La guerre est déclarée !

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Léonie !

En me réveillant ce matin, je constate que le jour ne s’est pas encore levé. Mon portable indique cinq heures trente, bordel, heureusement que nous sommes vendredi. J’ai passé une annonce pour rechercher un associé, il y a de cela quelques semaines, mais on ne peut pas dire que les candidatures se bousculent. La France manque de kinésithérapeutes, comme de tout le reste dans le corps médical, ma profession ne fait pas abstraction. Mon premier patient arrive à sept heures trente, il est grand temps que je me lève.

Dans ma cuisine j’avale mon premier remontant de la journée et lance une cafetière pour remplir mes thermos. Lorsque j’ai repris le cabinet dans le seizième, il y avait une petite pièce qui contenait une cafetière, un frigo, une table, deux chaises et un micro-ondes, mais j’ai dû me résoudre à l’abandonner pour en faire un lieu de massage. L’espace est si exigu et mes patients tellement nombreux que je n’ai pas eu d’autre choix, donc depuis, j’ai dû m’adapter.

Les yeux à moitié fermés, je me dirige d’un pas traînant jusqu’à la salle de bain. Je manque de sommeil, mais il me reste encore quinze jours à tirer avant mes vacances. En général, je prends environ un mois, mais cette année, j’ai décidé de les écourter à cause de ma patientèle trop élevée. Il est urgent que je trouve quelqu’un pour me seconder, sinon, je ne donne pas cher de ma peau. Sous le jet tiède, je me laisse le temps nécessaire pour de dénouer les muscles de mon corps avant de terminer par quelques secondes d’eau froide.

Thermos ? Tchèque !

Casse-dalle ? Tchèque !

Sac à main ? Tchèque !

Clef du cabinet et de l’appart ? Tchèque !

Un œil sur mon portable m’apprend qu’il n’est même pas sept heures, record battu ! Fière de moi, je sors pleine d’entrain, mais tout ne se passe pas exactement comme je l’avais prévu. Je trébuche sur quelque chose devant ma porte et m’affale de tout mon long, tête la première. Le contenue de mon sac se répand au sol accompagné de ma salade pour midi qui c’est échapper de son récipient, pour finir sa course en plein milieu du couloir.

Ouche, ça fait mal !

Je me redresse, les coudes et les genoux endoloris, puis pars à la recherche de ce qui vient de se placer en travers de mon passage. Lorsque mon regard tombe sur l’enceinte de mon voisin, que j’ai sciemment mis hors d’état de nuire hier soir, j’hésite entre rire de son coup foireux ou bien à lui rendre la monnaie de sa pièce ou bien les deux. Vu le bruit que j’ai entendu tard dans la nuit, je suis certaine que Monsieur est toujours au lit et ne dit-on pas que l’avenir appartient à ceux qui se lève tôt ? Alors, je crois que c’est le moment pour lui d’émerger. Son objet en main, je le dépose devant sa porte, ramasse le contenu de mon repas et rajoute un peu d’eau de ma gourde à l’intérieur avant de sonner sans discontinuer. Voyons combien de temps il va lui falloir pour arriver jusqu’ici ! Les minutes passent et je ne distingue pas le moindre bruit, je commence à perdre patience et je vais finir par être en retard. Je m’apprête à abandonner la partie, quand il me semble entendre un grognement dans l’appartement. Apparemment, ce matin, l’ours est bourru, parfait, je ne pouvais pas rêver mieux.

La porte s’ouvre sur un… merde ! J’ai complètement oublié son prénom, bref, ce n’est pas le sujet. Cheveux en pétard qui lui tombent sur le front, torse nu transpirant, Caleçon qui moule à la perfection ses bijoux de famille et regard vitreux qui me dit qu’hier soir, il n’a pas fait que sucer des glaçons. Je crois qu’il est mûr pour ma petite vengeance.

