Chapitre 8 : Hors protocoles

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On mit une bonne heure à se préparer. Nerveuses à l’idée de rencontrer à nouveau les Dames de compagnie de ma sœur, mes mains étaient moites. Célestina le remarqua et attrapa l’une d’elle. Sur le chemin de son salon privé, elle tentait de me rassurer.

— Prête ? me demanda-t-elle une fois devant la porte.

— Oui.

Nos servantes ouvrirent la porte et on entrait. Célestina ne lâcha jamais ma main.

— Vos Altesses nous saluèrent les deux femmes.

— Bonjour, mademoiselle de Nivière. Bonjour Mademoiselle de Résumat. Je vous présente officiellement ma sœur, la Seconde princesse Eva, commença Célestina.

— C’est un honneur, Votre Altesse, me saluèrent-elle d’une révérence.

— Mais bien sûr, ne puis-je m’empêcher de répliquer. Il n’y a même pas une semaine, ma présence aux côtés de Célestina vous indignait et aujourd’hui c’est un honneur ? Vous êtes aussi hypocrite l’une que l’autre.

— Eva !

— Oh ça va, soupirais-je. Je ne dis que la vérité. Du jour au lendemain, juste parce que je suis devenue Princesse, on me lèche les bottes. Pourquoi crois-tu que j’aie demandé d’avoir Aurélie en Dame de compagnie ?

— Elle est la vicomtesse de Combronde et…

— Non. Parce que c’est la seule à pouvoir me dire merde. La seule à avoir assez d’audace et à ne pas seulement me considérer comme la Seconde Princesse.

— Était-ce vraiment une bonne idée de devenir Princesse ? Cette vie ne semble pas te convenir.

— Je pense que si, justement. Au moins maintenant, j’ai une famille.

Ayant été appelée pour former les deux nouvelles servantes, Giselle entra dans la pièce. Quand elle remarqua le malaise présent dans la pièce, elle se tourna vers moi et croisa les bras.

— Pourquoi ça devrait toujours être ma faute ? réagissais-je.

— Oh, mais je n’ai rien dit. Maintenant je sais que c’est encore toi le problème. Que s’est-il passé ?

— La Seconde Princesse use d’un langage inapproprié pour son rang, avoua Mademoiselle de Nivière.

Sans que je ne puisse répondre, je reçus une tape sur la tête et le regard furieux de ma mère adoptive.

— Mais qu’est-ce que je vais faire de toi ? Es-tu donc incapable de te tenir ? Pourquoi ne prends-tu pas exemple sur la Princesse Célestina ?

— Pour être soumis à divers protocoles ridicules ? Non merci. Excuse-moi Célestina, mais…

— Je comprends, ne t’inquiète pas, répondit ma sœur.

— Eva, soupira Giselle.

— Je sors.

Plus rapide que moi, Morgane ouvrit la porte pour me laisser sortir. Elle et Giselle me suivirent jusque dans les jardins.

— Chérie, tenta Giselle en posant sa main sur mon épaule.

Pourtant je me dérobais. Peut-être que Célestina avait raison. Que ce n’était pas une vie pour moi. J’avais envie de la croire, elle qui connaissait mieux que moi la vie de Princesse. Mais en même temps, c’était en devenant la Seconde Princesse que j’avais retrouvé ma mère.

— Eva, parle-moi.

— Laisse-moi.

— Lila Evans ! s’énerva-t-elle.

Ce nom de famille, ça faisait tellement longtemps que je ne l’avais pas entendu. Ce nom que Giselle m’avait donné à mon arrivée au palais en même temps que mon prénom. Ce nom, qui était aussi le sien. L’entendre à nouveau m’obligea à m’arrêter.

— Maintenant tu vas arrêter de faire l’enfant et tu vas me suivre.

— Mais…

— Et tu vas m’écouter une bonne fois pour toutes !

Ne me laissant pas le choix, elle attrapa ma main et m’obligea à la suivre. Une fois dans ses quartiers, elle me fit asseoir sur le lit et demanda à Morgane de faire venir l’Impératrice. On attendit pendant une dizaine de minutes, toutes les deux les bras croisés.

— Puis-je savoir pourquoi j’ai été appelé d’urgence ? commença ma mère, visiblement en colère.

— Eva ne cesse de faire des siennes.

— Ce n’est pas vrai !

— Silence ! intervint ma mère.

