Avec les Damnés

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 Elle revint dans le salon avec humilité et révérence. Si je n’avais pas su que c’était elle, je ne l’aurais pas reconnue. Je l’aurai dévorée du regard sans réussir à la remettre. Je me serai demandé quel genre de jeune femme peut être aussi désirable habillée du deuil. J’aurais eu envie de lui faire payer le prix de sa beauté et la prendre dans un caveau des heures pendant que le prêtre raconte sa messe.  Elle s’était grimée comme promis. Dieu qu’elle était belle. Les bas noirs s’enroulaient autour de ses jambes félines amoureusement quand la lisière de ces derniers, retenus savamment par un porte-jarretelle, venaient embrasser l’orée de sa jupe. Le chemisier anthracite qu’elle portait comprimait ses seins avec ingéniosité et les quelques boutons qu’elle n’avait pour le moment pas encore fermés le long du sillon de ces derniers laissaient apparaitre un soutien-gorge rouge sang. Un tailleur de couleur gris foncé et une paire de talons vertigineux aux couleurs de ses dessous venaient parachever ce miracle visuel. Enfin presque. Je ne serais pas honnête si sciemment j’omettais la voilette, les lunettes et le couvre-chef qui complétaient sa tenue. L’attirail parfait d’une salope décomplexée.


We skipped the light fandango

Turned cartwheels ’cross the floor

I was feeling kinda seasick

The crowd called out for more

The room was humming harder

As the ceiling flew away

When we called out for another drink

The waiter brought a tray

And so it was that later


Procol Harum nous berçait de sa musique et l’orgue épousait la silhouette d’Ellie à la perfection. Belle entrée en matière. Chaque enterrement devrait commencer par ces quelques notes. Il y avait un coté solennel qui rassurait dans un contexte comme celui-ci puis la mélodie reprenait ses droits pour arrondir un peu les angles. Aussi détente que conventionnel. La dignité de Sonia n’en pâtirait pas. Sonia. Comment l’avaient-ils habillée à la morgue ? J’avais chargé Sarah de leur ramener quelques fringues et de choisir celles à lui mettre pour demain. Elle a intérêt à pas déconner la Sarah, me dis-je. Pantalon ou robe ? Collant, bas, rien, culotte, string fendu ? Autant de questions à la con sans grand intérêt. Tout serait mangé par les flammes. Dans la chaleur de son cercueil, la petite mort viendra à la rencontre de sa grande sœur pour une étreinte endiablée. Ou pas. Si Sonia se réincarnait un jour, la grande sœur pourrait aller se faire voir. Au moins le temps d’à nouveau la retrouver. La retrouver sans se souvenir de leur précédente rencontre. Et ainsi de suite. Combien de fois étais-je déjà mort ?

— David ? Tu penses à quoi ?

— Aux mystères de l’existence. Santé Ellie, à nous, et à nous seuls.

— A nous seuls.

Je la regardais avec affection et bientôt j’eus envie de l’embrasser. Cela faisait un petit moment. J’attendis qu’elle repose son verre et d’une main assurée lui pris délicatement la nuque pour rapprocher sa bouche de la mienne. Notre baiser dura quelques minutes. Je prenais soin de redécouvrir chaque fine parcelle de ses lèvres et si mon cœur s’affolait au début, il battait maintenant plus sereinement, au rythme de celui d’un ours qui hiberne. J’étais au chaud dans mes pensées et réveillé par moment quand sa langue se jouait de la mienne. Elle vint bientôt me chevaucher et m’enlaça de ses mains pour porter mon visage au sien et continuer notre étreinte. Mes paumes allaient de ses cuisses à ses fesses avec gourmandise et je prenais plaisir à les pétrir. Par moment, un ou deux doigts désinvoltes venaient faussement se perdre et frôler la fine étoffe de satin qui me séparer de son monde. Je la sentais se tortiller et croquer la pulpe de ma bouche lorsqu’une de mes phalanges l’électrisait par interlude. Nous étions bien, et pour la première fois l’envie de lui faire l’amour n’était entachée d’aucune crainte. Il y a un temps pour tout et après avoir repoussé l’échéance, je me sentais suffisamment serein pour écrire les dernières pages de notre histoire. Nul doute là-dessus, nous nous aimions à notre façon. Avec honte et délice.

— Attention David, je n’ai que cette toilette pour demain.

— Enlève tout ce superflu, ne garde que l’essentiel, répondis-je.

