Emma resta figée un long moment, figée par l'horreur. A aucun moment elle n'avait pensé à ce genre de chose.

Elle bégaya, perdue.

 - L'esclavage est proscrit. Depuis des années.

L'homme ricana, peu impressionné.

 - Vraiment ? Comme si je m'en souciais.

La jeune femme eut un mouvement de recul, cette fois effrayée. Face à sa panique, l'homme éclata soudain de rire. Un rire grinçant, bien loin de la rassurer. Il se calma et haussa les épaules avec un clin d'oeil amusé.

 - Apparemment vous n'êtes pas sensible à la plaisanterie. Il vous suffit juste de me rendre le petit service dû, et vous n'aurez pas à vous inquiéter de cette toute petite ligne. C'est juste un détail, une police d'assurance, pour éviter les tricheurs...

Emma s'entendit demander quel service elle devrait rendre pour être libre. Le choix de ses mots sembla amuser l'homme, qui gloussa. Ses yeux sombres brillaient de malice.

 - J'ai appris que vous aviez un emploi... temporaire en ce moment.

Un peu destabilisée par le changement soudain de sujet, Emma hocha la tête. Ce n'était pas un secret qu'elle arrondissait ses fins de mois après tout.

 - Voyez vous... Emma - Je peux vous appeler Emma ? - Votre position m'intéresse énormément.

La jeune femme ne protesta pas à l'emploi de son prénom. Elle n'avait pas l'intention de batailler sur des détails, pas alors que tout ce qu'elle souhaitait était que l'homme disparaisse de sa vie.

Elle fronça les sourcils face à la remarque sur son emploi.

 - Ma position ?

 - Receptionniste. C'est un poste clé, savez-vous ? Vous êtes celle qui contrôle les entrées et sorties. Vous savez comment accéder à l'intérieur de ce bâtiment gouvernemental.

 - Vous... Vous voulez que je sois réceptionniste pour vous ?

L'homme ricana en secouant la tête.

 - Non. Pas du tout. Vous vous souvenez ? Je vous met en contact avec une autre personne seulement. Quelqu'un qui cherche... une personne ayant vos... avantages.

 - Mes avantages ?

 - L'accès à un certain bâtiment.

Horrifiée, Emma comprit soudainement. L'homme n'attendait pas d'elle qu'elle soit réceptionniste. L'homme voulait qu'elle face entrer des inconnus non autorisés là où elle travaillait.

 - Mais... Je vais être virée ! Je...

Il fronça les sourcils et claqua sèchement de la langue.

 - Et alors ? Ça m'importe peu. Vous me devez un service, je viens vous réclamer un service. Le reste...

 - Non ! Je ne peux pas ! Si vous voulez entrer de cette façon c'est forcément pour quelque chose de malhonnête !

 - Ce n'est pas votre affaire.

Emma inspira brusquement, yeux écarquillés. La peur courrait dans ses veines, alors qu'elle imaginait déjà le pire.

Elle savait déjà qu'elle n'accepterait pas ce service. Hors le fait d'être licenciée pour faute, elle ne voulait pas être mêlée à un vol ou pire. Si l'homme voulait entrer illégalement dans un bâtiment, c'était forcément à des fins criminelles.

 - Je refuse. Vous aviez dit que je pouvais refuser.

L'homme ricana, nullement impressionné par son refus.

 - Effectivement. Mais il se trouve que vous n'êtes plus vraiment en position de refuser. D'ici peu, il ne restera plus de temps et vous serez à moi.

Emma haleta et secoua doucement la tête, de plus en plus effrayée par l'homme.

 - Mais... qui êtes vous ?

L'homme pencha la tête, un rictus moqueur sur les lèvres, et la détailla avec attention. Puis, il se redressa et plissa les yeux.

 - A votre avis ?

La jeune femme décida qu'elle n'avait pas possibilité de fuir. L'homme était sur le chemin de la porte, et elle était trop effrayée pour penser seulement à s'échapper. Quelque chose lui disait qu'elle pourrait toujours partir mais qu'il la retrouverait, où qu'elle soit terrée.

Elle commençait à imaginer des choses impossibles. Des délires qu'elle n'avait lu jusqu'à présent que dans des livres, ces livres fantastiques aux couvertures colorées.

Elle se sentait acculée, et d'un coup, elle se mettait à penser que peut-être se retrouver sans logement aurait été bien moins grave que de faire face à cet homme.

Le soir où elle avait cité ce maudit contrat, elle était rentrée et avait pensé qu'elle venait de vivre un véritable miracle. Mais ce n'était pas un miracle, c'était un piège sournois, qui s'était refermé sur elle.

Le genre de piège invisible, qui laissait penser à sa victime que tout allait bien, avant de claquer ses mâchoires autour d'elle. Emma avait eu des doutes, mais... bien trop tard. Et à aucun moment elle n'avait imaginé que l'homme débarquerait chez elle, alors qu'il n'était pas sensé connaître son adresse.

Ses émotions bouillonnaient, si bien qu'elle répondit agressivement, prête à se battre pour regagner sa liberté sans pour autant avoir à tremper dans des histoires louches.

 - Vous êtes le diable !

Le rire grinçant de l'homme la fit frissonner.

 - Vraiment ? Tout de suite les grands mots... Pensez-vous avoir autant d'importance pour que le diable se déplace en personne pour vous ?

Destabilisée par la réponse, Emma vacilla légèrement. Les yeux brillant de plaisir - visiblement l'homme aimait se moquer d'elle et la perturber - il fit quelques pas dans son petit appartement, comme s'il était chez lui.

 - C'est un grand honneur que de me donner un tel rôle... Mais puisque savoir qui je suis semble important pour vous, Emma... Et bien, je pense que vous pouvez me considérer comme une sorte de commercial. Nous sommes nombreux à... étendre nos activités.

 - Commercial ?

 - Et bien, nous sommes une réponse aux problèmes. Comme je vous l'ai dit, il y a toujours une solution. Je ne vous ai pas forcé à accepter, n'est-ce-pas ?

Emma ne savait pas si elle devait rire nerveusement du ridicule de la situation, ou être horrifiée à l'idée qu'à l'instant présent d'autres pauvres victimes pouvaient être en train de signer un contrat semblable au sien.

Elle releva la tête, le coeur battant.

 - Si je refuse ce service, que va-t-il se passer précisément ?

 - Votre âme m'appartiendra.

 - Je vais mourir c'est ça ? Vous allez me tuer ?

L'homme eut un geste nonchalant de la main, visiblement ennuyé.

 - Vous êtes si... dramatique. Il y a pire que la mort Emma.

 - Alors quoi ?

 - Peu importe. Soit vous acceptez, et votre dette est soldée. Soit vous refusez. C'est extrêmement simple.

 - Je ne peux pas. J'ai toujours respecté les règles, et je refuse d'être mêlée à vos histoires.

L'homme plissa les yeux et soupira.

 - Je ne vous demande pas de vous transformer en criminelle, Emma. Juste de détourner les yeux au bon moment. Ou de vous absenter aux toilettes par exemple. Quelques secondes à regarder ailleurs et vous êtes libre.

 - Je refuse.

Les yeux sombre de l'homme brillèrent de colère, et il serra les dents. Son apparence policée se fissura l'espace d'un instant, et Emma eut un mouvement de recul. Cependant elle avait pris sa décision et elle ne comptait pas changer d'avis.

Il se reprit rapidement pourtant, et après un soupir, il se redressa.

 - Nous nous reverrons très vite Emma. Très bientôt.