Chapitre 4 : Giselle

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Dans cette minuscule cellule privée de lumière, je ne vis pas le temps passé. Ce fut Giselle, la gouvernante du palais, mais aussi celle qui m’avait recueilli qui me sortit de ma prison.


— Ma chérie, qu’est-ce que tu as bien pu faire pour finir ici ? Suis-moi, tu es libre.


Elle me tendit sa main et m’aida à me relever. Elle entoura ma taille de son bras pour m’aider à marcher jusqu’à ses quartiers privés. Elle me fit couler un bain chaud et m’invita à m’y installer. Parmi tous les employés du palais, elle était la seule à posséder une baignoire. Tandis qu’elle me frottait les cheveux, elle me questionna.


— Qu’est-ce qui s’est passé ma grande ? Pourquoi l’Empereur est autant en colère contre toi ?

— J’ai dit la vérité à la Princesse et à l’Impératrice. Elles savent qui je suis vraiment. Durant le goûter de la Princesse, elle m’as invité à me joindre à elles pour boire le thé. Mais l’Empereur, qui a eu vent de notre sortie nocturne ce matin, est arrivé furieux et il m’a aperçue assise à côté de la Princesse.

— Il va falloir apprendre à être discrète, ma chérie.

— Célestina voulait dire la vérité à ses Dames de compagnie. J’étais en train de lui dire que j’étais d’accord.

— Si l’Impératrice est au courant, que t’a-t-elle dit ?

— Elle me laisse choisir. Rester comme maintenant, ou devenir officiellement sa fille.

— Et toi, qu’est-ce que tu veux ?

— Je ne sais pas.

— Ce n’est pas une décision simple, n’est-ce pas ? Es-tu prête à abandonner ce qu’il se passe dans ton cœur ? À ce qu’elle devienne ta sœur ?

— Ce n’est pas….comment vous savez ?

— Je sais tout de toi ma chérie. Je te connais comme si j’étais ta mère.

— Mais vous êtes ma mère !

— Non ma grande. L’impératrice est ta mère. Je ne suis que celle qui t’a recueilli et a veillé sur toi.

— Arrête d’être aussi têtu que moi, rigola-t-elle.


Alors qu’elle entourait mes épaules de ses bras, mouillant le haut de sa tunique, je rigolais. En réalité, j’avais menti à tout le monde, même à Célestina. Giselle était celle avec qui j’avais eu la chance de pouvoir parler toutes ces années. Elle était celle qui avait su être là au bon moment, écouter mes caprices, retenir mes colères, me sermonner, mais surtout me remonter le moral. Elle était la mère que j’avais voulu avoir dans la rencontrer. Elle était celle à avoir su qui j’étais dès le début et elle m’avait tous de même fait confiance. Elle était au service de la famille impériale depuis trente ans et elle avait recueilli une pauvre orpheline comme moi, qui prétendais être la Seconde princesse. Elle n’avait jamais douté de ce que je lui avais affirmé le jour où j’étais entrée au palais.


— Merci Giselle. Pour tout ce que vous avez fait pour moi.

— C’est normal, ma chérie. Tu es la fille que je n’ai jamais pu avoir.

— Je vous aime.

— Ne dis pas ça à la légère, Lila, soupira-t-elle.

— Mais je suis sincère !

— Je t’aime aussi, ma grande. Maintenant, sors du bain avant de fondre.

— Pff, je ne suis pas en sucre.


Je me levais et elle m’entoura d’une serviette chaude. Je sortis de la baignoire, me séchais et revêtis des vêtements propres. Je m’assis devant sa coiffeuse et la laissais faire. Elle sécha rapidement mes cheveux avant de me coiffer. Quand elle eu fini, je voulus partir retrouver Célestina, mais la porte était fermée à clé.


— Excuse-moi Lila, mais je ne t’autorise pas à sortir d’ici.

— Je ne comprends pas.

— J’ai passé un accord avec l’Empereur. Ta sanction, c’est des restés ici pendant une semaine. C’est mieux que les cachots.

— Une semaine ? Mais la princesse…

— Quelqu’un a déjà pris ta place.

— Tout ça parce que je me suis assise à côté d’elle ? C’est vraiment n’importe quoi.

— Calme-toi ma chérie. C’est juste le temps que la colère de l’Empereur de calme. On fait ça pour te protéger.

— Qui ça, on ?

— À ton avis ?

— J’ai compris. J’attendrais sagement ici que ma sanction se termine.

— Profites-en pour réfléchir à la proposition de l’Impératrice.


Elle déposa un baisé sur mon front puis quitta ses quartiers pour retourner travailler. Elle s’assura de bien refermer la porte à clé. J’étais certes enfermé ici, mais c’était mieux qu’être dans les cachots. Au moins, dans les quartiers de Giselle, j’avais une baignoire, un frigo bien rempli, mais surtout ma propre chambre, plus grande et confortable que mon placard. Étant obligée de rester ici, je retournais dans cette chambre restée vide depuis quatre ans. Dans le faux fond de mon armoire, je retrouvais les vieux livres que j’aimais tant. Ceux que Giselle m’avait offerts à chaque anniversaire et que j’avais lus des centaines de fois. N’ayant rien à faire, je récupérais mon préféré et m’installais sur mon lit pour commencer à le lire. Absorbée par ma lecture, je ne vis pas l’heure passée. Je m’arrêtais quand Giselle m’appela pour dîner.


