Prologue

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Cachée derrière les feuillages, Athora était parfaitement camouflée dans la forêt. Cette dernière était si dense et sauvage, qu’il était difficile de s’y déplacer. Mais pas pour elle. Elle était dans son élément. Ce qui n’était pas le cas des individus qu’elle observait entre deux buissons.

Deux hommes et une femme se tenaient à quelques mètres d’elle. Elle pouvait parfaitement les voir. Leurs bagages étaient légers, tout comme leurs tenues. Ils étaient simplement vêtus d’un pantalon et d’une veste à capuche en cuir noir, assortis à leurs bottes. Rien qu’avec leurs vêtements, Athora savait qu’ils n’étaient pas de simples voyageurs égarés. Bien qu’ils soient réellement perdus.

  • Bon sang, tu ne sais pas lire une carte ? s’indigna l’un des hommes, celui qui dépassait d’une tête ses compagnons.
  • T’avais qu’à la prendre si tu t’y connais mieux ! répliqua l’autre, plus chétif, Tout se ressemble ici de toute façon !
  • Ce n’est pas en s’énervant qu’on va se sortir de là…, soupira la femme, qui semblait être la plus âgée du groupe.

L’observatrice s’amusait de la situation. Elle les entendait très bien, mais eux, ne pouvaient même pas se douter de sa présence. Elle était immobile et silencieuse. Même sa respiration était inaudible.

  • Aller, file-moi ça. On a assez perdu de temps comme ça, ordonna la femme qui saisit la carte des mains du garçon.

Un silence s’installa tandis qu’elle prenait le temps de comprendre où ils se trouvaient. Athora lui souhaitait bien du courage pour se repérer. Ils étaient en plein milieu de la forêt et il n’y avait aucun sentier à des kilomètres à la ronde. Seuls les passages des sangliers et des autres animaux imposants, tassaient la terre sous leurs pas.

  • Par-là, dit-elle enfin, en indiquant une direction.

Les deux hommes suivirent sans broncher la femme qui prenait la tête du groupe. Ils étaient pressés et devaient à tout prix réaliser la mission qui les avait amenés ici. Athora ne savait pas encore quel était leur objectif, mais elle ne tarderait pas à le découvrir.

Elle les suivit discrètement, tout en restant à l’abri des fourrées. Les brindilles et autres petits obstacles qui se trouvaient sur son chemin ne dénonceraient pas sa présence. Ses pas ne faisaient aucun bruit, comme si ses pieds ne touchaient jamais vraiment le sol. Elle ne faisait qu’une avec la forêt. Elle était la forêt elle-même.

Les inconnus avançaient péniblement. La végétation dense et hirsute les obligeait à user de leurs machettes pour se frayer un passage. Athora serra les dents. Elle détestait voir sa maison se faire maltraiter de la sorte, mais elle devait rester forte. Elle n’avait pas assez d’informations pour agir en conséquence.

Le groupe s’arrêta après plusieurs heures de marche, dans une zone plus dégagée. Ils étaient soulagés de ne plus avoir à couper des ronces, ni de se prendre les pieds dans les racines des arbres.

  • On va installer le camp pour la nuit ici, annonça la cheffe.

Le jour déclinait et ils perdaient en visibilité. Il ne servait à rien de continuer à avancer. Les deux hommes retrouvèrent de l’énergie suite à l’annonce de la femme. Ils s’empressèrent de déballer leurs affaires et d’installer leur camp de fortune. Ils n’eurent pas besoin d’aller bien loin pour aller chercher de quoi faire un feu de bois. Au bout de quelques minutes, ils étaient assis sur des rondins et se réchauffaient auprès du feu. Le plus grand des hommes sorti trois lièvres qu’ils avaient chassés en chemin, et commença à les dépecer. Le plus jeune commença la discussion :

  • Je me demande bien ce qu’on fait ici… Qu’est-ce que la ville me manque…
  • C’est sûr que ce n’est pas l’endroit le plus accueillant de la terre…, répondit le grand, La forêt des Mille Ronces… Hé, c’est qu’elle porte bien son nom, ma foi, continua-t-il, en plaisantant à peine.

La femme resta silencieuse un instant, perdue dans ses pensées, avant de s’intégrer à la conversation :

  • Si on continue sur la même direction, on finira bien par sortir de là. Cette forêt ne peut pas être infinie.
  • Pff, quand je pense qu’on doit aller voir ce qu’il y a de l’autre côté. Je suis sûr qu’il n’y a rien d’intéressant ! Tout ça, c’est vain ! s’énerva le jeune homme.
  • Pourtant il y a bien quelque chose. Ceux-qui-voient-au-dessus-des-nuages ont vu de la fumée blanche quand ils sont arrivés au sommet de la tour, répliqua calmement la femme.
  • Alors qu’il n’y a aucune trace d’une civilisation là-bas, dans les écrits sur l’Ancien Monde. Pas la moindre conquête, ni même le retour d’un voyageur. A croire que personne n’a jamais essayé de s’y aventurer, ajouta le plus costaud, tout en continuant sa boucherie.
  • Il y a bien une raison ! Les Hommes-Perchés n’ont jamais rien vu avant ce jour ! Et c’est surtout ça qui ne va pas ! Pourquoi soudainement il y aurait quelque chose, alors qu’avant, c’était un simple désert ? Idris, Ussel, j’espère que ça vous a fait tilter ! s’écria le maigrichon.

