Chapitre 1

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— On a des nouvelles sur le Fantôme ? interrogea le commissaire Lawrence.

— Non, répondit un policier de Scotland Yard. Rien de nouveau pour le moment.

D’après les renseignements, ce voleur au sinistre surnom serait arrivé à Londres il y a quelques semaines. Les autorités, craignant qu’il ne prépare un mauvais coup, avaient mobilisé tous leurs hommes sur cette affaire. Depuis plusieurs années déjà, le Fantôme répandait la peur dans les capitales du monde entier, et semait la panique dès l’annonce de son arrivée dans les médias. Cet individu n’était répertorié dans aucun fichier d’empreinte digitale, et personne n’avait jamais vu son visage. Ceux qui l’avaient approché rapportaient tous des descriptions différentes, si bien qu’aucun portrait-robot n’était à ce jour disponible. Il était à l’instar d’un fantôme, passant à travers les murs pour dérober l’or, puis prenant la fuite sans laisser aucune trace. La seule information fiable, dont disposaient les services secrets, était la prochaine destination du bandit. Ironie du sort, c’était le Fantôme lui-même qui offrait cette indication aux autorités.

— J’en peux plus de voir ce truand jouer au voleur et aux policiers avec les flics des différents états, grommela Lawrence. Nous allons montrer, une bonne fois pour toutes, ce que Scotland Yard a dans le ventre. Cette fois, il ne nous aura pas !

Le commissaire fit quelques pas vers le tableau de preuves, avant de se tourner vers ses hommes.

— Henry, dit-il. Analyse les similitudes entre les différents braquages. James, vérifie la sécurité du réseau. Caroll, récupère-moi tous les téléphones et moyens de communication qui peuvent être mis sur écoute. Il ne faut pas qu’il puisse nous espionner. George, il faut augmenter la sécurité des lieux sensibles. Prenez autant de têtes que nécessaire. Les autres, restez avec moi.

Le commissaire faisait partie de ces personnes qui considéraient que les lois étaient faites pour être suivies. Il ne dérogeait jamais à la règle, et prenait un malin plaisir à enfermer ceux qui les enfreignaient. Il offrirait sa vie pour son pays. En réalité, il l’avait déjà offerte : aucun enfant, aucune femme, rares amis. Une vie de solitude, entièrement dédiée à son travail. Le reste constituait une perte de temps irrécupérable. Il lui arrivait même d’enchaîner les nuits blanches afin de résoudre une enquête. Il n’était pas non plus le genre de chef à accorder des permissions à outrance. Tout devait « filer droit », et il en avait fait son adage favori.

— Bon, si je récapitule, nous ne savons absolument pas ce qu’il compte prendre pour cible, souligna Lawrence d’un ton amer. Proposez-moi vos idées.

Une femme brune aux allures de lycéenne leva la main.

— Oui, Amber ?

— Il a l’air de prendre de plus en plus d’assurance, peut être va-t-il tenter de s’en prendre à une banque cette fois-ci ?

Dans le fond de la pièce, un homme d’un certain âge secoua négativement la tête.

— Non, dit-il. Ce serait trop prévisible. Je pense qu’il va plutôt s’atteler à dévaliser une bijouterie, comme lors de son premier coup. Il ne faut pas oublier qu’il aime les mises en scène. Il s’agira de son cinquième braquage, une raison suffisante pour qu’il répète son premier exploit.

Lawrence hocha la tête, attendant d’autres idées. Son calme apparent divergeait en tout point avec l’excitation dont son corps était empreint. Le moment était venu. Cette fois, il ne pouvait se permettre de perdre.

ooo

Un homme, aux yeux bleus et aux cheveux noirs, sortit au même moment de la banque d’Angleterre. Il descendait les quelques marches qui le séparaient de sa Mercedes, lorsqu’il fut interrompu par deux hommes.

— Lord Brixton ? Auriez-vous une minute, je vous prie ?

Méfiant, il les jaugea un instant du regard, avant de faire un léger signe de tête.

— Allons discuter dans ma voiture, répondit-il.

Ils se dirigèrent vers la Mercedes qui attendait à quelques pas. Le chauffeur s’extirpa au même moment de la voiture, et ouvrit les portières. Une fois installés confortablement sur les sièges, l’un des deux hommes sortit une chemise d’un sac en cuir, qu’il présenta d’un air entendu à Brixton.

— Voici les documents, à propos de ce que vous savez. Le Serpent demande quatre cents millions pour son venin.

L’intéressé prit son temps, alluma un cigare, avant d’en proposer un à ses invités. Ceux-ci refusèrent, impatients de régler cette affaire au plus vite. Après quelques longues minutes, durant lesquels des gouttes d’eau salées s’évaporèrent dans l’atmosphère, Brixton conclut le marché en sortant une mallette de sous son siège.

— Tenez, et dites au Serpent que ses tarifs commencent à devenir excessifs, lâcha-t-il d’un ton agacé.

La voiture s’arrêta sur le bord de la route.

— Messieurs, dit Brixton en faisant un geste de la main vers l’extérieur.

Les deux hommes prirent congé de l’homme d’affaire, la tête baissée. James Brixton eut à peine le temps de voir l’un d’eux redresser son chapeau, que la voiture démarra en trombe, laissant à sa vue un déferlement d’immeubles. James se demandait si cette information parviendrait à lui faire rembourser le prix qu’elle coûtait. Il savait que ce genre de pari était risqué, mais il avait le nez pour ce genre de contrat. Il baignait dans la malversation financière depuis son plus jeune âge, et le délit d’initié n’était qu’un domaine de compétence en plus à ajouter à son CV.

Il préparait un autre coup depuis quelques mois déjà. Il était au courant des doutes qui commençaient à parcourir les salons mondains, arrivant même aux oreilles des autorités. Néanmoins, personne n’avait réellement vu son visage, ou même ne connaissait son identité. Seuls les deux hommes, avec qui il venait de converser, pourraient le dénoncer. Seulement, ils avaient bien plus à perdre si cette idée leur traversait ne serait-ce que l’esprit. Ce milieu n’était pas fait pour les traîtres. Lui-même n’avait jamais vu le Serpent, et il ne savait pas non plus comment il parvenait à dégoter de telles informations. Sans doute devait-il faire partie du système, son bras long se chargeant du reste.

James jeta un coup d’œil à sa montre.

— Oliver, accélère le mouvement. Je vais être en retard pour le dîner avec ma femme.

— Bien, Monsieur.

Ce soir-là, une Mercedes noire grilla plusieurs feux rouges à travers les routes de Londres. Elle sema, sans le savoir, une voiture grise dont l’un des passagers tenait un appareil photo.

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