Chapitre 4 - Feu de forêt...

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La panne. Encore une fois. Ce n'est pas si grave d'habitude, quand il est tout seul ; mais cette fois, devant Alexandra, il se sent un peu honteux.

- Tu sais te servir de tes mains, je te laisse te débrouiller avec ça.

Il se penche sur l'engin pour tâcher de résoudre le problème. Pourquoi a-t-il proposé ce plan à Alexandra, au fait ? Car, pour une première fois dans sa forêt, il voulait qu'elle puisse admirer en même temps l'un des plus beaux paysages alentour. Il aurait dû se douter que ça tournerait au fiasco. Ils se retrouvent bloqués en pleine ascension, dans la neige molle, et à cause d'une panne bien prévisible après une aussi longue inactivité.

- C'est le froid. Je ne m'en suis pas servi depuis plusieurs jours, une erreur de débutant. Mais je sens que ça revient.

Il sent sous ses doigts que la chaleur revient. Quelques minutes plus tard, la machine est lancée, et ils peuvent enfin reprendre leur route.

- Tu n'as jamais pensé aux chiens de traîneau ? C'est moins compliqué que les voitures dans cette région.

- Si... Mais on va moins vite. Et le 4x4 se débrouille très bien, si on pense à s'en servir tous les jours.

- On n'était pas obligé d'aller aussi loin. La forêt est la même partout.

- Justement, non. Tu vas voir.

Ils arrivent au col et Ruby arrête la voiture. La neige est plus dense ici. Il sort et s'approche de l'à-pic. Il se retourne pour regarder Alexandra qui le suit distraitement et soudain s'immobilise : ses yeux s'écarquillent sur la vue. 

Dans la vallée en contrebas s'étend un petit lac vert en partie gelé qui scintille au soleil rasant de l'été polaire, qui embrase les cîmes des sapins couverts d'un glacis de strass étincelant, et cette émeraude enflammée est sertie dans un écrin de glaciers acérés dont les crêtes, translucides, luisent d'un éclat bleuté. La scène est à couper le souffle.

Et Alexandra, muette, s'appuie contre Ruby.

Et Ruby, paralysé, n'ose plus respirer malgré un vertige croissant qui lui fait tourner la tête.

Au bout d'un moment interminable, elle se retourne vers lui et lève ses yeux sur son visage.

Elle pleure. Sans bruit, les larmes dessinent des sillons sur son beau visage.

- Merci.

Elle fixe encore son regard embué dans le sien, le clouant sur place puis, posant délicatement la paume de sa main sur le torse de Ruby, elle baisse la tête, appuyant son front sur lui.

Lui qui n'a jamais été aussi encombré de ses bras, embarrassé de son corps.

- On peut rentrer ?

La voix de la jeune femme, qui ne lui a jamais semblé si fragile, se brise dans cette interrogation murmurée comme une supplique.

Ruby, maladroitement, tapote le dos d'Alexandra, qui se détache de lui et marche vers le 4x4, dans lequel elle s'installe sans un mot. 

La panne est réparée, maintenant.

Il est temps.

L'instant de grâce est passé et Ruby rejoint lourdement l'habitacle.

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