Chapitre 6 : La Princesse Eva

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Alors que la soirée se termina enfin, et que je discutais avec Célestina, l’Impératrice s’approcha avec un grand sourire.


— Tu as été incroyable ce soir, Eva.

— Merci, Mère. Mais…

— Peut importe ce que t’as dit ton père, reste qui tu es. Ne change pas juste parce que tu es princesse.

— Je vous promets de faire en sorte qu’elle reste elle-même, enchaîna Célestina.

— Est-ce que ça vous dérange de dormir toutes les deux, le temps que la chambre d’Eva soit rénovée ?

— Avec plaisir, répondit ma sœur. Et puis, tu connais déjà ma chambre.

— Faisons comme ça alors, ajoutais-je.

— Merci les filles. Demain, nous irons toutes les trois chez ma couturière, pour qu’elle puisse te faire une garde de robe digne de la princesse que tu es désormais.


Elle nous embrassa chacune notre tour puis partit se coucher. Célestina glissa sa main dans la mienne et on quitta alors la salle de bal. En silence, on retourna dans sa chambre. J’allais dormir dans son lit, avec elle, pour la première fois, alors qu’elle avait toujours été si près de moi.


— Je te laisse le choix. Soit je te prête une chemise de nuit, soit, tu garde ton… enfin ce que tu as l’habitude de porter.

— Mon pyjama quoi, rigolais-je. Tu es sûr que ça ne te dérange pas ?

— Mais tu fais bien ce que tu veux, enfin ! Je ne suis personne pour te dire ce que tu dois porter ou non.

— Merci.

Je me dépêchais de récupérer mon pyjama, super confortable avant de retrouver ma sœur.

— Heu… Célestina, comme tu n’as pas de nouvelle servante…

— Tu veux m’aider ? Si ça peut te faire plaisir, je t’en pris. Je n’arriverais pas à enlever cette robe seule de toute façon.


Je posais mon pyjama sur son lit et commençais à défaire sa robe. Peu de temps après, Giselle entra et pris ma place, à mon grand mécontentement.


— Ce n’est plus à toi de faire ça, Eva.

— Mais…

— A la douche, vite.

— Okay okay, j’ai compris, m’avouais-je vaincue en levant les mains.


Ma robe étant plus facile à enlever, Giselle commença par moi pour que je puisse ensuite aller prendre ma douche seule. Étant désormais Princesse, je me doutais que ma future servante devrait m’accompagner même durant ma toilette. Allais-je réussir à la convaincre que je souhaitais me laver seule, profiter de mon intimité ? Après une douche rapide, mais revigorante, je sortis de la salle de bain, les cheveux mouillé, vêtu de mon pyjama et Célestina prirent ma place.


— Sérieusement ? m’interrogea Giselle.

— Quel est le problème ?

— Tu comptes vraiment dormir dans le lit de la princesse avec ton pyjama poisseux ?

— Mais il est très propre ! Je l’ai lavé hier, pour information.

— Dépêche-toi d’enfiler ça.

— Non, la défiais-je, comme j’aimais le faire.

— Eva…

— Célestina à dit que je pouvais le garde. Je le garde.

— Tête de mule.


Elle s’approcha et tenta de me l’enlever avant que notre bataille se termine en guerre de chatouille. Mais j’étais trop sensible pour gagner. Quand Célestina sortit de la salle de bain, après avoir profité d’une douche en solo, Giselle m’avait immobilisé par terre et je ne pouvais plus retenir mes rires. Quand elle me lâcha enfin, je tentais de reprendre mon souffle et aperçus ma sœur sourire.


— Si vous voulez prendre le dessus sur elle, sachez qu’elle est très chatouilleuse, Votre Altesse.

— Non, mais ho ! Vous n’avez pas le droit de révéler mon point faiblit à tout va !

— Qui aime bien châtie bien, ma chérie.


