Chapitre 2 : La vérité dévoilée

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Ce matin, ce fut Célestina qui me réveilla à l’aube. Vêtue d’une robe grise sans artifices et d’une cape de la même couleur, elle me tendit la même chose, en plus d’un masque.


– Je me suis arrangé avec l’un de mes soldats. Il nous accompagnera dans un endroit sûr et ne dira rien à mes parents. On peut lui faire confiance, c’est un ami d’enfance. Enfile ça, dépêche-toi.


Ne me faisait pas priée, j’enfilais la robe, la cape et mis le masque. Elle glissa sa douce main dans la mienne et on sortit discrètement du palais, accompagnée par le soldat habillé en civil. On monta dans une voiture des plus discrète jusqu’à un casino. Le soldat discuta avec une femme à l’accueil avant de nous faire signe. On lui suivit jusque dans une pièce insonorisée.


– Voulez-vous boire quelque chose, Votre Altesse ? la questionna le soldat

– Avec plaisir oui.


Dès qu’il sortit et que la porte fut fermée, Célestina retira son masque et sa cape. Suivant son exemple, je fis de même et elle s’assit à côté de moi.


– On pourra discuter tranquillement ici.

– Votre Altesse, commençais-je d’une voix rouillée.

– Prends ton temps. Ça fait si longtemps que tu n’as pas parlé.

– Je suis sincèrement navrée de vous avoir menti toutes ses années, mais…

– Je comprends Lila, ne t’inquiète pas.


Le soldat frappa à la porte pour nous apporter nos boissons avant de repartir, nous laissant seules. Célestina attrapa mes mains dans les siennes. Ses yeux d’un bleu très clair me fixaient. Ses longs cheveux châtain détachés lui tombaient sur les épaules avant de continuer leur course dans son dos. Son visage était long et son nez légèrement rehaussé. Ses lèvres d’un naturel rouge et le teint rose étaient l’expression même de son titre.


– C’est vrai qu’en te regardant de plus près, tu as les mêmes yeux que moi.


Avec son visage si près du mien, je rougis et détourna les yeux. Elle était certes ma sœur biologique, mais elle était avant tout la Première Princesse et l’héritière de l’Empire. Voir plus pour mon cœur même si je m’y refusais.


– Ne baisse pas les yeux devant moi, s’il te plaît.

– Excusez-moi, Votre Altesse.

– Parle-moi de ce test génétique.

– L’orphelinat la fait faire quand j’avais neuf ans, pour essayer de me trouver une famille. Les données biologiques de la famille impériale sont accessibles à tous, comme vous le savez, pour prouver votre descendance. Le médecin qui me la fait a, par hasard, comparé mes résultats aux vôtres et il a conclu ma descendance directe à quatre-vingt-dix pour cent. Il n’en a parlé à personne et m’a donné le document officiel. Mais il est mort quelques jours plus tard.

– Si on refaisait les tests maintenant, il dirait la même chose ?

– Il n’a pas pu se tromper. Je l’ai, étudié moi-même. Avant d’être à votre service, j’ai aidé votre médecin qui m’a appris à le lire, en toute discrétion.

– C’est incroyable.


Elle attrapa son verre et but quelques gorgées de ce qui semblait être de la limonade. Comme elle avait l’habitude de faire, elle tapota ses lèvres à l’aide d’un mouvoir avant de se retourner vers moi. Pendant ce temps, je restais immobile, observant les gestes si délicats qu’elle effectuait.


– Pourquoi es-tu au palais aujourd’hui ?

– Je veux seulement savoir la vérité. Je veux savoir pourquoi mes parents m’ont abandonné. Savoir pourquoi ce médecin as été assassiné.

– Quelle est ta position vis-à-vis du trône ?

– Vous me voyez, moi, Impératrice ?

– Ces temps si, j’y vois tout le monde sauf moi.

– Je ne suis pas là pour ça, Votre Altesse.

– Alors depuis le début, depuis que tu es arrivée au palais quand tu avais dix ans, tu savais que j’étais… ta sœur ?

– Oui.

– C’est pour ça que tu as fait semblant d’être muette et illettrée ?

– Oui. Pour être certaine de ne pas me faire démasquer.

– Pas pour te rapprocher de moi et me prendre ma place ?

– Surtout pas non ! Quand la gouvernante m’a trouvé, j’allais mourir de froid dehors. Tout ce que j’avais en tête, c’était d’approcher votre mère, que je savais plus compréhensive, pour avoir des réponses. Jamais je n’ai pensé à vous utiliser. Pas même quand je suis entrée à votre service.

– Si tu savais le nombre de fois où j’ai prié la Sainte Mère de ne plus être fille unique. D’avoir un frère ou une sœur capable de me comprendre et de me soutenir. Ce que tu as fait ses dernières années en soi.

– Je suis sincèrement désolée de ne vous avoir rien dit avant.


