Chapitre 3 - Après le réconfort, l'effort

9 minutes de lecture

Deux jours plus tard...

- VOUS ÊTES VRAIMENT UNE BANDE D'INCAPABLES !

Les hommes en armure rutilante déglutirent, droits comme des piquets. Comme le convenait l'étiquette, ils regardaient droit devant eux tandis qu'une jeune femme à la peau d'ébène et aux cheveux de jais, au regard mauve et portant un eye-patch les apostrophait.

Cette femme-là, c'était Brigitte Leavitt, la plus jeune capitaine de la Garde Républicaine de l'histoire de Fontaine. À elle seule, elle arrivait à s'occuper des affaires criminelles, administratives et de relations inter-cités avec un sérieux exemplaire et une efficacité diabolique.

Elle avait donc chargé une équipe de soldats d'élite, tous possédant des yeux divins, de retrouver le Ravissard pour qu'il soit jugé de ses nombreux crimes : vol, destruction de biens, exhortation, mais pas de meurtres.

Heureusement... pensa Brigitte avec rage. Si ce gredin était passé à l'acte, elle aurait pu avoir l'autorisation du Colonel afin d'envoyer toutes les forces armées débusquer ce "Ravissard". Quel nom idiot... On aurait cru entendre une sorte de rapace pas fichu de chasser son gibier. Mais son manque de crimes "graves" l'empêchait de mener à bien sa mission, et pour sa carrière, c'était vraiment dégradant.

- Passons ! Vous avez au moins appris quelque chose ? Lieutenant !

- Oui, mon capitaine ! (Il se mit au garde à vous) Le vol a bien été commis chez le comte Pantalone, mais la nouvelle court déjà dans toutes les rues de Fontaine.

- Quoi d'autre ? persista Leavitt en tapotant sur le pommeau de son sabre.

- Nos renseignements ont tenté de dessiner un portrait robot du coupable. Voyez par vous-même.

Brigitte arracha le papier qu'on lui tendit : le dessin représenté dessus était le visage d'un homme jeune, blanc, assez replet et brun. Son nez était épaté, ses yeux semblant couler vers le bas. Quelques détails mineurs, comme des cicatrices ou la couleur des yeux et des cheveux était à retenir, mais Brigitte, malgré sa confiance envers les services de renseignements, savait que cette image n'était pas celle du Ravissard. Elle froissa le papier et le balança derrière elle.

- Vous avez fait tout ce qui était en votre pouvoir ?

- OUI, MON CAPITAINE ! crièrent à l'unisson le corps de recherche.

- Et bien, faites plus ! Nous sommes la Garde (et pour appuyer ses mots, elle se tint droite elle aussi) et notre devoir est de protéger Fontaine des menaces extérieures et intérieures. Je vous demande donc de redoubler d'effort. Sous-lieutenant !

- Capitaine !

- Double la prime... Non, quadruple-la, gronda Brigitte en s'éloignant. Les gens normaux ont l'appât du gain fort, et n'hésiterez pas à vendre l'un des leurs juste pour un peu d'argent. REPOS ! Et ne me décevez pas, cette fois.

Brigitte sortit de la salle d'entraînement où elle s'était trouvée juste avant, et se dirigea vers son bureau. Elle entra, pour découvrir que quelqu'un l'attendait...

- Mme de Jacquemoud, fit elle en s'inclinant. C'est un honneur vous rencontrer. Que Justice vous sourit en ce temps radieux.

La noble se tourna vers elle, et Brigitte déglutit ; toujours aussi magnifique, Mme de Jacquemoud et elle avaient étudié dans la même classe à l'Université, lorsqu'elles n'avaient pas encore 11 ans. Elles étaient rapidement devenues amies, mais leur différence de rang - Brigitte était une bourgeoise - les avait séparé. Pourtant, à chaque fois, Ghislaine lui rendait visite... Et Brigitte sentait son coeur battre à la chamade.

Ghislaine présenta son doigt bagué, que la capitaine s'empressa d'embrasser. Le parfum qu'avait mit la noble fit presque tourner la tête à la porteuse d'œil divin ; un mélange de romarin et de lavande, simple mais délicatement efficace...

- Pitié, Brigitte, cesse donc tes simagrées, s'amusa la noble en la faisant redresser. Nous sommes amies, l'étiquette n'est que secondaire.

- Vous méritez tout le respect qui vous est dû, avança Brigitte.

Ghislaine lâcha son petit rire amusé, ce qui fit rougir Brigitte ; pourquoi rougissait-elle ? Elles n'étaient qu'amies ! Les amies parlaient de sujets mondains et riaient ensemble autour d'une bonne tasse de thé avec quelques biscuits au citron...