Je ne lui laisse pas le temps d’ouvrir la bouche, j’empoigne son enceinte et la pose délicatement sur son pied. Aucune réaction ? Il doit encore être dans un état second. Je grimpe dessus en me tenant au chambranle de la porte et lui reverse le contenu de ma gamelle sur la tête. Ben oui, je fais à peine un mètre soixante, alors que lui, c’est une montagne. Ma salade ainsi que l’eau bien fraîche de ma gourde ruissellent sur son corps et je bave devant ce spectacle appétissant.

Putain, il me donnerait presque envie de lécher les petits grains de maïs qui se sont accrochés aux poils de son torse, tant il est sexy. Je le reluque sans aucune gêne et je ne me rends compte que trop tard du bond qu’il fait quand le liquide s’immisce dans son caleçon. L’enceinte bascule et je saute sur la terre ferme, heureusement que moi je suis bien réveillée.

— Mais tu es complètement cinglée, hurle-t-il en secouant sa tête, faisant voler des gouttes d’eau partout autour de lui.

Devant ses larges gestes, je préfère m’éloigner, il ne manquerait plus que je reçoive un coup par inadvertance, il faut dire que je ne suis pas réputé pour ma chance.

— Cinglée ? Oui, un peu, je l’admets. Mais là, je suis simplement venue te ramener ce qui t’appartient ! La salade c’est un bonus, j’ai pensé que tu aurais probablement faim après avoir beuglé une grande partie de la nuit. Et puis, par pitié, mâches un chewing-gum, tu refoules grave du goulot, je pourrais croire que tu as avalé un rat crevé cette nuit. Sur ce beau brun, il y en a qui bosse, bonne journée, lancé-je en me dirigeant vers la sortie.

Je ne prends pas le risque d’attendre l’ascenseur, au cas où l’ours finisse par définitivement se réveiller, je ne suis pas non plus suicidaire. Lorsque je franchis la porte de la cage d’escalier, mon voisin est en train de souffler dans sa main, sans doute pour vérifier son haleine et c’est en retard, mais d’un pas léger que je dévale les quatre étages en courant. Non, il n’avait pas une odeur fétide, mais rien que pour lui avoir mis le doute, je suis fière de moi. Arrivée dans la rue, je prends quelques secondes pour respirer l’air doux. La pluie semble avoir laissé place à un soleil radieux, ce qui me donne aussitôt le sourire, il était temps, j’ai cru que jamais l’été ne se montrerait.

— L’emmerdeuse ?

Cette voix, je la connais, ce surnom aussi. Je relève la tête et trouve mon voisin penché à sa fenêtre, un grand rictus carnassier sur les lèvres et le regard pétillant. Quelque chose me dit que je devrais fuir le plus vite possible, mais je ne peux m’empêcher d’admirer la musculature qui orne son torse et penser à toutes les choses que je pourrais lui faire.

Ma libido me perdra !

Je suis tellement prise dans mon exploration que je ne remarque que trop tard la bassine qu’il tient entre ses doigts. Mais lorsque le contenu s’abat sur ma tête, je me maudis d’avoir été si distraite. Trempée jusqu’aux os, je remercie le ciel que nous soyons au mois de juillet et non pas en décembre, j’essuie mon visage d’un revers de main et relève les yeux vers ce mec insupportable qui se marre. Ma première idée est de me mettre à hurler, à l’insulter, mais je suis certaine que cela lui ferait bien trop plaisir, alors je ravale mon agacement.

Joy serait fière de moi !

— Tu sais chéri, que c’est très vilain ce que tu viens de faire ? Te venger sur moi, parce que tu n’as pas réussi à bander ce matin, c’est très immature. Surtout après l’énorme pipe que je t’ai faite au réveil. Aller, ne t’inquiète pas, le docteur va trouver une solution pour ton problème d’éjaculation précoce et ton impuissance, m’exclamé-je en en repoussant une mèche de cheveux qui me tombe sur le visage.