— Aide-moi, déshabille-moi.

 Ellie leva les bras au ciel et j’en profitai pour lui retirer son chemisier sans prendre le temps de le déboutonner. Ses seins m’apparurent compressés dans un push-up sensuel. Après avoir passé une main dans son dos, j’en fis sauter les attaches et le laissai mourir à petit feu, d’abord le long de ses épaules, puis de ses bras, avant qu’il ne termine sur ses hanches. Je ne fus pas long à dévorer ses trésors jumeaux accueillis comme une offrande. Je ne savais pas si un jour l’occasion me serait à nouveau présentée et savourais son grain de peau onirique comme la dernière clope du condamné. J’effleurais son corps pour mieux en comprendre la texture et sentais sous mes doigts d’infimes collines de plaisir recouvrir ses épaules, ses bras, et ce jusqu’à son dos. Elle frissonnait par moment et les minuscules collines continuaient de se propager avec douceur. Je prenais mon temps, sachant que cet instant ne serait bientôt plus qu’un souvenir. La vie est faite de ça, d’espoir et de souvenirs. Espérer quelque chose qui un jour sera vestige.

Je n’avais pas encore trente ans quand cette idée vint grignoter chaque jour un peu plus mon cerveau. La peur du temps qui passe, d’une jeunesse s’évaporant dans les limbes existentiels me terrifiaient. Et par-dessus tout, la crainte de ne plus jamais gouter aux courbes et au souffle sucré d’une demoiselle. J’allais sur mes trente ans et fréquentais une jeune femme de dix ans ma cadette. Elle était jolie parce qu’elle était jeune, c’est en tout cas comme ça que je voyais les choses. Elle était jolie tout court. Une peau lisse, des lèvres briochées, et des seins nom de Dieu, gros, fermes, réactifs. J’ai passé quelques soirées à les dévorer avec toujours la même obsession ; En profiter car c’était peut-être la dernière fois qu’une gamine me laissait la tripoter ainsi. Plus tard, j’aurais à payer pour une femme de cet âge. Impossible. C’est moi qui fais tout le boulot, c’est elle qui devrait me payer. Cette jeune femme avait des obus fantastiques mais ce n’était pas sa qualité première. Elle suçait divinement bien et pouvait passer des soirées à se nourrir que de mon foutre. Fabuleux. Les précieuses pouvaient aller se rhabiller. J’avais trouvé ma gourmande juvénile. Celle chez qui s’évapore mes angoisses et la bouche dans laquelle je plongeais libéré. C’était chouette, vraiment. Alors je me suis arrangé pour en trouver quelques-unes supplémentaire du même acabit. Il fallait que j’en consomme de plus en plus parce que j’étais chaque jour un peu plus vieux. Et puis j’ai mis les voiles. C’est en partant quelques années à l’autre bout du monde que j’ai pu réapprécier l’ivresse de la jeunesse. C’est en tombant amoureux à mon retour que je mis fin à toutes ces conneries. Et, seul à nouveau, j’ai recommencé. J’avais suffisamment d’entrainement pour que le truc soit aussi sale que jouissif. Aussi pathétique que bon. La cour des miracles des championnats mondiaux du fion pouvait débuter. C’est bête de parler de mes histoires de cette façon. Il n’y avait pas que du sexe. Alcool et désespoir ne me quittaient jamais. C’est donc bien entouré, à nouveau en selle, avec l’envie permanente d’en découdre que je rencontrais Ellie. Vous connaissez la suite, cette délicieuse enfant qui pourrait être ma nièce s’apprêtait à m’offrir le plus beau des chants du cygne.


Hannah honey was a peachy kind of girl

Her eyes were hazel

And her nose were slightly curved

We spent a lonely night at the Memory Motel

It’s on the ocean, I guess you know it well

It took a starry to steal my breath away

Down on the water front

Her hair all drenched in spray


De son coté, elle avait retiré ma chemise pour m’écraser le torse de ses seins chauds. Je sentais leurs pointes s’ériger contre ma peau à mesure que sa chatte ruisselait sur ses cuisses. J’avais le besoin impérieux de libérer ma queue. Elle se tordait avec souffrance. Ellie dû le comprendre car d’une main leste et habile, elle fit sauter ma ceinture et ouvrit mon froc pour en extraire le diable. J’appuyais de ma paume le long de sa cambrure pour rapprocher sa langue et tout son être contre moi. Je prenais mon temps pour l’embrasser et ne pensais à rien d’autre. Nul besoin d’échafauder plans et autres scénarii pour avoir une érection convenable, je n’avais qu’à murmurer son nom pour en être pleinement amoureux. J’aurais tué pour avoir vingt ans de moins et une chance de faire ma vie avec. Je redevenais cet enfant aux mœurs solides entre ses doigts. L’amour reprenait ses droits dans chacune de mes artères.  

