Changement de règles

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De retour en classe, mes élèves sont tous présents. Il me faut quelques minutes pour me rendre compte de ce qui avait changé. Alors que d’habitude, il leur faut un peu de temps pour dissiper une espèce de stress avant de pouvoir capter leur attention, aujourd'hui, ils semblent zapper cette étape. Perplexe, je me questionne. D’un coup, je comprends que j’ai tous leurs regards pointés sur moi. Mon petit protégé a certainement dû se faire mousser auprès de ses camarades hier soir. Cela allait modifier le jeu. Apparemment, le nombre de joueurs a augmenté, et ce, sans me consulter. En même temps, c’est moi qui l’ai lancé et sans prévenir.

Ça m’a mis mal à l’aise, j'espère avoir su le masquer le temps de leur distribuer l’énoncé du prochain travail. Dans ma tête, je me retrouve coincée. Si mes supérieurs s’en rendent compte, je peux jouer l’innocente pour un élève, mais pour l’ensemble de la classe, cela devient dangereux. Qui sait ce qui va se raconter dans les couloirs. Les ragots circulent avant que je ne fasse quoi que ce soit. Alors je n’ose imaginer ce qui pourrait se dire si effectivement cela devenait ma nouvelle méthodologie.

Je prends le pari de m’en foutre complètement. De toute façon, ma place n’est pas dans cet établissement. Qu’est-ce que je risque d’autre que de me retrouver une fois de plus au chômage ? Ma balance mentale venait de faire le solde. Je n’ai rien à perdre et tout à y gagner. Ma décision est prise et je peux me remettre à jouer.

Je commence fort. Je les interroge les uns après les autres. S’ils répondent correctement, ils ont un petit cadeau. En cas d’erreurs, ils ont droit juste un beau et grand sourire. Les premiers cadeaux me débarrassent de ma veste, de mon pull. Pour les suivants, mon foulard et l’élastique qui se trouve dans mes cheveux. On avance bien. Quand les réponses ne sont pas très bonnes et que je sens un laisser-aller, j’inverse les cadeaux. Je rattache mes cheveux, je remets mon foulard et ainsi de suite. Ils sont vraiment loin d’être idiots ces gamins. Car j’arrive à la limite des choses dont je peux me débarrasser décemment. À partir de cette étape, je joue plus sur le style et les poses que je prends. Je gonfle la poitrine, m'appuie contre la table en croisant les jambes de manière élégante. Pour finir par m'asseoir sur ma table en écartant négligemment les jambes de manière à ce que ma culotte soit bien visible. À la fin, je les appelle individuellement à venir déposer leur travail à ma table. Debout face à moi, ils auront la hauteur nécessaire pour mater mes seins. Vous me croirez ou non, je n’ai jamais eu autant de résultats positifs. Réductions des fautes, auto-disciplines, et même de gros efforts au niveau de la propreté de leurs travaux. Ils s’appliquent, car ils ont bien compris que s’ils me font ce cadeau, ils en recevront aussi. Quel bel échange !

Ce petit jeu dure encore quelques semaines. Le matin en sortant du lit, je ne m’habille plus machinalement. Je choisis ma tenue en fonction des cadeaux que je leur offre. J’ai même été acheter de nouveaux sous-vêtements pour éviter la routine. Ils ne s’en lassent pas et moi non plus. Je ne sais pas comment je pourrais justifier ma méthode en cas d’inspection, mais je sais que, grâce à elle, on progresse rapidement et efficacement. J’ai gagné leur confiance et j’imagine qu’ils en sont conscients. Ils ne mettent pas le jeu en péril en restant discrets et en n’en parlant à personne. Ce qui est fou, c’est que ce petit jeu m’a aussi permis de m’émanciper. Je sais que je détiens un pouvoir magique, sensuel et sexuel pour dire vrai. Le pratiquer régulièrement m'a obligée à sortir de ma zone de confort et ce faisant de me rendre compte qu’en fait, je suis belle et attirante. Chose que jamais je n’aurais pu imaginer penser ne serait-ce qu'un quart de seconde. Grâce à eux, je me sens belle, je me sens femme.

Dans ma vie privée aussi, j’ai pu observer de nombreuses évolutions. Mon attitude est beaucoup plus affirmée. Je dégage apparemment quelque chose de bien palpable. Une espèce d’aura charmeuse qui ne laisse pas indifférent. Avant, quand j’étais à l’extérieur, en rue ou dans les grandes surfaces, les gens passaient presque en me marchant sur les pieds tellement j’étais invisible ou même inexistante. Maintenant, les gens m’adressent la parole. Pour me dire, certes des banalités, mais à moi et même avec le sourire. Et je dois reconnaître que c’est agréable. Et je ne vous parle pas seulement des mecs. Non, tout le monde. Ce n’est pas d’ordre sexuel. Sexuellement aussi c’est l’éclate. Plus affirmée, je me fais respecter. Je n’attends plus qu’on me choisisse, non, c’est moi qui m’en charge. Je n’ai que l’embarras du choix. Internet, piscines, supermarchés, cafés, discothèques… Quand un type me plaît, il le sait très vite. C'est clair et plus c’est cool. J’en profite à fond. Mes amis, enfin plutôt mes connaissances, ne me reconnaissent plus. Déjà qu’avant ils me trouvaient borderline, à présent ils m’évitent. Ça a fait le ménage tout seul. Mes amis, les vrais sont toujours là. C’est juste qu’on peut les compter sur une seule main et c’est tant mieux. Ce n’est pas eux qui vont alourdir ma charge mentale.

La vie devient facile et j’ai moins de prises de tête. Je profite de ce qui me fait plaisir et ça me donne envie de me lever chaque matin. Je m’amuse avec mes élèves et mon salaire me permet de payer mes factures.

Ce n’est pas si compliqué. Il suffit de faire ce que l'on aime en y mettant toute son âme.

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