- Tu me flattes trop !

- Si je puis me permettre, continua la capitaine, quelle est la raison de votre visite ? Non pas que ça me déplaise, soyez-en certaine !

- Nul besoin de te justifier, Brigitte (la jeune blonde se pencha vers elle), mais si je suis venu te voir, c'est à propos du Ravissard.

- Parbleu, Mme ! (Brigitte avait failli avoir une attaque) Vous entendre parler d'un tel brigand...

- J'ai une entrevue avec lui dans une heure.

Brigitte écarquilla les yeux : dans une heure ? Mais le Ravissard était connu pour ses manières grossières et son goût prononcé pour les femmes au point où on disait que s'il entrait chez vous pour dérober vos biens, il ravissait le cœur et la fleur de votre épouse. Sans se contrôler, la capitaine prit son amie par les épaules.

- Il ne t'a rien fait ? Dites-moi qu'il ne t'a rien fait, Ghislaine !

- Du calme, Brigitte, s'amusa la noble, tandis que l'autre sursauta, se rendant compte de son affront, s'écarta et s'inclina.

- Je vous demande d'être juste quant à mon châtiment ! cria presque la capitaine, mais la noble attrapa délicatement son menton pour relever son visage vers elle. E...El...Elle est trop p-près ! pensa avec affolement Brigitte, sentant le rouge monter à ses oreilles.

De près, le visage de son amie était vraiment magnifique, si beau que Brigitte aurait juré que même la Déesse de la Justice aurait reconnu sa beauté. Et ses yeux... Ils étaient l'océan. Profonds, plein de secrets... et terriblement attirants... Et ses lèvres pleines de vie, qui appelaient, appelaient...

- C'est bien la première fois que tu me tutoies, et que tu m'appelles Ghislaine... Tu n'as pas besoin d'être aussi formelle avec moi, car tu ne veux que me protéger, n'est-ce pas ?

Incapable de parler devant tant de prestance, Brigitte ne put qu'opiner légèrement du chef.

- Lorsque j'aurais mon entrevue, pourras-tu me protéger comme tu l'as fait à l'instant ?

La capitaine acquiesça une nouvelle fois.

- Je serais à l'auberge des Trois Piverts. Le Ravissard m'attendra là-bas, mais viens seule et dissimulée : s'il remarque qu'il y a trop de gardes dans la rue, il se doutera de quelque chose.

* * *

Avec dégoût, Ghislaine observait le Ravissard emmitouflé dans non pas une, mais trois filles. D'un geste sec, elle ouvrit les rideaux puis la fenêtre. Son "employé" se réveilla presque dans l'instant, comme par anticipation de sa venue.

Il tourna la tête vers elle, et lâcha un de ses sourires répugnants, mais Ghislaine resta impassible.

Le Ravissard se redressa, ses muscles saillant et son corps couvert de cicatrices. La Demi-Faerie le trouvait plus costaud qu'elle ne l'avait observé, mais les rustres n'avaient pas de sens de l'esthétique ou de la finesse. Ses cheveux bruns courts, et son regard vert étaient toujours les mêmes.

Mais cet homme avait néanmoins enlevé son masque, dévoilant son visage : un jeune homme aux traits burinés, couvert de cicatrices. Quel idiot... Brigitte devait sûrement trépigner d'impatience pour arrêter ce gredin, donc Ghislaine devait vite régler sa propre affaire pour éviter les soupçons de son amie.

- Vous avez le bijou ? demanda-t-elle fermement.

Curieusement, il resta surpris quelques secondes, avant de sursauter et de fouiller précipitamment dans ses affaires éparpillées sur le lit. Il en sortit la bague, et à sa vue Ghislaine se sentit gonflée d'espoir : elle allait enfin accomplir ses rêves !

- Tenez. Vous pourrez laisser le paiement au patron de ce bar, expliqua le Ravissard d'une voix un peu plus grave et enrouée. A-t-il attrapé quelque chose ?

- Félicitations - Ghislaine prit le bijou, le serrant dans son poing - mais je suis vraiment navré de vous l'apprendre : votre petite vie de rêve s'arrête là. Capitaine !

Comme prévu, la fenêtre éclata en mille morceaux sous les cris apeurées des filles de joie et du Ravissard, tandis que son amie se relevait de sa chute contrôlée. Elle tira son épée d'un geste vif et la pointa vers la gorge du hors-la-loi.

- On ne bouge plus ! Par les pouvoirs qui me sont conférés par la Justice, je vous arrête pour effractions illégales et trafic de biens !