Elle but une autre gorgée avant de me prendre dans ses bras. Son parfum de bonbon remonta dans mes narines et me fit sourire. Elle était la première à savoir qui j’étais et ne me repoussait pas. Elle était la première à m’accepter pour qui j’étais vraiment. Peut-être que mes parents finiraient par faire de même, si ce n’était pas eux les assassins du médecin.


– Je te promets de te protéger, Lila. Que tu deviennes ou non officiellement ma sœur un jour.

– Ce n’est pas ce que je vous demande.

– Je sais, reprit-elle en s’éloignant. Mais je le ferais quand même. Et je vais commencer par demander à ce qu’on te trouve une autre chambre.

– Non, ce serait suspect et…

– Avec tout le travail que tu fais pour moi depuis quatre ans, tu mérites une meilleure chambre.

– Merci, Votre Altesse.

– Tu peux m’appeler Célestina maintenant. En privé du moins. Par contre, est-ce que tu accepterais de refaire le test ? Qu’on le fasse toutes les deux pour écarter…

– J’accepte.

– Allons-y tous de suite alors. C’est juste pour me rassurer personnellement.

– Je vous jure que si on découvrait que ce document était faux, je n’en avais aucune connaissance.

– Je m’en doute, Lila. Une fille de neuf ans n’aurait pu le falsifier. Lila est ton vrai prénom ?

– Non. C’est celui que j’ai choisi après avoir fui. Celui sur le certificat est celui que l’orphelinat m’a donné.

– Margot Marine ? Tu as raison, c’est beaucoup trop simple pour la sœur de la Première Princesse.


Elle rigola à sa blague et je fis de même. Son rire avait toujours été contagieux, mais c’était la première fois que je me permettais de rire ainsi, enfin moi-même.


– Tu as un rire d’enfant, souligna-t-elle. C’est trop mignon. Tu as aussi une belle voix, Lila. J’espère l’entendre plus souvent.


Tandis qu’elle remettait sa cape et son masque, je rougis à son commentaire et fis de même. C’était la première fois que quelqu’un me complimentait ainsi et il fallait que ce soit elle. La première Princesse savait désormais tous de moi ou presque. Je lui avais dévoilé mon plus gros secret et me sentais libéré d’un poids. Ce boulet à la cheville que je traînais depuis huit ans.

C’est soudé et souriant qu’on rentra au palais. Après avoir revêtis nos vêtements respectifs, elle m’emmena voir le médecin impérial. Le seul médecin qui avait signé un contrat de non-divulgation des secrets médicaux avec l’Empereur lui-même. Il avait l’interdiction formelle de dire quoi que ce soit sur ses nombreux patients. Le seul qui pourrait comparer nos ADN dans le plus grand des secrets.


– Votre Altesse Célestina, la salua-t-il. Que puis-je pour vous ?

– Ma servante et moi aurions besoin de vos services, dans la plus grande discrétion.

– Je suis à votre service, Votre Altesse.

– Parfait. Je veux que vous compariez nos ADN. Je veux que vous vérifier que ce document attestant que Lila est ma sœur biologique soit un vrai.

– Attendez, vous n’êtes pas sérieuse ?

– À votre avis ?

– Si vous êtes vraiment celle que vous prétendez, Mademoiselle, je n’ai pas besoin de vos données biologiques, Votre Altesse.

– Pourquoi cela ?

– Attends-moi un instant.


Le médecin se rendit dans une sorte du bureau à l’arrière du cabinet tandis que Célestina et moi nous nous regardions, perplexe. Que savait-il que nous ignorions ? Il revint une dizaine de minutes plus tard avec un dossier à la main.


– Puis-je voir le document en question ? demanda-t-il.

– Bien sûr, lui répondit Célestina.

– Approchez. Ceci est le test de paternité et de maternité fait sur la Seconde Princesse Eva née deux ans après vous, Votre Altesse.

– Vous voulez dire que…

– Que vous avez bien une sœur oui. Et si je regarde le test de votre servante… c’est incroyable.

– Qu’est-ce qu’il y a ? demandais-je, oubliant que le médecin me croyait muette.

– Les deux tests sont identiques à cent pour cent, répondit-il sans relever. C’est bien vous. Je dois prévenir Sa Majesté l’Impératrice que…

– Non ! S’il vous plaît.

– Vous me faites confiance ? Vos Altesses ?


Alors qu’il venait de m’appeler de la même façon que j’appelais Célestina, je fus incapable de prononcer le moindre mot. Alors c’était vrai, j’étais vraiment la fille des dirigeants et la sœur de Célestina ?


– Je vous fais confiance, Docteur.


Il ouvrit la porte et demanda au premier soldat qui passait de faire venir l’Impératrice. Je m’assis dans un coin, aux côtés de ma sœur en attendant qu’elle arrive. Quand la porte s’ouvrit subitement, je me fis toute petite et mon cœur s’accéléra dans ma poitrine.


