La rentrée

6 minutes de lecture

Mia

Tout me semble si familier ici. Ce sont les mêmes bâtiments et les mêmes personnes. Hier, je suis passée à côté de la mort dans cet incendie. Et pourtant, aujourd'hui, le monde continue de tourner normalement. Je réalise que mon univers pourrait s'effondrer à n'importe quel moment et que personne ne s'en soucierait. C'est un sentiment étrange.

Ne vous méprenez pas, je suis toutefois contente de revoir toutes ces têtes familières. J'ai toujours été le genre de fille ayant beaucoup d'amis mais aucun "ami attitré". Tous les gens que je connais ont une ou deux meilleures amies ou font au minimum parti d'un groupe. Je ne peux pas en dire autant, j'ai toujours aimé passer d'un groupe à l'autre et ne pas avoir d'attache. Il faut dire que j'ai des facilités: je m'intègre partout. Par conséquent, ce serait trop dur de choisir un groupe d'ami à qui je devrais être fidèle, sous peine de les perdre.

Voici encore un grand regret pour ma mère. Elle voudrait tellement que je sois comme ces filles inatteignables: une née que tout le monde admire. Elle voudrait que j'aie ma routine avec les mêmes amies à qui se référer tous les jours. Et surtout, le beau prince charmant qui va avec. Celui qui devrait me suivre comme un petit chien toute la journée. Si je l'écoutais, je devrais sauter sur tout ce qui bouge. Malheureusement pour elle, je n'ai jamais eu de coups de coeur pour personne. Bien sûr, j'ai déjà trouvé certaines personnes belles mais je n'ai eu ni crush ni réel amour. On peut dire que j'attends la bonne. Intérieurement, c'est vrai que le grand amour me fait rêver, mais ça, je ne lui dirai jamais clairement. Elle ne me comprendra jamais. Je suis certaine qu'elle ne les a jamais choisis avec le coeur, enfin, pas tout à fait. J'ai déjà remarqué que la plupart de ses ex étaient riches. Il suffit de voir mon père pour comprendre...

Il faut que je chasse ma mère de mes pensées. Dès que je pense à elle, je vois son regard dans ce lit d'hôpital et ses bras meurtris. La culpabilité me ronge sans que je sache réellement pourquoi. Je retiens une larme.

J'écoute depuis de nombreuses minutes les vacances de Mélanie. Cette fille est très gentille et c'est une très bonne amie pour moi mais il faut appeler un chat, un chat. En effet, Mélanie est une vraie "fifille à ses parents". Nous sommes au moment de l'histoire où madame Mélanie a commencé son 5ème city trip des vacances à Hawaï. Ou peut-être 6ème, j'ai arrêté de compter. J'essaye de faire comme si j'étais toujours intéressée et elle a l'air d'y croire. Je suis déjà à la moitié de la journée, c'est fou comme ça passe vite. Je m'imagine ce soir, dans ma chambre, dessinant ce moment. Je pourrai montrer mon vrai ressenti sur mes feuilles de papier.

Tout à coup, la sonnerie retentit, me sauvant de ses histoires interminables. Je dois me rendre au cours de mathématique rapidement. Je lui souris en lui faisant comprendre que je dois y aller.

Je repense à ses vacances. Ça doit être tellement génial. Pour ma part, personne n'est au courant pour mes parents. Et c'est mieux comme ça, je détesterais devoir supporter leurs regards compatissants. D'un autre côté, ce serait mentir de dire que ça ne me fait rien de remarquer à quel point il pourrait m'arriver la chose la plus horrible qui soit et que personne ne s'en soucierait. J'essaye de me persuader que c'est de ma faute, si je ne leur dis rien, ils ne peuvent pas savoir. Ça me console déjà un peu.

Je rentre dans ma classe de math.

- Bonjour monsieur Vince. Dis-je poliment.

J'ai toujours apprécié ce professeur. C'est un des rares à être littéralement tombé amoureux de la profession, et surtout des math. Il vit pour les math, il respire pour les math, mange pour les math et dort pour les math. Une fois, je l'ai vu expliquer le théorème de Pythagore à une mamie voulant uniquement traverser le passage pour piéton.

Je pense qu'il m'aime bien et c'est réciproque car j'aime les math aussi, nous partageons à un autre niveau la même passion.

- Bonjour à toutes, bonjour à tous.

