Partie 10

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Enzo aurait dû se douter que c'était lui, et non le chien cybernétique, que les humains fixaient ainsi.

Ne sachant que faire, il fit demi-tour de son pas nonchalant, sifflant l'automate qui trépigna sur ses talons.

– Hé mais… on dirait l'homme-bête du cirque avec les monstres !

– Hein ? T'as bu ou quoi ?

– Regarde ses jambes…

Enzo sentit cinq regards s'attacher à ses jarrets, à ses sabots qui foulaient le goudron, comme un boulet imaginaire qui ralentit son pas.

Puis l'un d'eux se mit à pouffer, et l'homme-lion se figea au milieu de la chaussée. Personne ne riait jamais devant lui.

– Depuis quand il se balade en jean ? Il est à poil d'habitude !

Cette phrase qu'il avait presque oubliée. Obsédante. Depuis quand jouait-il à l'humain ?

– Mais carrément mec ! T'as vu son sweat tout bleu avec sa capuche ? Je l'ai même pas reconnu au début ! Il a piqué les fringues de quelqu'un tu crois ?

– On dirait un schtroumf géant.

– Hé ! lança l'un d'eux au milieu des échos de la rue. T'es Enzo le Magnifique, c'est ça, toi ?

Statufié, Enzo regardait Cerberus. Le chien trottinait gaiement, sans comprendre que tout s'écroulait autour de lui.

– Mec ! cria le garçon de plus belle, s'approchant dans son dos. Hé, réponds ! C'est à toi qu'on parle, le monstre !

Enzo voulut se retourner, mais ç'aurait été leur offrir son visage, son corps, son pelage noir et tout ce qui confirmait leurs dires ; il étira compulsivement le tissu de sa capuche, tentant de recouvrir son front et le reste.

– Mais il est sourd en fait ?

– T'approche pas trop, il a failli dévorer Tristan Lefèvre au dernier spectacle.

– Arrête, c'est de la comédie. Regarde, là il se balade tout habillé dans les rues, perso j'ai plus envie de rire que de pisser dans mon froc.

Les larmes montaient le long de la gorge d'Enzo à chaque phrase, s'aggloméraient dans une boule chaude qui l'empêchait de respirer. Assis par terre, Cerberus le considérait, étonné, ses trois têtes penchées sur le côté.

– Vous pensez qu'il sait parler ?

Les cinq voix s'approchaient toujours de lui, petit à petit.

– Moi j'pense surtout qu'il s'est échappé, comme le singe qu'on a retrouvé en ville au printemps. Celui qui se promenait partout avec un tutu et une baguette magique.

Ils éclatèrent de rire et l'homme-bête fit quelque chose d'inconcevable.

Il s'enfuit.

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