Arrêt sur image, mon voisin se fige et relève les sourcils. Il s’attendait probablement à ce que je fasse un scandale, mais certainement pas à ça. Quelques passants autour de nous ont cessé leurs activités et assiste à la scène médusée, voire à deux doigts d’éclater de rire. Étonné et choquer les gens est l’un de mes passe-temps favoris, surtout ceux avec un balai dans le cul et là, je viens de faire d’une pierre deux coups. Je reprends ma route la tête haute en savourant ma victoire !

Thomas !

Stupéfait par les mots de l’emmerdeuse, je n’ai trouvé aucune réplique à lui envoyer et maintenant c’est trop tard, elle est en train de tourner au coin de la rue. La plupart des passants ont le regard fixé sur moi, certains paraissent surpris, d’autres abasourdies, mais je crois que le pire ce sont les rires qu’ils tentent de contenir. Je referme la fenêtre, tire le rideau et m’adosse contre celle-ci.

Cette fille est une dure à cuire et le défi que nous nous sommes lancé m’amuse bien plus que ce que j’aurais pensé. Ce petit bout de nana n’a pas froid aux yeux et j’ai beau en côtoyer tous les jours, celle-ci semble posséder un truc en plus. Une répartie sans pareil et une confiance en elle qui force l’admiration. Des cheveux couleur ébène coupés en carré plongeant, des iris si noirs, qu’il est impossible de distinguer ses pupilles, haute comme trois pommes, mais un cul et une paire de seins à faire pâlir d’envahit toute la gent féminine. Bref, un canon que l’on est tenté de ramener dans son lit pour la nuit, mais pas pour la vie !

Parce que, soyons honnêtes, ce n’est pas le genre de fille que l’on veut présenter à ses parents. Elle a toujours quelque chose à dire ou à répliquer et quand je repense à sa façon d’avoir saccagé mon enceinte, j’ai des envies de lui tordre le cou. Il est à peine sept heures du matin, j’ai trop peu dormi et ce soir, je bosse. Je commence mon nouvel emploi à dix-huit heures trente dans le bar branché du moment. Je rêve de cet instant depuis que j’ai posé mes valises à Paris, mais les places sont chères et le poste fut compliqué à avoir, mais j’y suis enfin parvenu. Avec le nom du « Central Pub » dans mon curriculum vitae, toutes les portes s’ouvriront où que j’aille.

Il me reste encore quelques heures de sommeil devant moi, mais maintenant que l’emmerdeuse m’a réveillé, il y a peu de chance pour que je puisse me rendormir. Déjà, j’ai besoin d’une bonne douche pour me débarrasser de la nourriture qu’elle m’a versée dessus, cette fille est une peste.

En revenant de la salle de bain, la vue de l’appartement rempli de cartons me déprime. À chaque fois c’est toujours pareil, j’entasse et je suis incapable de jeter quoi que ce soit. Je me retrouve donc avec de plus en plus de boîtes à chacun de mes déménagements, mais je suis comme cela, j’ai la bougeotte, je ne peux pas rester plus de six mois au même endroit. J’adore changer d’horizon, découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles villes, de nouvelles personnes. Au fil des années, je me suis créé un gros réseau de connaissances, de ce fait, je n’ai jamais eu aucun mal à trouver un endroit où m’installer. Cet appartement par exemple, j’ai eu vent de sa disponibilité par le cousin d’une relation et j’ai sauté sur l’occasion. Un logement dans ce quartier et à ce prix-là, cela aurait été dommage de passer à côté ! Mais moi qui pensais pouvoir être tranquille, c’était sans compter sur la présence de ma voisine. Car si à chaque fois qu’il y a un peu de bruit, elle me tombe dessus, nous n’avons pas fini de nous prendre le nez.

Bon, réveiller pour réveiller, je vais commencer par ranger un peu et ensuite j’irais me balader en ville pour faire quelques courses avant de me rendre au boulot.

Normalement, je ne devrais pas rencontrer l’emmerdeuse pendant quelques jours !

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