Une nouvelle venue

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Arriver dans une nouvelle école n'est jamais hyper agréable, surtout quand tu sais déjà que tout le monde se connaît depuis le berceau et que tu vas tomber comme un cheveu dans la soupe. Les regards se posent sur moi, me détaillant de la tête aux pieds, avant de regarder les deux poupées hautes d'un mètre qui me suivent avec mes bagages. Ne pensez pas qu'elles sont mes domestiques, nan, elles sont là par ordre de mon père "pour que je me sente moins seule à l'école". Est-ce que j'y crois? Pas du tout. Mais les avoir avec moi me rassure quand même un peu.

Je me dirige vers la porte principale sans m'arrêter devant les autres élèves, droit vers la femme qui se tient sur le seuil.

— Judith Marnings, je suppose?

— Vous supposez juste. Vous devez être Mme Liliane?

— Effectivement. Suivez-moi, je vais vous montrer votre chambre. Et vous pouvez lâcher le sort des poupées, vous n'en aurez pas besoin ici.

— C'est pas elle qui nous dirige, c'est son père. Et on est là pour suivre les cours, nous aussi, répond vertement Rebecca, l'un des poupées.

— Oh! Euh... Bien dans ce cas, suivez-moi.

Elle se retourne d'un seul bloc et rentre dans le bâtiment sans vérifier si on la suit ou non. Je sens les poupées échanger un regard et une menace de mort. Je soupire et avance dans le hall d'entrée semblable à la nef centrale d'une église. Je regarde autour de moi, étonnée par l'aspect de l'école, sans remarquer le garçon pataud qui me rentre dedans jusqu'à ce qu'il m'envoie au sol. Je me relève tout aussi vite et lui jette le premier sort qui me vient en tête, le transformant en cochon. Des éclats de rire retentissent autour de nous mais je ne les entends pas vraiment, suivant la directrice qui ne relève pas ce qu'il vient de se passer, continuant son trajet jusqu'aux dortoirs.

J'ai de la chance. Beaucoup de chance. J'ai une chambre individuelle et non une à deux ou à quatre comme le sont la majorité des dortoirs. Et une salle de bain rien que pour moi! C'est à en croire que Papa est quand même intervenu pour me fournir un peu plus d'espace que ce à quoi je m'attendais. Ou alors c'est que cette chambre est maudite... Rebecca et Frink posent mes bagages et se dirigent vers leur propre antre. Ou leur armoire vu leur stature. Je ris sous cape et commence à défaire mes valises.

Une heure plus tard, j'ai fini de ranger mes affaires et j'ai eu le temps de prendre une douche bienvenue après ce long voyage et la marche dans les bois depuis l'enceinte protégée de l'école. Des coups francs résonnent dans ma tête et à ma porte en même temps. J'abaisse mes barrières mentales une seconde et reconnais l'esprit orgueilleux et mélodieux de mon père pendant que j'ouvre le battant sur une Rebecca furieuse que je laisse entrer en lui faisant comprendre que je parle avec Papa d'abord puis que j’écouterai les raisons de sa colère. Papa me demande comment s'est passé mon voyage, je lui réponds par une succession rapide d'images et de sensations, ce qui le fait rire, emplissant mon esprit de sa mélodie qui me rappelle mon chez-moi et le bien-être d'être avec lui, même s'il n'est clairement pas le père de l'année.

Après la mort de Maman à ma naissance, il m'a confiée à une nourrice jusqu'à mes cinq ans où il a pris la relève, me transformant en guerrière et en intellectuelle spécialisée dans la musique. J'ai hérité de sa beauté et de son orgueil tout en ressemblant à Maman comme deux gouttes d'eau avec ma peau blanche comme la porcelaine et mes yeux bleus comme le ciel d'été.

Papa me souhaite bonne chance pour demain, m'envoie une vague d'affection que je suis la seule à avoir droit depuis que Maman nous a quittés et me laisse seule avec sa dernière composition musicale. Je me tourne ensuite vers Rebecca qui n'a pas décolérè, reprenant vie et mouvement, mes yeux quittant le flou dans lequel ils étaient plongés. Je lui demande pourquoi elle est tellement en colère, la laissant exploser. Elle m'explique qu'elle ne peut pas être avec Frink et doit partager sa chambre avec trois pétasses qui se moquent déjà d'elle. Elle a juré vengeance et mort si elles ne la laissent pas tranquille, ce qui a fait rire les filles. Je les comprends, qui prendrait au sérieux une poupée au visage d'ange haute d'un mètre? Personne ne penserait qu'elle est l'une des pires tueuses en série de l'Histoire, ce qui est pourtant la vérité.

Frink arrive à la fin des récriminations de sa comparse dans le même état qu'elle. Et comme elle, il s'est fait moqué par les deux garçons qui partagent sa chambre. Je n'ai pas envie d'entendre une nouvelle fois les mêmes mots, plus tentée par la pile de livres qui trônent sur ma petite bibliothèque, alors je les envoie en ville nous chercher des ingrédients et faire quelques courses pour nous, ce qui devrait me laisser un peu de temps pour moi.

Deux heures et demie plus tard, les poupées maléfiques ne sont toujours pas revenues mais je ne m'inquiète pas trop pour elles. Des coups sont frappés à ma porte et j'ouvre sans faire attention, découvrant la directrice derrière le battant, visiblement furieuse.

— Miss Marnings, je vais vous demander d'aller chercher vos jouets en ville.

— Mes... Ce ne sont pas des jouets mais de vraies personnes. Pourquoi devrais-je y aller?

— Parce qu'elles sont en train de détruire le centre-ville, que les humains ne connaissent pas notre existence et que je ne tiens pas à ce que les choses changent. Allez chercher ces deux petits monstres sinon ça sera retenue pour vous trois et confinement pour toute l'école!

Bordel! Les saloperies! Elles ont gâché mon premier jour! Furieuse, je m'habille et me téléporte jusqu'à une petite rue discrète du centre-ville. Ce que j'y découvre est digne d'un film d'action avec invasion extraterrestre et l'éradication d'une ville au passage. Je rage encore plus et pars à la recherche des deux poupées. Celles-ci se sont retranchées dans le centre commercial, balançant tout ce qui leur tombe entre les mains sur les derniers passants encore debout. J'arrête le pilier qu'elles m'envoient en plein tête sans y penser, trop occupée à leur hurler dessus de tout arrêter et de remettre de l'ordre. Rebecca ne m'écoute pas, allant jusqu'à essayer de me mordre, mais elle se fait électrocuté à deux mètres de moi. Exaspérée, je les renvoie à l'école d'un claquement de doigts et en les enfermant dans leurs chambres. Puis je m'affaire à effacer toute trace de leur passage, modifiant la mémoire des humains et réparant tous les dégâts. Je maquille les morts en une fusillade, fournissant à un fou déjà mort un fusil d'assaut. C'est horrible mais nécessaire si je veux échapper à la retenue jusqu'à la fin de ma scolarité. Et, entendant les sirènes des ambulances et des combis de police, je m'éclipse et rentre directement dans ma chambre, sans faire attention au champ de force qui protège l'école. Après tout, je suis bien plus puissante que lui, même s'il a été mis en place pour s'adapter à la puissance des élèves par de puissants sorciers. C'est finalement épuisée par cette dépense énorme d'énergie que je me couche sans aller souper et m'endors dès que ma tête touche mon oreiller.

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