Le contrat

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C'était terriblement banal comme situation. Elle avait juste eu besoin d'argent.

Habituellement, Emma s'en sortait toujours. Elle trouvait un petit extra, un contrat temporaire de vendeuse ou autre, et elle renflouait son compte de cette façon. Elle avait l'habitude de jongler comme elle le pouvait, de se débrouiller.

La vie était chère. Non. Hors de prix.

A une époque, les choses étaient plus simples. Mais depuis que la guerre économique faisait rage, la vie du petit peuple était devenue compliquée. Se loger, se nourrir, tout ça c'était du luxe. Même en travaillant.

Il n'y avait bien que l'alcool qui était resté abordable. Un alcool de contrebande, ignoble et dangereux, mais les autorités fermaient les yeux pour éviter une révolution.

Alors les gens s'enivraient pour oublier la dure réalité et tentaient de survivre tant bien que mal dans un pays agonisant.

Lorsque les factures étaient arrivées, Emma avait su que cette fois, elle aurait des problèmes. Elle avait lourdement chuté et s'était brisé le poignet, lui interdisant de trouver un travail d'appoint pour se renflouer. Pire, elle risquait même de perdre son emploi habituel...

Avec la situation globale, la sécurité de l'emploi était devenu un concept archaïque, et tout le monde n'avait pas la chance de pouvoir rebondir après un accident.

Les premiers jours, elle avait gardé le moral. Elle avait naïvement pensé qu'elle trouverait une solution comme toujours. Elle était une survivante après tout.

Mais peu à peu le désespoir l'avait envahi. Quoi qu'elle fasse, les créanciers devenaient insistants, voire agressifs. Même en se privant du superflu - voire un peu plus - elle ne parvenait pas à garder la tête hors de l'eau.

Chaque nuit, elle faisait des cauchemars où les huissiers venaient chez elle exiger un paiement immédiat.

Elle aurait pu aller voir un prêteur sur gage, pour essayer d'obtenir un peu d'argent. La profession avait connu un essor stupéfiant compte tenu de la situation économique. Mais, hélas, il y avait bien longtemps qu'elle n'avait plus rien à échanger ou à vendre.

Au bord du désespoir, Emma errait dans les rues sombres, ignorant le couvre-feu imposé par les autorités.

Une vitrine éclairée l'attira comme la flamme attire le papillon. Habituellement, les boutiques fermaient tôt : l'électricité était un luxe après tout.
Mais cet endroit semblait exuder la richesse. La vitre était brillante, étincelante même, comme neuve. Pas de marques de doigts, pas de poussière. La crasse de la rue n'avait pas encore terni la vitrine.

Les spots éclairaient tout un bric-à-brac d'objets. Bijoux, vaisselle, bibelots. Probablement des souvenirs de famille. Les premières choses qu'on vendait quand la misère venait frapper à la porte.

Cependant, le velours rouge tendu en arrière plan, et la disposition soignée du petit bazar donnait une impression de luxurience.

Au milieu des richesses de pauvres hères qui avaient dû les brader pour survivre, il y avait une petite pancarte cartonnée. Le message y était soigneusement calligraphié, d'une belle écriture ronde.

" Rien à vendre ? Nous avons des solutions".

Emma renifla moqueusement. Elle ne voyait aucune façon honnête de gagner de l'argent sans donner de contrepartie. Et elle était peut-être désespérée mais pas au point de devenir crédule.

Elle s'éloigna de quelques pas, mais s'immobilisa brusquement pour se tourner vers la lumière presque aveuglante. Après tout, d'ici quelques semaines, elle serait à la rue. Voire même plus tôt.

Elle n'était pas obligée d'accepter aveuglément n'importe quoi. Elle pouvait commencer par juste se renseigner. Demander ce qu'étaient ces solutions miracles. Juste au cas où...

La jeune femme resta un long moment dans la rue, dans le cercle de lumière de la vitrine mystérieuse. Hésitant, soupesant le pour et le contre. Finalement, transie de froid, elle se décida et entra timidement.

L'intérieur de la boutique montrait la même opulence que la vitrine. Les lumières chassaient le moindre coin d'obscurité, tout y était étincelant. Les bijoux exposés semblaient de meilleure facture que ceux en vitrine, et aux murs, il y avait des toiles qui n'auraient pas dépareillé dans une galerie d'art.

Il y avait quelques meubles anciens, en bois massifs, délicatement ouvragés.

Les lieux étaient déserts, et le silence régnait.

Emma avança prudemment, l'écho de ses pas étouffé dans une épaisse moquette - qui donnait envie de se déchausser et de plonger les pieds dan sa douceur apparente.

Un homme apparut soudain, comme sorti de nulle part. Il était grand et mince. Elle lui donnait une petite cinquantaine, et il était vêtu soigneusement, de vêtements visiblement onéreux. Ses cheveux poivre et sel étaient coupés courts. Ses yeux noirs tranchaient singulièrement avec sa peau pâle.

En la voyant, il esquissa un léger sourire, et attendit qu'elle ne se manifeste.

Emma avait presque envie de fuir en courant. Elle se sentait mal à l'aise, comme si elle n'était pas à sa place. Prise d'une bouffée soudaine de courage, elle sourit vaillaimment et engagea la conversation.

 - Bonjour. J'ai... vu en vitrine que vous aviez des solutions et... j'aurais aimé en savoir plus.

L'homme pencha la tête sur le côté et la dévisagea soigneusement. Puis, il répondit doucement.

 - Pour quels types de problèmes cherchez vous des solutions ?

Emma frissonna en entendant la voix grave de l'homme. Il la mettait mal à l'aise, mais elle ne savait pas vraiment pourquoi. Il était parfaitement poli et aimable pourtant. Elle combattit l'envie de faire demi-tour et de partir en courant puis, elle soupira.

 - Pour des problèmes financiers. - Avec une grimace, elle leva son poignet plâtré pour le mettre en évidence - Comme vous pouvez le voir, j'ai eu un léger accident et je n'ai pas pu travailler un peu plus pour payer les factures comme je le fais habituellement.

Les yeux de l'homme brillèrent et son sourire se fit carnassier l'espace d'un instant. Cependant, il reprit rapidement une expression compatissante et hocha doucement la tête.

 - Et je suppose que si vous êtes ici, c'est que vous n'avez rien à vendre ?

 - C'est exact.

L'homme lui fit signe de le suivre et l'invita à s'installer sur un siège placé près d'un bureau. Il fit le tour du meuble pour s'installer face à elle, et il croisa les doigts sous son menton en la dévisageant d'un air concentré. Puis, il soupira.

 - Nous sommes... une entreprise de services en quelques sortes. Nous proposons d'aider ceux qui nous font confiance à l'aide d'un contrat. Dans votre cas, il pourrait s'agir de vous avancer l'argent en attendant que vous retrouviez votre mobilité et donc votre capacité à travailler.

Emma se crispa, le coeur battant. C'était exactement ce dont elle avait besoin ! Cet homme mystérieux lui proposait ni plus ni moins que de différer les échéances pour qu'elle puisse s'en sortir. La voix tremblante, elle osa l'interrompre.

 - Je suppose que ce... service a un prix ?

L'homme laissa échapper un ricanement moqueur qui donna la chair de poule à la jeune fille.

 - Tout a un prix jeune femme. Mais... notre but n'est pas de vous endetter. Nous demandons à nos client le secret absolu sur le contrat que nous passons.

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