I wanna be your dog

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 Les caméras de l’entrée m’informèrent en temps réel de l’arrivée de la copine d’Ellie. J’étais rassuré qu’elle puisse ne pas rester seule. J’avais deux adolescentes dévergondées chez moi sans y être. C’était encore la meilleure chose qu’il puisse m’arriver. Boire loin de ce merdier tout en sachant qu’à la maison logeait le diable. Ça accompagnerait ma murge de manière explosive. Il se jouait pire que se mettre minable dans mon foyer. J’y étais lié, et peu importe l’état dans lequel je rentrerai, j’aurai des choix à faire. Orchestrer une chorégraphie dont je serai le bourreau. Sans être un virtuose, passer d’un chef d’inculpation à deux m’était offert. J’avais l’occasion d’entrer dans la légende. La légende des pâtés de maison. Une belle histoire de mœurs qui pourrirait dans la continuité dans ma vie morne. Quelque chose de sale et banal. Un truc suffisamment nul et facile pour qu’on puisse te le graver sur le front sans forcer. Deux succubes dans mon antre. Vision d’un esprit pervers et saoul.

Je décidais d’accélérer la cadence sur le scotch et fus rapidement chaud. J’allais trouver Charles pour lui demander un remontant et quittai les lieux avec de quoi me coucher tard. J’avais envie de bander et je sentais que mon corps entier n’attendait que ça. Après avoir regagné ma voiture, je sortis paille et carte bleue pour me faire quelques lignes, accompagnées d’une clope, je repris du poil de la bête et mis bientôt le son à fond. Je repensais à Terry Gilliam et sa maxime parfaite ; Celui qui se transforme en bête se délivre de la souffrance d’être un Homme. La belle et la bête, la belle et l’idiot, la jeune salope et le vieux dégueulasse. Nom de Dieu, une multitude de scénarios superbes s’offraient à moi. Si les flics avaient la bonne idée de me contrôler, j’étais bon pour aller roupiller sur une planche de bois. Je mis I wanna be your dog des Stooges à fond les ballons et démarrer en trombe. Ou en tromblon, selon les goûts. Le panache s’avère parfois ridicule quand il est mal joué.

So messed up, I want you here
In my room, I want you here
Now we’re gonna be face-to-face
And I’ll lay right down in my favorite place

And now I want to be your dog
Now I want to be your dog
Now I want to be your dog
Well, come on

Un chien qui mord. Suffisamment pour que ça interpelle, et pas assez pour qu’on le pique. Je traversais la ville comme une fusée et arrivais rapidement devant chez moi. Je baissais la musique me voulant discret, et renouvelais l’opération, une clope, deux lignes. J’avais une de ces gueules. L’alcool me donnait suffisamment d’assurance pour affronter les gamines. Aurais-je la chance de démonter la bouche de l’une tout en donnant la fessée à l’autre. Yes Daddy, foutue génération pornée. Je recommençais à sérieusement délirer. Mec, on n’est pas dans un boulard là, me dis-je. T’es devant chez toi en pleine nuit à trembler comme une feuille. Les chattes ont une odeur et ne sont pas maquillées. Ses parents sont mes amis, et les parents de l’autre sont peut-être juge et avocat. Rien de tel que le terrain. La peur excite autant qu’elle perturbe.

Un faible filet musical m’arrivait jusqu’aux oreilles quand j’ouvris la porte. J’entrais délicatement, légèrement titubant. Mes jambes se dérobaient par trac et je sentais dans mon ventre un immense vide. J’étais honteux d’être chez moi. Honteux du contexte. Et suffisamment éméché pour rendre le truc salace. Le rez-de-chaussée baignait dans l’éclairage des quelques lampes d’ambiance et la télé tournait en fond. Pas un autre bruit que la musique. Désert. Une faible lueur venant de l’étage léchait les escaliers y menant. Un parfum de gamines délurées flottait dans l’air et l’odeur du pain chaud s’y mêlait. Elles en avaient rien à branler de faire du pain, mais leur peau lâchait des odeurs de soleil sans qu’elles ne s’en rendent compte. Quintessence de la jeunesse. On ne pue du bec qui si notre foie déconne. Le reste n’est que saveur pour un vieux briscard. Je prenais le chemin de ma chambre à l’étage et arrivais avec timidité sur le pas de celle-ci. Ellie semblait endormie. Elle était en chien de fusil, vêtue d’une petite culotte qui lui mangeait l’entre cuisse. Sa copine, qui fumait un joint, me regarda avec insolence.

