III

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  — Je serais la dernière des De Rivetendre, bredouilla-t-elle après un moment.

  Ils étaient retournés dans la tour d’Anaximandre. Affalée dans un fauteuil, son armure reflétant les flammes de la cheminée, Bruine donnait l’impression d’avoir été immortalisée agonisante dans l’un des tableaux du mage. Une nouveau gobelet de thé refroidissait entre ses mains.

  — C’est ce qu’a dit la voix, dans l’entrepôt.

  — Vous n’êtes pas la première à qui on le prédit.

  — Peut-être, mais ça… Qu’est-ce que c’était, Anaximandre ?

  — Une faille. Celui ou celle qui a fait ça voulait invoquer un diable, mais n’a pas réussit. Mais son rituel a tout de même ouvert une faille entre notre monde et les enfers. Vous avez vu le résultat.

  Elle resta silencieuse un moment, il ne sut quoi dire pour la réconforter. Lui-même était encore sous le choc, mais comme à son habitude, il étouffait la douleur en réfléchissant. Qui aurait pu faire ça ? Et quel diable avait été invoqué ? Pourquoi ? Le diable s’était-il immiscé dans les rêves de sa cible, nuits après nuits, jusqu’à la pousser à l’invoquer ? Ou bien avait-il été invoqué d’après un antique traité de démonologie datant de l’ancien temps ? Les théories et les hypothèses se bousculaient dans sa tête. Mais il n’avait pas la moindre certitude.

  — Quel âge avez-vous ? demanda soudain Bruine.

  — J’approche mes deux cent douze ans.

  Elle fronça les sourcils.

  — Les mages savent manipuler les forces de la nature, expliqua-t-il. Cela comprend la manipulation de notre propre vieillissement.

  — Savez-vous ce que l’on devient après… après la mort ?

  — Il y a des moyens magiques de faire subsister l’esprit, mais… pour la plupart des gens, il n’y a rien. Le corps pourrit, l’esprit disparaît, et ne subsistent que les souvenirs des proches.

  — Le repos.

  — Oui, le repos.

  — Pourquoi ne pas avoir laissé votre corps vieillir ?

  — Au début, c’était pour éviter l’arthrose. Et ensuite, par habitude.

  — L’immortalité doit être plaisante.

  — Il y a pire, plaisanta-t-il.

  — Je guéris vite, poursuivit-elle, grâce à mon ascendance. Mon père a survécu à une flèche qui lui a perforé le poumon et a cicatrisé à une vitesse qui a stupéfait les soigneurs. Mais je peux être tuée. Si… Si l’on me fracasse le crâne à coup d’épées...

  — Qu’est-ce que vous avez vu ?

  — Ma mort.

  Elle pleurait.

  — Une grande épée, j’ignore qui la tient. Le premier coup m’arrache le visage...

  D’un geste, elle effleura une blessure qu’elle n’avait pas encore, de la joue droite à la tempe gauche. Anaximandre se redressa.

  — Je ne suis pas morte, pas encore. J’ai un œil arraché, l’autre couvert de sang. Je ne vois pas arriver le second coup, mais je l’entend. Il me fend le crâne. Et la douleur disparaît.

  — Bruine, ce n’était qu’une vision.

  Le chat brun se frotta à la main armurée de la femme, mais celle-ci resta inerte.

  — Je sais…

  Elle pleura en silence durant des longues minutes. Anaximandre la réconforta comme il pu, sans grand succès. Puis elle bu finalement son thé et s’endormit.


  Le mage la laissa là et monta au pinacle de sa tour. C’était un endroit assez sobre, sans murs. Des colonnes de pierres soutenaient la charpente du toit couvert de tuiles. Le soleil éclairaient les symboles et les cercles concentriques gravés dans le sol. Le mage prit dans une petite étagère un diamant taillé en décaèdre. Il le jeta au centre de la pièce où il resta en suspension dans l’air. S’agenouillant devant, il commença à psalmodier une incantation en tendant les doigts vers la pierre précieuse. Les rayons du soleil faisaient briller le diamant qui tournait sur lui-même. Des points lumineux apparaissaient et disparaissaient sur le sol. Anaximandre continuait son incantation. Le diamant tournait de plus en plus vite. Et soudain, il s’arrêta de tourner. Le mage ressenti la présence de Bruine dans le salon, une aura azurée l’entourait continuellement. Mais surtout, il ressenti à nouveau la magie impie du portail. Elle irradiait encore dans l’entrepôt, mais pas seulement. Il y en avait aussi dans le quartier de la Sirène. La personne qui l’avait ouvert s’était prit de plein fouet l’apparition du portail. Elle en gardait des résidus décelables.

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