– Qu’est-ce qu’il se passe ? Célestina, qu’est-ce vous arrives ?

– Je vais bien, mère.

– Son Altesse à trouver ce test génétique dans les couloirs du palais, mentit-il. Je l’ai étudié et il correspond en totalité à celui de la Seconde Princesse Eva.

– Vous voulez dire que… s’étrangla-t-elle. Ma fille est en vie ?

– Ce test remonte à déjà huit ans, mais oui, c’est probable, oui.

– Par la Sainte Mère, soupira l’Impératrice en s’asseyant. Célestina, savez-vous qui a perdu ce papier ?

– Malheureusement non, mais…

– Mais le fait que vous l’ayez trouvé dans nos couloirs… elle est ici, docteur. Mon bébé est ici et en vie. Je dois la retrouver.

– Votre Majesté… tenta le médecin.

– Non, je ne revivrais que quand je l’aurais retrouvé.

– Et si vous ne la retrouvez pas ? Je ne veux pas vous revoir sombrer.

– Ça fait dix-sept ans que je la chercher. Dix-sept ans qu’ils m’ont enlevés mon bébé et vous croyez que je vais abandonné maintenant ? Je retournerais toute la Capitale personnellement s’il le faut. Mais oui… elle a dix-sept ans aujourd’hui, ça limite les recherches. Célestina, je vous charge de me regrouper toutes les jeunes filles de dix-sept cette année dans la salle de bal.

– Votre Majesté ! Calmez-vous !

– Si je la perds une seconde fois, j’en mourais.


Cette phrase, ce fut comme un coup de poignard dans ma poitrine. Elle ne m’avait pas abandonnée, j’avais été enlevée. Elle m’avait cherché pendant dix-sept ans tout en cachant mon existence à l’ensemble de l’Empire comme à sa fille. À côté de moi, Célestina glissa sa main dans la mienne. Comprenant que j’avais enfin retrouvé ma famille, les larmes me montèrent aux yeux. Quand je me mis à pleurer, pour la première fois en huit ans, Célestina me prit dans ses bras et l’Impératrice se calma, son regard fixé sur moi.


– Qu’est-ce que je dois faire ? demandais-je à ma sœur.

– Mais… elle parle ? s’étonna alors l’Impératrice.

– Taisez-vous, pour une fois, s’énerva-t-elle. C’est ta décision, Lila. Je te soutiendrais, peu importe ton choix.

– Ça va trop vite, je…

– Tu as la réponse à ta question. Maintenant tu dois faire un choix. Mère, allez-vous prévenir père ?

– Non. Pas tant que je ne l’aurais pas retrouvé du moins.

– Et si vous la retrouvez ?

– J’aimerais discuter avec elle avant. Lui expliquer le pourquoi du comment. Si votre père apprend qu’elle est ici, il voudra tous de suite prendre en charge son éducation impériale.

– Mais elle n’y sera pas prête, soupira Célestina.

– Nous sommes d’accord. Sur ce papier, comment s’appelle-t-elle ?

– Margot Marine.

– Personne ne s’appelle ainsi au palais. Elle doit avoir changé de nom. Célestina, pourquoi n’êtes-vous toujours pas partie regrouper les jeunes filles ?


Elle ne répondit pas, mais se tourna discrètement vers moi. Déglutissant difficilement, je me levais et m’approchais de ce simple bout de papier qui allait changer ma vie. Celui que j’avais tant chéri toutes ses années.


– Vous êtes sûr de ce que vous dites, Docteur ? Ce papier est authentique ?

– Je pourrais refaire des examens si vous le souhaitez. Mais est-ce vraiment utile ?

– Je le veux. L’homme qui m’a fait ce test a été assassiné quelques jours après.

– Très bien. Je vais avoir besoin de votre salive et de celui de la Princesse ou de l’Impératrice. À vous de choisir.

– C’est… toi ? soupira alors l’Impératrice.

– C’est ce que nous allons vérifier. Célestina ?

– Avec plaisir, comme c’était prévu au début.

– Merci.


Dans le plus grand des silences, le médecin fait ce qu’il avait à faire et compara nos résultats.


– Il n’y a plus aucun doute, Mademoiselle. Vous êtes bien la Seconde Princesse.

– Merci Docteur.


Je respirais un grand coup avant de me retourner. Celles qui étaient désormais officiellement ma sœur et ma mère me regardaient.


– Tu…tu es…

– Ah d’accord, vous me vouvoyez, mais elle, vous la tutoyez ?


Voyant Célestina taquiner sa mère, j’explosais de rire suivi par ma sœur. Encore sous le choc, l’Impératrice ne disait rien. Je riais enfin à cœur ouvert. J’avais enfin trouvé la famille que j’avais toujours voulue. Il allait maintenant falloir que je prenne le temps de la connaître et surtout de découvrir ma place.

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