Je fis remonter sa jupe pour l’enrouler autour de sa taille, lui pris la main pour la mettre autour de ma queue et vint frôler son lobe avec ma bouche.

— Tu sais qu’après ça je serai la pire des ordures ?

— Tu l’es déjà David. T’imagines la tête de mon père s’il nous voyait ?

— Je préfère imaginer celle de Nina. Tu lui ressembles beaucoup.

— Elle aussi te massait doucement la queue quand elle te rendait visite ?

— Idiote…

— Faudrait pas que tu viennes déjà, pas avant de m’avoir sautée…

— On est du même moule toi et moi, continue de me raconter tes saloperies, elles m’excitent autant qu’à toi.

— David …

Ellie jouait avec mon sexe et le passait sur ses lèvres brulantes de haut en bas avec un plaisir non feint. Nos sucs se mélangeaient dans un bruit qui parfois rejoignait celui de nos deux bouches qui s’apprivoisaient.

 J’étais bon pour tout saccager et foutre ma maigre vie en l’air. Et puis Charlie me revint en tête. Tout s’était si vite enchainé. Nous nous étions mariés avec la promesse d’une vie commune riche en amour. Nous nous aimerions toujours mais séparément. Elle avait tout, les défauts de ses qualités ainsi que les qualités de ses défauts. J’ai souffert de son départ. Il me manquait un enfant d’elle pour lui être lié à tout jamais. Si Charlie me voyait, me dis-je. Charlie avait refait sa vie et j’étais intimement convaincu qu’elle n’aimerait jamais aussi fort son nouvel amant comme elle avait pu m’aimer. Je m’en rassurais lâchement, après tout, l’essentiel était ailleurs. L’échec de ne plus vivre avec s’était adoucit car son amour à mon égard perdurait. Je ne l’avais pas complètement perdue et je ne la perdrais sans doute jamais. Elle sera l’une des plus tristes à mon enterrement. Sa toilette fera merveille et son parfum inondera l’église d‘une fragrance délicate. Elle pleurera dignement toutes les larmes de son corps et Ellie, cachée derrière l’une des massives colonnes gothiques, pleurera de jalousie. Elle pleurera de voir une femme comme Charlie m’aimait encore plus fort qu’elle. A cette occasion, Ellie connaitra son premier chagrin d’amour. L’idée m’animait tel un démon. J’avais hâte d’y passer et j’espérais que cette singulière journée faite en mon honneur soit réussie. Elle le sera si les deux femmes citées plus haut m’accordent leur présence. Sûr. Je banderai dans mon cercueil une dernière fois pour dire au revoir, et les anges et les nuages n’auront qu’à me tendre la main pour que je leur tende la mienne.

— Charlie ! Hurlais-je dans les oreilles d’Ellie.

— Tu m’as fait peur David ! T’es con ! Qu’est-ce qu’il y’a ?

— J’irai au paradis moi aussi ?

— Tu en doutes encore ?… Ferme les yeux, je t’y emmène…

Elle n’avait pas relevé le prénom qui venait de jaillir de ma gorge, ou l’avait confondu avec le sien. Par chance ou fatalité.

J’avais imaginé cet instant mille fois sans vraiment en avoir envie. Je savais ce que tout cela engendrerait. A présent, j’y étais. Je sentais son antre m’envelopper d’un manteau d’amour tandis que ses reins se creusaient d’envie. Je resserrais mon étreinte un peu plus et d’un léger coup de bassin, pris pleinement possession de son corps. De ces secondes éternelles, je compris que nous naissions impatients et nerveux dans la première moitié de notre vie, puis que les regrets et la mélancholie complétaient la seconde. Je me sentais à l’orée de ces deux mondes avec le privilège de pouvoir encore choisir. J’étais aussi mélancolique que nerveux, et de monde, je n’avais que celui qu’une gamine à peine majeure m’offrait. A défaut d’avoir eu un enfant, elle m’offrait sa jeunesse. Mon visage boisé, taillé au couteau, la remerciait infiniment d’un sentiment figé par ma propre dévotion.

