureux et cette première étreinte depuis que nous nous sommes avoué nos sentiments est encore plus magique que les précédentes. Nous jouissons dans une incroyable communion et je crois qu’elle fait tout pour m’accueillir totalement en elle, pour s’offrir entièrement à moi.

Lorsque je me réveille, je constate que le soleil est déjà haut dans le ciel. Nos corps sont toujours imbriqués, nos membres toujours entremêlés. J’enlève une mèche de cheveux qui s’est glissée sur son magnifique visage et dépose de petits baisers sur son nez et sur ses lèvres. Elle sourit mais ne souhaite apparemment pas sortir de son rêve. Elle se retourne et s’écarte un peu de moi, me libérant de son étreinte. Je l’observe pendant de longues minutes avant de me lever. Je prépare un petit déjeuner sans trop savoir ce qu’elle aime prendre. J’essaie de faire marcher ma réflexion en fonction de l’endroit où sont rangés les ingrédients et leur accessibilité.

Lorsque je remonte avec mon plateau, elle daigne enfin ouvrir les yeux. Toujours aussi nue et aussi voluptueuse, elle s’étire, féline et magnifique.

— Bonjour, mon Amour, voici le petit déjeuner de la femme de ma vie. J’espère que j’ai bien choisi et que ça va te plaire !

— Fais attention, je pourrais m’y faire et réclamer des matins comme ça tous les jours… et des petits surnoms dans ce genre aussi, d’ailleurs, sourit-elle en s’asseyant contre la tête de lit sans remonter le drap sur elle. Merci pour le petit déjeuner, c’est toi l’amour.

— Oui, Princesse de mes rêves, tu sais que je vais t’aimer sans trêve ? Que chaque jour, je vais vouloir recommencer ? Que chaque nuit, aux pays des merveilles, je vais t’emmener ?

— Je ne demande que ça, moi. Ça et un bon café histoire de tenir toute la journée. Par contre, vu ma tête au réveil, le terme princesse n’est pas très approprié pour moi, je crois, rit-elle en se calant contre moi.

Nous nous embrassons à nouveau et je ne peux m’empêcher de me dire qu’elle est belle, même au réveil. Elle est tout simplement belle tout le temps, belle pour moi, belle avec moi. Elle et moi, nous nous aimons et je n’arrive toujours pas à y croire. Moi, le poète, devant tant de bonheur, je reste sans mots.

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