Les conséquences

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Comme elle le lui avait promis, Emma avait recontacté Matthew Perrier le juriste. Sa voix avait été un peu trop aigue, un peu tremblante.

D'un ton précipité, elle avait assuré qu'elle avait été victime d'une mauvaise blague, et que tout était désormais terminé. Espérant être convaincante, elle l'avait remercié pour l'avoir écouté, et s'était excusée de l'avoir dérangé pour des sottises.

Le juriste n'avait pas dit un mot, la laissant parler. Emma pouvait presque sentir le froncement de sourcils qu'il devait afficher, même au travers du téléphone.

Précipitemment, avant de craquer, elle l'avait salué et avait raccroché.

Ensuite, Emma s'était terrée chez elle. Effrayée.

Chaque bruit la faisait sursauter, alors qu'elle imaginait l'homme de la boutique arriver et exiger d'elle son âme.

La nuit, elle ne dormait plus. Dès qu'elle fermait les yeux, elle faisait des cauchemars.

Chaque seconde de chaque journée, elle regrettait d'avoir signé le contrat, d'avoir pris l'argent. A quoi bon se donner la peine de survivre si c'était pour perdre encore plus ?

La seule chose dont elle était certaine, c'était de ne pas vouloir vendre encore plus son âme en commettant un acte répréhensible. Même s'il s'agissait uniquement de détourner les yeux pendant qu'un autre violait la loi.

Pour être certaine de ne pas subir de pressions, elle avait démissionné du poste que convoitait l'homme mystérieux de la boutique. Elle allait manquer d'argent, une fois de plus, mais ce n'était plus vraiment important. Pas alors que sa vie avait basculé de façon si brutale.

Si elle avait été effrayé de la signification de la minuscule condition sur le contrat, ce n'était rien en comparaison de la peur dévorante qu'elle éprouvait à l'idée de la sanction pour avoir refusé le service qu'elle devait.

Avec un rire désabusé, elle se souvint que le soir où elle avait signé, elle avait eu peur que l'homme n'exige d'elle qu'elle ne vende son corps. Elle pensait alors que se prostituer était la pire chose qu'on puisse lui demander.

Finalement, la perspective de perdre son âme était bien pire. Être dépossédée de ce qui faisait d'elle ce qu'elle était, perdre son identité, tout ce qui la caractérisait... Une part d'elle, la part rationelle de son esprit était persuadée qu'elle était stupide d'y croire. Qu'il était impossible de voler l'âme de quelqu'un. Que quoi qu'il arrive, elle resterait toujours elle-même.

Ce n'était qu'une menace sur un morceau de papier, quelque chose de vide de sens.

Ce fut dans cet état d'esprit que se déroulèrent les deux mois qui la séparaient de la date butoir. L'échéance des fameux six mois qu'elle avait pour retourner le service en paiement du prêt...

Le jour J, il ne se passa rien, malgré son stress. Ce fut une journée calme comme les autres, mis à part qu'elle se redit malade. La crainte de voir l'homme arriver, le fait de ne pas savoir ce qui risquait de lui arriver, tout ça contribuait à lui serrer la poitrine et à lui couper le souffle.

A la fin de la jourée, lorsque la nuit tomba, elle suivit ses habitudes en allant se coucher. Elle était épuisée d'avoir été sur le qui-vive chaque seconde de ce jour maudit, épuisée d'avoir sursauté à chaque bruit.

Allongée dans le noir dans son lit, les yeux grands ouverts, elle regardait dans le vide, ses pensées tournant à plein régime dans sa tête. Le sommeil la fuyait, alors que les minutes passaient, interminables.

Finalement son corps déclara forfait et elle plongea dans un sommeil agité et plein de cauchemars.

En ouvrant les yeux au petit matin, elle était épuisée comme si elle n'avait pas dormi une seule minute. Pour la première fois de sa vie, elle resta terrée chez elle, n'allant volontairement pas travailler. Ce manquement pourrait lui coûter sa place, mais ça n'avait plus la moindre importance. Elle attendait son châtiment, l'évènement qui lui ferait payer de ne pas avoir respecté le contrat.

Toute rationnalité l'avait quitté alors qu'elle paniquait à l'idée de ce qui pourrait lui arriver. L'homme de la boutique lui avait si forte impression qu'elle s'était persuadée qu'il allait débarquer chez elle pour exiger d'elle le paiement de ce qu'elle lui devait. Son âme.

Chaque bruit la faisait sursauter, la rendant encore plus nerveuse qu'elle n'était.

A l'approche de la date butoir, alors que la possibilité de perdre son âme devenait de plus en plus tangible, elle s'était plongée dans la lecture, recherchant tout ce qu'elle pouvait trouver sur le sujet. Les textes sérieux sur le sujet n'étaient pas vraiment courants, puisque la science ne semblait pas s'embarasser de se pencher sur la question. A l'inverse, il y avait pléthore de textes religieux, qui - s'ils avaient plusieurs théories - semblaient s'accorder sur un point.

En l'absence d'âme, le corps ne restait qu'une coquille vide. Une enveloppe de chair, inutile.

Qu'importait de garder un emploi, de préserver un futur hypothétique si c'était pour tout perdre à l'instant même où on âme serait emportée ? Qu'importait le moyen dont l'homme s'y prendrait, elle ne doutait pas qu'il arriverait à ses fins.

Elle ne songea même pas à fuir. Pas un seul instant. Elle avait le sentiment que l'homme la retrouverait, où qu'elle aille. Elle ne lui échapperait pas.

La jeune femme s'était résignée, et elle attendait. Désormais, il ne lui restait plus que des regrets.

Ce fut le troisième jour que les choses changèrent pour Emma. L'attente interminable ne faisaient que grimper son stress. Pas un seul instant elle n'imagina qu'elle pouvait s'être trop inquiétée et que rien ne se produirait. Elle décida juste que le temps qu'elle passait à paniquer, à sursauter, était une punition élaborée pour lui faire regretter d'avoir refusé le service exigé. Elle était celle qui avait brisé un accord avantageux pour elle.

Après tout, l'homme lui avait prêté l'argent dont elle avait besoin, et lui avait laissé rembourser sa dette à sa convenance.

Elle culpabilisait, et elle regrettait. Pas d'avoir refusé le "petit" service, détourner le regard pour laisser entrer quelqu'un à l'endroit où elle travaillait. Elle était toujours fermement convaincue que c'était dans un but malhonnête et c'était toujours quelque chose qu'elle ne pouvait pas accepter.

Ses regrets portaient sur le contrat lui-même. Elle se reprochait d'avoir cédé au chant des sirènes, de ne pas s'être méfiée. La proposition avait été visiblement trop alléchante pour être honnête, mais elle n'avait pas réfléchi. Au moment où elle avait apposé sa signature sur la liasse de feuilles, elle avait cru à un miracle.

Ce n'avait été qu'un miroir aux alouettes, une amère illusion.

Il était évident que le prix final à payer serait exorbitant, bien au delà de ses moyens.

Lorsqu'elle entendit frapper à la porte, Emma écarquilla les yeux, épouvantée. Le moment était venu.

Son coeur s'emballa, alors qu'elle restait paralysée, incapable d'aller ouvrir à l'homme. Incapable de se livrer en sacrifice.

Ce fut probablement ses dernières pensées. Fragilisé par le stress continu auquel elle soumettait son corps depuis des mois, Emma s'effondra alors que son coeur cessait soudainement de battre.

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