Les yeux fermés, je m’enfonçais doucement dans un océan d’abysse et sentais le souffle chaud et saccadé d’Ellie contre mon cou. Nous faisions l’amour tendrement sans nous presser. Ce jour s’était tant fait attendre que nous eûmes l’impression de l’avoir déjà vécu. Il n’en était rien. Je m’étais seulement amusé à faire ressortir son coté putain par moment pour notre plus grand bien. Nous jouions ensemble sans tabou et la consécration à cette étrange complicité se passait maintenant dans une alcôve de douceur.


Laisse-toi au gré du courant

Porter dans le lit du torrent

Et dans le mien

Si tu veux bien

Quittons la rive

Partons à la dérive

Je te prendrai doucement et sans contrainte

De quoi as-tu peur ? allons, n’aie nulle crainte

Je t’en prie, ne sois pas farouche

Quand me vient l’eau à la bouche


Ellie jouie une première fois. Je le sus car ses dents se plantèrent dans ma lèvre inférieure pour en boire le jus. Elle continua de feuler quelques instants puis me fis une toilette de chat du bout de la langue. Elle en profita pour lécher les quelques gouttes de sang qui perlaient. Je tenais ses petites fesses à pleines mains et continuais de la prendre consciencieusement. Je me retenais pour ne pas jouir trop vite. Je devais absolument profiter. Graver ces images dans ma mémoire pour qu’à ma mort elles défilent une dernière fois. Mon esprit fiévreux le réclamait. Peut-être qu’après ça, elle comme moi, bouffés de remords, nous éloignerions bien malgré nous. Au diable toutes ces considérations, je vivais l’instant présent. Ma bouche jouait avec le téton de son sein droit et le souillait de salive comme un enfant. J’étais bien entre ses cuisses.

Je redevenais ce môme discret et observateur. Gamin, j’aimais regarder le ballet quotidien de toutes les femmes que je croisais. Les visages de madone étaient mes préférés. Durement bienveillant. Pudiquement pervers.

Nous ne baisions pas avec Ellie, et pour une fois je m’étais rangé du côté de ceux qui font l’amour. Jusqu’à présent l’expérience me plaisait. Je n’attendais qu’un signe de sa part pour m’épancher en elle. Je voulais qu’on vienne en même temps. Après ça, la vie reprendrait son cours et je retournerai vaquer à mes saloperies. J’en avais déjà presque hâte. Je fus sorti de mes pensées par le bruit de nos bassins qui s’entrechoquaient. Ellie rebondissait sur ma queue de plus en plus vite et se cambrait chaque fois un peu plus. Son sexe dévorait le mien et je ne pu me retenir de lui administrer une série de fessées. Je ne bougeais presque plus, me contentant de la laisser me baiser, car pour le coup nous avions repris nos bonnes habitudes laissant quelques instants de répit à la tendresse. Une vraie sauterelle, venue en soliste pour me coloniser. Je pris son cou fermement pour lui dévorer la bouche. Quand sa cadence infernale ralentit, à l’unisson, nous ne fîmes qu’un dans l’orgasme.


Now, I bet your mama was a tent show queen

And all her boyfriends were sweet 16

I’m no school boy but I know what I like

You should have heard them, just around midnight

Brown Sugar, how come you taste so good? Oh, no no

Brown Sugar, just like a young girl should


— C’était pas trop mal David.

— Ouais, c’était pas trop mal. Pour une pucelle tu te défends bien.

— Très drôle, me répondit Ellie.

— Bon… Je vais aller nous faire couler un bain. J’ai besoin comprendre un peu mieux les derniers mois qu’on vient de vivre.

— Je t’y retrouve. Champagne ou scotch ?

— Champagne, laissons le scotch aux grandes occasions…

Il n’y avait déjà plus de retour possible quant à Ellie et moi depuis longtemps. C’est à ses parents que je pensais en allant à la salle de bain. Serge, que Nina trompait par moment, venait de l’être par son meilleur ami. J’étais content d’enterrer Sonia demain ; L’occasion d’y enterrer ce qu’il me reste d’humanité une bonne fois pour toute.

Sonia ne m’aurait rien dit pour ce qu’il venait de se passer. Elle m’aurait regardé les yeux humides, cachés derrière le linceul de nos vices.

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