Honteuse, je baissais les yeux sur mes mains. Giselle expliqua toute la situation à l’Impératrice qui ne cessait de me fixer avec un regard noir. Quand tout fut expliqué, Giselle me laissa entre les mains de ma mère. Celle-ci attrapa ma main et je dus la suivre jusque dans une pièce que je ne connaissais pas. C’était un tout petit salon privé, simplement décoré.

— Qu’est-ce que je vais faire de toi ? Tu ne peux pas te comporter ainsi, Eva ! Tu es la Seconde Princesse maintenant. Tu te dois d’agir en conséquence.

— Ce n’est pas ma faute si…

— Je ne t’ai pas autorisé à parler ! À partir de demain, tu suivras des cours d’étiquette. Et tu as intérêt à écouter ta professeure. Me suis-je bien fait comprendre ?

— Oui, mère.

Elle s’approcha ensuite et me prit dans ses bras.

— Je sais que ce n’est pas simple pour toi, chérie. Ne prends pas ça comme une punition, mais comme un moyen de t’intégrer. Je ne sais pas de quoi serait capable ton père si tu n’entrais pas dans ses cases.

— Sauf que je sais déjà que je n’y entrerais jamais.

— Essaie de faire un effort. Pour moi, comme pour ta sœur. Tu peux faire ça ?

— D’accord.

Elle s’éloigna et déposa un baisé sur mon front.

— Ici, c’est mon salon privé. Aucun domestique n’a droit d’entrer. Si tu as besoin d’un moment seul, pour souffler ou pour faire quoi que ce soit d’autre, n’hésite pas à venir.

— Merci.

Quand elle sortit du salon, je m’effondrais sur le canapé. Je comprenais à la fois Giselle et l’Impératrice. Elles voulaient me protéger de l’Empereur. Nous savions tout ce qu’il ferait si je ne correspondais pas à ses attentes. Mais en même temps, j’avais toujours vécu libre et seule. Être si subitement obligé de suivre à la lettre des procédures, des règles de bienséance que j’avais toujours trouvé futiles, ce n’était pas simple.

Dès que je fus plus calme, je retournais dans la chambre de Célestina. Étant seule, j’en profitais pour me changer, pour mettre une robe plus confortable. Je défis aussi ma coiffure pour en faire une simple queue de cheval. Morgane voulut m’aider, mais je refusais. Je lui demandais seulement de m’apporter de quoi grignoter un peu. Je restais plus de deux heures, seule dans la chambre, à lire un livre. Quand Célestina entra, je me fermais mon livre et me redressais sur le lit.

— Morgane, Caroline, sortez !

— À vos ordres, Votre Altesse.

Dès que la porte fut refermée, Célestina s’assit à côté de moi.

— Je ne te comprends pas, Eva. Tu as choisi toi-même de devenir la Seconde Princesse et pourtant, tu fais comme si tu en étais obligé.

— J’ai pu trouver en famille en devenant Princesse, mais… c’est vrai que c’est beaucoup de contrainte pour moi. Et puis il y a l’Empereur…

— Qu’est-ce qu’il se passe avec mon père ?

— Et bien…

— Tu peux tout me dire, Eva.

— Tu n’as pas entendu, mais le premier jour, il m’a menacé. J’aurais beau faire tous les efforts du monde pour qu’il m’accepte, ça n’arrivera jamais. Il ne me considèrera jamais comme la Seconde Princesse. Je ne dois rien attendre de lui, ni respect, ni attention, ni trône. Ce sont ses termes.

— Eva, soupira-t-elle. Je suis sûr qu’il a dit ça uniquement parce qu’il ne te connait pas.

— Sérieusement ? Tu crois vraiment à ce que tu es en train de me dire ? Tu le connais mieux que moi. Tu sais qu’il ne se préoccupe de toi uniquement parce que tu es son héritière.

— Je ne peux malheureusement pas le nier.

— Si je dois tout faire pour m’adapter, ce serait uniquement pour toi et mère. Je ne ferais jamais rien pour lui parce que je sais que je n’aurais jamais rien en retour.

— Je comprends et je ne peux le défendre. Mais je ne veux plus que tu te comportes comme tu l’as fait avec mes dames de compagnie.

— Excuse-moi.

Honteuse, je baissais la tête. Ma sœur me serra dans ses bras. Je savais que j’avais beaucoup de choses à apprendre pour ne pas déshonorer Célestina et l’Impératrice. Elles avaient accepté de me recueillir, de me soutenir. Je ne devais pas les décevoir.

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