Celle qui se prénommait Idris lança un regard noir à son jeune compagnon, et lui demanda de baisser d’un ton. Quand il se calma, elle continua la discussion :

  • On l’a bien remarqué, Billy, mais les Anciens de la Guilde doivent savoir. Ils ont peur des menaces qui planait sur notre peuple à l’époque.
  • Une époque qu’on n’a pas connue ! Ça fait bien longtemps qu’on n’entend plus parler des dragons : ils sont définitivement éteints. Je ne sais pas pourquoi ils ressassent ça…
  • Mais s’ils ne le sont pas, ils n’auront aucun mal à traverser la forêt, aussi grande soit-elle, en volant. Et le chaos de l’Ancien Monde reprendrait.
  • La fameuse prophétie hein… intervient Ussel qui finit de préparer le gibier, avant de le mettre à cuire sur des brochettes au-dessus du feu.

Athora n’avait pas manqué une miette de la discussion et elle blêmissait mesure qu’elle les écoutait. Ils n’étaient pas des aventuriers en quête de l’impossible, comme elle pouvait en voir assez souvent et qu’elle remettait sur le chemin de leur pays.

Comment était-ce possible ? Personne ne pouvait voir par-delà la forêt, même depuis le sommet des tours plus hautes que des montagnes. Une puissante barrière masquait ce qu’il y avait de l’autre côté. Jamais, en plus de mille ans d’existence, elle n’a faibli. Et cette histoire de prophétie l’inquiétait davantage.

Mais ils ont vu. Ils étaient sur le point de savoir. Ils étaient une menace pour ce qu’elle doit protéger.

  • Mangeons vite fait, puis dormons. Je commencerai à veiller. On ne devra pas tarder demain, je n’ai aucune envie de rester plus longtemps ici, ni même de revenir bredouille, ordonna Idris.
  • Surtout de ne pas revenir bredouille… Je n’ai aucune envie de me faire décapiter par le bourreau de la Guilde pour avoir failli dans une mission, lança Ussel.
  • Ah non, ne dis pas ça, tu vas me couper l’appétit ! râla Billy.
  • J’ai bien peur de tout de même vous le couper.

Les voyageurs se relevèrent immédiatement, dans un seul mouvement, et se tournèrent vers l’origine de cette voix. Ils furent stupéfaits en voyant ce qui les toisaient et lâchèrent leur repas devant leur surprise. Ils étaient horrifiés par la créature qui se tenait devant eux. Athora détestait leurs visages qui lui rappelaient sa vraie nature.

  • Qu…qui… Qu’est-ce que tu es ? lança Billy, d’une voix tremblante.

Sentant la menace qui planait sur eux, Idris et Ussel sortirent leurs dagues et se mirent en position. C’étaient des assassins professionnels et aussi étrange soit la créature, ils allaient l’éliminer. Mais ils n’eurent pas le temps. Ils n’en avaient plus l’envie. Athora tendait la paume de sa main vers eux. Une lumière verte cramoisie jaillissait et les aveuglait. Vidés de toute émotion, les humains regardaient dans le vide, le dos légèrement voûté, la tête penchée sur le côté. Ils étaient devenus de véritables pantins que la maîtresse des lieux pouvait manipuler à sa guise. Elle leur insuffla de nouveaux souvenirs et leur ordonna :

  • Rentrez chez vous. La seule chose que vous avez vu, c’est une terre désertique où seule la Mort vous y accueillera.

Les humains rebroussèrent le chemin, marchant d’un pas presque mécanique. Ils connaissaient le chemin, elle leur avait indiqué la direction à prendre. Mais quand ils arriveront à l’orée de la forêt, ils recouvreront leurs esprits comme si rien ne s’était passé. Athora aurait bien aimé les éliminer d’elle-même, mais elle ne le pouvait pas. C’était trop risqué. Leur Guilde fera le travail à sa place.

Elle allait avoir à faire. La barrière avait faibli, et d’autres groupes retenteraient l’expérience. Tant qu’ils voyaient au-delà, leur curiosité les poussera à traverser la forêt. Athora pesta intérieurement. Les humains ne savaient pas se tenir bien tranquille de leur côté. Ils voulaient toujours aller face au danger. Maudits soient-ils.

Elle ne les portait pas dans son cœur. Les regards apeurés qu’ils lui lançaient à chaque fois la dégoûte. Elle était vraiment si affreuse que ça ? La réponse ne pouvait être que oui. Même si sa prison était immense, elle a été bannie à tout jamais dans la forêt. Ses pouvoirs ne pouvaient pas justifier à eux seuls, la mission qui lui a été confiée. Une tâche dont elle ne pouvait pas se dérober. Personne ne doit passer.

Personne ne doit passer,

Pas même un doigt de pied,

Si les sommets des tours,

Leurs sont accessibles,

Ils doivent faire demi-tour,

Car il est impossible,

De franchir la frontière d’Entre les Mondes.

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