— ­Ça va ? Me risquai-je à dire.

— Ouais.

— Et tu es ?

— Laura.

— OK. Mon lit te plait ?

— Il sent le vieux.

— Ouais. Bon, elle dort depuis longtemps ?

— Après que je l’ai faite jouir. Y’a à peine une heure.

— Félicitations.

— On pensait que tu rentrerais beaucoup plus tard.

— Toi sans doute, mais ta pote m’attendait.

— Pourtant c’est moi qu’elle a appelée.

— Veinarde, et pourquoi t’es encore là ?

— Ellie m’a parlé de toi, j’avais envie de voir ta tête.

— Satisfaite ?

— Je devrais ?

— Te revêtir un peu.

Laura était faite du même grain qu’Ellie, sa bouche puait la pipe juvénile à plein nez et son assurance de jeune conne me laissait entendre l’appétence d’être violentée. Elle ne portait qu’un string minimaliste moulant des lèvres gorgées de sève.

— Tu as joui toi ? Lui lançai-je.

— Qu’est-ce que ça changerait ?

— Qu’est-ce que tu fous à moitié à poil sur mon lit ?

— Qu’est-ce que tu fous avec une gamine deux fois plus jeune que toi ?

— Je profite. Comme toi. On part visiblement sur de bonnes bases. Rhabille-toi et dégage. Réveille là si ça te chante. J’ai déjà suffisamment d’emmerdes avec une.

— Et j’appelle mes parents pour me récupérer ? Ton adresse ?

— Nom de dieu …

— J’ai soif, tu m’offres à boire ?

— Je t’attends en bas.

Ellie continuait sa nuit et j’avais mal de la voir si vulnérable. Sa copine était con ou mal lunée, voire les deux, et l’envie de l’avoiner faisait son chemin.

J’avais un furieux besoin de me mettre dans le nez tout ce que Charles m’avait filé. De finir à poil dans la rue et d’attendre que les flics, ainsi que Nina et Pierre viennent me cueillir. J’étais aussi contrarié que fatigué et l’idée de m’endormir pour toujours me redonnait du baume au cœur. Avec un peu de chance, les parents de l’autre demeurée étaient journalistes et aussi barrés que leur gamine. J’aurais plus qu’à lire depuis ma cellule des papiers sur moi truffés de fautes de syntaxe dressant le portrait d’un enfant de pute. Les autres taulards me mettront vite sur la gueule, car les pointeurs prennent en premier. D’ici peu de temps, plus personne ne se souviendra de moi.

Laura me rejoint au salon, elle ne s’était pas rhabillée. Ellie avait dû lui laisser entendre à quel point j’étais niais.

— Scotch ?

— Double.

— Bah voyons.

Je nous servis deux verres la mort dans l’âme. Je mis de la musique de merde n’arrivant pas à me décider et balançais le sachet de coke sur la table.

— T’es grande, t’en veux ?

— J’ai déjà la mienne. Fais-moi goûter voire, sûr que mes plans sont meilleurs.

Putains d’abrutis, je partais dans une compet’ de came à 4h du mat’ avec une gamine insolente. Ce coup-ci je touchais le fond.

— Ça ira. Prends ta merde et fous-moi la paix.

— Je t’en fais une ou deux alors ?

— Jamais vous n’avez un minimum de respect pour vos ainés ?

— En quoi te sens-tu plus mature que nous ?

— …

— Alors ?

— Le fait de payer seul mon loyer ? Tu m’emmerdes. Balance ta daube, un verre et dodo.

— Tu tapes avant de dormir ?

— Je tape en espérant que tu te casses.

— Ouais, bah t’es mal tombé.

— Magnifique.

L’idée d’appeler Sonia en renfort me traversa l’esprit. C’était sans doute la seule personne assez zen et compréhensive pour me sortir de ce guêpier. J’avais espoir qu’elle baise salement Laura et vienne ensuite me réconforter. La testostérone m’avait quitté, ma queue prenait la tangente et semblait vouloir se planquer. Laura mit huit lignes sur la table. Elle se débrouillait plutôt bien.

— Voilà. Me dit-elle. On a un peu de temps devant nous maintenant.

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