Je lui tirais la langue et on se mit toutes les trois à rire. Elle aida Célestina à revêtir sa chemise de nuit puis nous laissa. Ma sœur s’installa dans son lit puis m’invita à la rejoindre. Nerveuse, j’hésitais un moment, jusqu’à ce qu’elle attrape ma main pour m’obliger à m’installer à mon tour.


— De quoi as-tu si peur, petite sœur ? m’interrogea-t-elle d’une voix douce.

— C’est la première fois, depuis si longtemps que je dors avec quelqu’un. Depuis… l’orphelinat en fait.

— Je suis certaines que ça va bien se passer. Tu vas dormir comme un bébé. Et il n’y aura personne pour nous réveiller demain matin. Sauf peut-être, maman, rigola-t-elle.

— Pour ma garde-robe ? Surement, oui.

— Tu me fais confiance ?

— Bien sûr.

— Allonge-toi sur le dos et ferme les yeux. Respire lentement. Écoute attentivement les battements de ton cœur pour le ralentir.


M’exécutant, je finir par voir, sous mes paupières, le parc de mon enfance. Alors que ma sœur passait un bras sous ma tête et l’autre autour de ma taille, je réussis à m’endormir.


———


En sautillant, j’avançais le long de la rue gravillonnée qui menait au cabinet du médecin de l’orphelinat. Clément m’avait offert un magnifique bouquet de fleurs, cueilli dans le jardin, juste avant que je parte à mon rendez-vous. Le cabinet était juste à côté, ce qui me permettait d’y aller seule. J’allais enfin connaitre mes origines, savoir si le médecin avait réussi à trouver ma famille. Peut-être que grâce à cette réponse, j’allais enfin pouvoir être adopté.

Alors que j’approchais gaiement de la petite maison, j’entendis un coup de feu qui me glaça le sang et m’immobilisa. Mes bras étaient pendus le long de mon corps, j’avais perdu tout sourire et mon cœur battait la chamade dans ma poitrine. Après quelques secondes qui me parurent une éternité, mes pieds réussirent enfin à avancer. C’est en courant que je finis le chemin jusqu’au cabinet du médecin. C’est en hurlant son nom que j’entrais dans la maisonnette. C’est les mains tremblantes, que je l’aperçus au milieu de son bureau, au sol, recouvert de sang. Je l’entendis tousser, il vivait encore et courut vers lui, ignorant le sang qui se répondait sur le sol, tachant mon pantalon.


— D… docteur ?

— Margot… tu… ils étaient là pour toi.

— Qui ?

— Tu dois fuir. Cours le plus vite possible et ne reviens jamais.

— Pourquoi ? Mes amis sont ici et…

— Tu es la Seconde Princesse, Margot. Tes… tes parents sont l’Empereur et l’Impératrice.

— Non, je ne vous crois pas.

— Garde ce papier précieusement, quoi qu’il arrive. Ils ne doivent pas te retrouver.

— Mais…

— Va-t’en ! Pars avant qu’il soit trop tard !


Aveuglé par les larmes, j’attrapais le papier, me cognais contre la porte en voulant l’ouvrir et courus plus vite que jamais. Ma vie dépendait-elle vraiment d’un simple bout de papier ? Mon cœur me faisait mal. À bout de souffle, mes poumons me brulaient. Mais je ne pouvais pas m’arrêter. Je courus jusqu’à épuisement. Jusqu’à tomber de fatigue au coin d’un arbre.


———


— Eva ! Eva, réveille-toi !


Quand je parvins enfin à ouvrir les yeux, Célestina était à côté de moi et me secouait les épaules. Sans la moindre explication, je courus jusqu’aux toilettes, où tout mon repas de la veille partit dans la cuvette. Ma sœur arriva ensuite et attrapa mes cheveux. Quand mes nausées se calmèrent, elle me tendit une serviette puis me serra contre elle, dans ses bras.


— Ce n’était qu’un cauchemar, petite sœur. Tu es en sécurité.