Le Ravissard se pétrifia un instant, avant de repousser l'épée d'un geste et de s'enfuir, nu comme un ver. Mais Ghislaine avait prévu le coup et se plaça entre lui et la sortie, lui jetant un regard noir. Devant cette autorité naturelle, il s'arrêta net, et ce fut l'erreur de trop : Brigitte lui envoya une décharge Électro qui le sécha.

C'était terminé : elles avaient arrêté le meilleur voleur de la ville ! Ghislaine se tourna vers Brigitte, qui lui rendit un regard entendu ; elle s'occuperait de lui, et ce gredin serait jugé pour ses crimes.

La blonde descendit les escaliers, et s'approcha du comptoir tenu par un vieux monsieur bedonnant, chauve et à la barbe foisonnante. Elle sortit un lourd sac de pièces de son sac, et le posa lourdement devant le vieil homme qui était visiblement médusé.

- Voilà pour vous : payez les réparations et le désagrement causé par cette affaire.

- C'est trop généreux ! bredouilla le vieil homme d'une voix enrouée, et il toussa, avant de continuer : vous nous avez débarassé de ce Ravissard qui terrorisait ma clientèle, vous avez toute ma gratitude.

- Hmm... Veillez au moins à mieux les choisir à l'avenir, la menaça Ghislaine. Je laisse passer pour cette fois, mais la prochaine où vous acceuillez des criminels dans votre établissement, je vous dénonce au Hall de Justice.

Le vieil homme répondit un "oui..." affable et soumis, en s'inclinant. Ghislaine se tourna dignement vers la sortie, et partit. Mais elle n'avait pas remarqué que les yeux du vieil homme, cachés par des sourcils broussailleux, étaient d'un vert forêt tout à fait remarquable.

* * *

Le vieil homme regarda partir la noble. Elle était vraiment sublime, malgré sa cape qui cachait ses traits. Le sang bleu coulait bien dans ses veines.

Quand il fut sûr qu'elle et le capitaine Leavitt étaient bien partit, il sortit par l'arrière boutique, et s'enfonça dans une ruelle sombre, puis attrapa sa barbe, et l'arracha. Il enleva ensuite une fausse peau sur sa tête, révélant des cheveux bruns en bataille. Et il finit par enlever un coussin calé sous sa chemise.

Vincent souriait de toutes ses dents.

Il était évident que Jacquemoud allait tenter de le doubler en récupérant l'anneau. Cette femme se battait pour son rêve, et même si Vincent ignorait lequel, il se doutait bien que Ghislaine manquait de scrupules : il se souvenait encore de son regard brillant tandis qu'elle partait, triomphante, pensant naïvement qu'elle avait réussi à gagner.

Vincent regarda la vraie bague à son doigt : une relique liyuenne, ça valait très, très cher. Mais ce cette histoire de contrat l'empêchait de tirer son épingle du jeu... du moins pour l'instant. Il soupira, puis sortit dans la rue principale en se mêlant subrepticement aux passants, un chapeau sur la tête.

Le type qui avait été arrêté à sa place n'allait pas avoir de reproches à lui faire : Vincent l'avait grassement payé pour passer une bonne nuit auprès des meilleures filles du bordel, tout en lui précisant qu'il serait visité par une noble qui lui demanderait l'anneau qu'il lui avait remit, pour ensuite être arrêté. Le malheureux serait relâché dans la journée ou demain, puisque la Garde verrait que ce type ne savait rien du tout, et il partirait avec un gros sac de pièces. Vincent sourit devant ce plan aussi simple que diablement efficace.

Bien... Maintenant, il ne lui restait plus qu'à trouver un moyen de s'introduire dans le Hall de la Justice... Plus il y réfléchissait, plus ses plans théoriques faisaient des flops : l'endroit était le plus gardé de tout le pays, des pièges à foison, des gardes surentraînés et même des porteurs d'yeux divins qui gardaient les documents les plus confidentiels.

Un casse classique n'allait pas faire l'affaire, aussi faudrait-il qu'il puisse avoir une sorte... d'alibi ? Un laissez-passer en somme, lui ouvrant certaines portes.

Soudain, son visage s'illumina : Vincent avait trouvé.

* * *

- Je ne peux plus la retirer, lui répondit Vincent.

Henry cligna des yeux, mais son ami lui tapota l'épaule, et lui dit ces mots qui avaient changé sa vie du jour au lendemain :

- Dis, Henry : si je te disais que j'avais les moyens de nous payer une place à l'Université, est-ce que tu me suivrais ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Reydonn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0