Le voilà qui recommence ses discours habituels de début d'année. Je le fixe. Il fait les cent pas devant toute la classe. J'observe sa cravate bleue ressortant au-dessus de sa chemise. Elle est rapidement nouée autour de son cou. Je suis sûre qu'un enfant aurait mieux réussi son noeud que lui. Il n'a pas l'air de son compte puisque chaque jour il revient au collège avec la même.

- Alors, tout d'abord j'espère que vous avez passé de bonnes vacances et que vous avez eu l'occasion d'utiliser les notions apprises pour diverses activités.

- Hey mec, mate l'énorme marque du bronzage de monsieur "Bince", lance un garçon de ma classe à son pote.

- Oh oui, bon sang que c'est moche. Il pourrait faire un effort.

Il commence tous à se moquer de manière démesurée. Et on me demande pourquoi les garçons m'énervent. Luc et Adrian font partie d'un groupe au collège, ils aiment se moquer de tout. Je ne les supporte pas. Et maintenant, on me demande pourquoi personne ne m'attire dans ce foutu collège. Je me retourne pour leur faire la morale mais je me rends compte que je n'ai pas la force de me lancer dans un débat avec eux aujourd'hui.

- Un peu de silence, s'il vous plaît, monsieur Vince s'impatiente.

-Je sais que vous êtes tous impatients de travailler, alors... dit-il en se retournant vers le tableau, voici un problème assez complexe, c'est ce qui va vous occuper cette heure-ci.

J'analyse le problème. Je reconnais la loi de Chalses. Ensuite, je croise le regard de Vince. Celui-ci a le regard d'un gamin qui vient de faire une blague à ses parents. Je réfléchis, même quand il fait des math, je n'ai jamais vu cette expression dans son regard. J'ai une révélation, mais oui, le problème est impossible! Le temps d'écrire la justification, j'ai fini l'exercice en 5 minutes.

Je regarde autour de moi, personne ne semble avoir compris. Monsieur Vince, quant à lui est absorbé dans ses corrections. Mes doigts tapotent la table d'ennui. Je décide de prendre mon téléphone, vu son taux de concentration, je ne risque pas de me faire prendre. A mon grand étonnement, la première chose qui me passe par la tête est de regarder si j'ai des nouvelles de ma mère. Elle était censée se réveiller ce matin après son opération. Plus vite elle guérira, plus vite je me sentirai soulagée. Pas encore de nouvelles. Je sais que l'on dit toujours "pas de nouvelles, bonne nouvelle" mais je ne peu m'empêcher d'être inquiète.

Je sursaute, monsieur Vince est juste à quelques centimètres de moi. Il est passé de son bureau à ici sans que je puisse m'en apercevoir. Je m'en veux de ne pas avoir fait plus attention, mais c'est trop tard.

- Mia, commence-t-il, as-tu oublié les règles de cet établissement durant les congés?

- Non monsieur, mais j'avais fini le problème, dis-je en montrant toute mon assurance.

Il me regarde d'un air surpris. Je décide donc de continuer sur ma lancée.

- Oui, monsieur, le problème est juste impossible. C'est aussi simple que ça, il n'y a donc aucun calcul à faire. Voulez-vous voir ma justification ?

Je le lui tends, il me l'arrache presque des mains. Il est si étonné que ça me fait rire intérieurement. Je vois qu'il ne sait pas quoi dire. Tout le monde nous regarde, ça me gêne un peu. Il se décide enfin à dire quelque chose.

- Oui c'est vrai. Tu as raison, même si tu aurais pu travailler un peu plus la justification.

Je soupire. Il fallait qu'il trouve une chose à dire mais, d'une certaine façon, je vois de la fierté dans son regard.

- Mais cela dit, ça ne justifie pas le téléphone, dit-il d'un ton sévère.

Mon regard passe de lui à l'appareil qui est toujours dans ma main. Je décide de prendre les devants, je déteste que l'on me dise quoi faire. Je me lève, prenant le temps de ranger mes affaires dans mon sac et ma chaise sous le bureau. Je n'aime pas, d'ordinaire, être au centre de l'attention mais son regard surpris me fait rire et me donne une certaine fierté.

Je pars vers le bureau du directeur sans dire un mot. Je suis restée le plus calme possible dans la classe mais en réalité, je bous de l'intérieur. Une fois devant le bureau, je ne prends pas la peine de toquer.

Pour une fois, il n'était pas seul. Lorsque mon regard croise celui de cette mystérieuse personne, mon coeur commence à battre la chamade...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Manon ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0