— Comment c’est passé ta journée ? Tu as mangé à midi ?

— Heu….

— Lila ! Comment bien de fois je t’ai dit de faire attention à ton alimentation ?

— Excusez-moi. Je ferais attention cette semaine, je vous le promets.

— Tu dois faire attention, ma grande. Surtout si tu décides de devenir Princesse. Tous les regards seront braqués sur toi et ta silhouette. Tout le monde jugera le moindre de tes fait et geste.

— Et si je n’en ai pas envie ? Je vis auprès de Célestina, je vois bien à quel point elle est malheureuse. Je ne sais pas si j’ai envie de perdre ma liberté, d’être une princesse malheureuse comme elle.

— Toi seule décideras de la vie que tu veux mener. Que tu deviennes princesse ou non, ça ne changera rien. Tu es qui tu es, et je sais que tu ne changeras jamais. Tu me ressembles trop pour entrer dans le moule.


Elle me tendit mon assiette et je commençais à manger, mon ventre criant famine. Passer une semaine enfermée chez ma mère adoptive, c’était comme des vacances forcé. Je ne pouvais sortir prendre l’air dans les jardins, je ne pouvais ni voir Célestina, ni l’Impératrice. J’étais obligé de lire et de tourner en rond, entre ma chambre et le salon. Quand la semaine se termina enfin, c’est Célestina qui entra, alors que je lisais, avachi sur le canapé du salon.


— Bonjour Lila, commença-t-elle intimidée.

— Bonjour. Hum… tu veux t’asseoir ?

— Avec plaisir, répondit-elle en souriant.


Je me décalais pour qu’elle puisse s’asseoir à mes côtés. La situation était très tendue. L’une comme l’autre, nous étions nerveuses et aucune ne savait quoi dire.


— Comment c’est passé ta semaine ? tentais-je tous de même.

— C’est différent sans toi à mes côtés. Ta remplaçante, je ne l’aime pas du tout. Et toi ?

— Je me suis occupée comme j’ai pu. J’ai lu et j’ai tourné en rond.

— Giselle m’a dit que tu avais ta propre chambre ici.

— Tu veux la voir ?

— Vraiment ? C’est ton intimité, je ne veux pas…

— Suis-moi.


Instinctivement, j’attrapais sa main et la conduisis jusqu’à ma chambre. Je m’assis sur mon lit et la laisser regarder, inspecter les moindres recoins et sourire en découvrant la montagne de peluche que j’avais.


— Oui, ajoutais-je avant elle. Giselle m’en offrait une très régulièrement.

— Ils sont mignons.

— Certains font peur aussi, rigolais-je.

— Tu m’as manquée cette semaine, avoua-t-elle. Heureusement que Giselle à réussi à convaincre mon père. Je n’aurais pas pu supporter de te savoir en bas sinon.

— Je vais bien, c’est tout ce qui compte.

— J’ai une demande à te faire, enchaîna-t-elle en s’asseyant à côté de moi.

— Je t’écoute.


Gênée, sa main se retrouva à nouveau derrière son cou. Elle regarda le sol pendant de longues minutes avant de relever la tête vers moi et d’attraper mes mains dans les siennes.


— Demain, il y a un bal. Je ne sais pas si tu t’en souviens.

— Ah oui, c’est vrai.

— J’aimerais que te me donne ton choix demain. Ce que je te propose, c’est que si tu souhaites devenir ma sœur, tu fasses ton entrée à la Cour durant ce bal. Si tu ne veux pas, il ne se passera rien de plus et tu n’y seras qu’en ta qualité de servante, comme d’habitude.

— Je n’ai pas encore pris ma décision.

— Je comprends totalement. J’aimerais beaucoup que tu m’accompagnes à se bal, mais en même temps, je connais la dure loi de la Cour, toi non. Je me dois d’être réaliste, tu n’es pas prête, même si tu décidais de devenir ma sœur.

— J’y réfléchir sérieusement et de te donner ma réponse demain.

— Choisi en fonction de ce que tu as envie. Pas parce que j’ai envie que tout le monde sache que j’ai une sœur ni que j’ai envie de t’avoir à mes côtés. Uniquement ce que toi tu veux, c’est très important.

— Je te le promets.


Délicatement, elle déposa un baisé sur mon front, se leva et commença à s’éloigner avant de se retourner vers moi.


— Ce soir, tu dors encore ici. Mais soit dans ma chambre à neuf heures précises.

— Oui, Votre Altesse.


Quand elle s’éloigna, je me retrouvais seule à face à mes doutes. J’avais envie d’une vie meilleure, aux côtés de celle qui comptait pour moi. Mais en même temps, étais je prête à devenir Princesse et assumer toutes les conséquences et les responsabilités de ma décision ? Étais-je prête à perdre une partie de ma liberté, à vivre la même vie que Célestina, constamment surveillée ? Où avais-je simplement envie de rester moi ? De bénéficier de l’amour secret d’une mère et d’une sœur qui me protégeraient quoi qu’il arrive. J’étais au pied du mur et il ne me restait que quelques heures pour choisir la voie que je voulais emprunter. Celle qui allait, ou non, changer ma vie à tout jamais.

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