Dans ses bras, mes larmes explosèrent. Si j’étais restée, si j’avais couru en direction de l’orphelinat pour aller chercher de l’aide au lieu de fuir, il serait peut-être toujours en vie. Alors que je revoyais son sang sur mes mains, les nausées reprirent et je me penchais à nouveau au-dessus des toilettes.


— Gardes ! hurla-t-elle alors pour qu’ils l’entendent.


Moins d’une seconde plus tard, les deux soldats chargés d’assurer sa protection entrèrent dans la chambre, armée.


— Votre Altesse ? Que se passe-t-il ?

— Aller chercher le médecin, et ma mère. Vite !


Tandis que l’un deux se précipitait à l’infirmerie, le deuxième s’approchait de nous. Il déplaça délicatement Célestina pour prendre sa place. Il me fit un rapide chignon et déposa la robe de chambre de ma sœur sur mes épaules.


— Que pouvez-vous me dire, Votre Altesse ?

— Elle criait dans son sommeil alors j’ai essayé de la réveiller. Elle a couru aux toilettes et s’est effondrée en larmes dans mes bras.

— Combien de fois a-t-elle déjà vomi ?

— Deux fois.

— Nous nous occupons d’elle. Vous pouvez retourner vous coucher si vous voulez.

— Non. C’est ma sœur, je reste avec elle.


Alors que les nausées reprirent, Célestina s’approcha à nouveau et me frotta le dos. Je restais au-dessus de la cuvette jusqu’à l’arrivée du médecin qui me fit transporter à l’infirmerie. Le soldat qui était resté auprès de moi me porta puis m’allongea sur le lit médicalisé peu de temps avant que ma mère ne nous rejoigne.


— Que s’est-il passé ? s’inquiéta-t-elle.

— Je vais faire des examens, Votre Majesté. Mais je ne pense pas que ce soit bien méchant. Il semblerait que la Princesse ait fait un mauvais cauchemar, qui lui a retourné l’estomac.

— Mon bébé, soupira-t-elle. Célestina, va te préparer. J’ai besoin que tu ailles en ville, prévenir la couturière que nous ne viendrons que cette après-midi.

— Vous êtes sûr qu’elle ira mieux ?

— Quelques heures de sommeil de plus et ça devrait passer, répondit le médecin.

— Je veille sur ta sœur.

— Merci mère.


Allongé sur le lit, alors que j’entendais ma sœur partir, je me recroquevillais. Quand je sentis ma mère s’allonger dans mon dos, mes larmes reprirent de plus belle. Elle glissa un bras sous ma tête, l’autre autour de ma taille et jouait avec mes cheveux.


— Je suis là ma chérie. Tu n’as plus rien à craindre.


La mère que j’avais toujours voulue, étant enfin là, je me retourner dans ses bras.


— Parle-moi.

— Le jour où j’ai su qui j’étais expliquait en tremblant, le médecin de l’orphelinat a été assassiné. Je devais aller le retrouver, pour savoir, mais… j’ai entendu le coup de feu. J’ai vu… tout ce sang alors qu’il était encore en vie. Il m’a dit de fuir, de ne jamais revenir et c’est ce que j’ai fait. Mais si j’avais couru dans l’autre sens… j’aurais pu le sauver, mère. J’aurais pu…

— Calme-toi ma chérie. Tu étais bien trop jeune pour faire quoi que soit. Le temps que tu ailles chercher de l’aide, il serait sans doute déjà mort. Ou tu aurais été attrapée avant. Ce médecin, il t’a sauvé la vie. Pour que tu puisses me revenir.

— Mais c’était il y a sept ans. J’ai passé sept ans, juste ici sans jamais rien vous dire alors que vous m’avez cherché toutes ses années.

— Tu ne pouvais pas savoir. Tu ne savais pas de quel côté était ceux qui ont tué ce médecin. Essaie de te rendormir un peu, on sortira cette après-midi.


Dans les bras de ma mère, comme aux côtés de ma sœur, j’étais à la fois rassurée et apaisée. Comme hier soir, avec Célestina, je parvins à m’endormir rapidement.

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