Partie 9

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En juillet, ils s'arrêtèrent à nouveau dans la petite ville bordée de banlieues campagnardes, et installèrent le campement dans la prairie qu'ils avaient quittée l'été précédent. L'air embaumait le foin. Les insectes vrombissaient entre les caravanes, attirés par les sueurs des monstres affalés sur leurs chaises.

Enzo, engoncé dans son gigantesque sweat bleu, cuisait sous le soleil comme un œuf dans une poêle ; il avait tenté de couvrir la moindre parcelle de son pelage noir, le visage caché sous l'ombre de sa capuche, et personne ne savait trop si c'était pour éviter d'attirer la chaleur, ou pour cacher ce corps avec lequel il semblait de moins en moins à l'aise. Nul n'avait osé lui demander.

Après le spectacle, alors que la moiteur commençait à se déliter dans la nuit, Enzo ressentit l'envie d'aller flâner dans les rues désertes, comme il ne l'avait plus fait depuis l'année précédente.

Il franchit les fourrés, traversa une route au goudron attendri par l'été, et erra doucement entre les stridulations des grillons. Il finit par se rendre compte que le chien Cerberus le suivait d'un pas guilleret, pulvérisant les insectes de ses pattes de titane, tirant ses trois langues dans un sourire typiquement canin. Ses carapaces de métal étincelaient sous le soleil couchant.

– Oh non ! Non Cerberus, non ! Retourne là-bas ! Dégage !

Sans comprendre, le monstrueux molosse gambada sur la route avec la grâce d'un camion de douze tonnes, essayant de comprendre pourquoi Enzo lui courait après.

Celui-ci, essoufflé et ruisselant de sueur sous le poids de ses habits, s'avoua finalement vaincu. Il se résolut à continuer sa balade, suivi par le canidé ravi et ses trois têtes débonnaires.

Ils prenaient une rue désespérante de platitude entre des maisons toutes identiques, quand le bruit d'un ballon rebondissant claqua soudain entre les murs. Ses détonations lancèrent des milliers d'échos aux yeux des fenêtres vides.

– Mec, mec ! Oh tu fais quoi là ! Passe ! Fais la passe bordel !

– Fais la passe !

– Hého, je suis là moi !

– Putain mais…

Il y eut le bruit d'une chute sur le sol, au milieu des éclats de rire ; caressant l'idée de retomber sur la même fillette que l'été précédent, Enzo marcha doucement vers le coin de la rue d'où provenaient les cris.

Manqué, ce n'était qu'une bande d'adolescents. À présent accroupis en cercle, ils semblaient tester un nouveau module d'évitement sur leur ballon. Enzo soupira en son fort intérieur ; les siamois et lui avaient toujours demandé ce genre de petits logiciels pour leurs anniversaires, dans l'espoir de pimenter un peu leurs après-midis, mais Zabeth et Anatole étaient restés inflexibles. Aucune technologie avancée ne devait franchir l'enceinte du cirque, hormis les extras destinés au spectacle comme Cerberus.

Le chien se mit soudain à aboyer comme un fou, ahuri de se retrouver face à des êtres qu'il n'avait pas l'habitude de voir. Ses aboiements résonnèrent dans le quartier, au rythme des clappements de ses lourdes mâchoires.

– Cerberus ! Ferme-la !

L'ordre claqua aux tympans du robot, qui se tut immédiatement avec un air penaud.

À quinze mètres, les adolescents se relevèrent lentement, silencieux. Leurs yeux étaient fixés sur les deux molosses côte à côte, l'un noir et bipède, l'autre posé sur ses quatre pattes de métal.

– C'est qui ce type ?

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