Chapitre 1

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 Dans la contrée des Elfes, une jeune princesse découvrait le monde. Du haut de ses quatre ans, Arafinwë pourchassait les papillons multicolores sous le regard attentif de sa nourrice. Sa peau claire étincelait d'un reflet bleuté sous le soleil printanier. Elle suivait les déplacements d'un éphémère bleu argenté qui naviguait de fleur en fleur. Il venait de se poser sur une violette juste devant l'enfant. Celle-ci se pencha en avant, les mains sur les genoux. Avec une moue intriguée, elle questionna sa nourrice :

  • Ithae, tu crois qu'il fait partie de ma famille ?
  • Non ! Pourquoi cette question ? s'étonna la jeune femme.
  • Parce qu'il a la peau comme la mienne et celle de maman. Ce doit être le prince des papillons ! supposa-t-elle.

 À ces mots, Ithae explosa de rire. Vexée, la princesse croisa les bras et lui tourna le dos pour bouder dans son coin. Pourquoi riait-elle ? Sa mère lui avait bien expliqué que seuls les elfes à la peau bleue étaient de sang royal. Du bout du pied, elle chassa un caillou qui ressortait du chemin mousseux. Il roula dans un rayon de soleil filtré par le grand chêne en bordure du chemin. Arafinwë trottina à sa suite pour l'examiner de plus près. Une inclusion de quartz étincelait sous la lumière. Cette nouvelle occupation chassa bien vite la moquerie de la gouvernante.

 Alors qu'Ithae ramassait quelques baies pour les faire goûter à l'enfant, une vague de doute et de terreur s'empara d'elle. Elle se tourna dans la direction du village de la forêt, fit quelques pas, et ouvrit son esprit. Ce qu'elle ressentait était effroyable ! La panique assaillait les villageois, et plusieurs de leurs âmes s'envolaient dans la douleur. Les nomades les avaient prévenus : le clan des guerriers noirs partait à la conquête du monde dans un sillon de feu et de sang. Dans la précipitation, elle lâcha son panier, attrapa Arafinwë au vol, et courut en direction du palais royal. Une fois dans l'enceinte, elles seraient à l'abri du danger.

 La princesse crut à un nouveau jeu et riait aux éclats en se débattant. Mais lorsqu'elle vit le visage crispé de sa nourrice et les larmes qui inondaient son visage, elle comprit que quelque chose n'allait pas. L'elfe courait le plus vite possible en coupant à travers les branchages. Les feuilles cinglaient les bras nus de l'enfant qui se mit à pleurer. Ithae se reprochait de ne pas avoir pris un cheval. Elle sentait le danger se rapprocher. Son cœur menaçait d'exploser. Elle avait été choisie pour protéger la pupille royale à cause de son don d'empathie. Si elle faillait à sa tâche, le déshonneur serait sur elle et sa famille.

 Elles arrivaient en vu du château quand l'ennemi leur coupa la route. Un guerrier à la tête d'un groupe de quatre barbares menaçants, faisait tournoyer son épée du haut de son lézard d'attaque. Les hommes attendaient le signal de leur chef tandis que la bête sifflait en fixant les elfes d'un regard vorace. Arafinwë fut terrorisée à la vue du sang sur les babines du reptile et sur les vêtements des soldats. Une peur primale s'empara d'elle. Elle se débattait dans les bras de sa nourrice en hurlant et pleurant. Ithae la serra fort contre son cœur pour la calmer. Elle lui murmura à l'oreille d'une voix douce :

  • Écoute moi Arafinwë ! Par la volonté de la Mère Primordiale, calme ton esprit et ton cœur, chuchota-t-elle. Seul ton courage pourra vaincre ta peur.

 Quelques secondes après son incantation, la jeune elfe s'apaisa. Elle la posa sur le sol, tout en surveillant les moindres gestes des soldats. Elle ordonna à la princesse :

  • Va te cacher dans un terrier au fond de la forêt, comme je te l'ai montré. Attends-moi là-bas ! Et ne discute pas, ajouta-t-elle, anticipant les protestations de l'enfant.

 Elle se redressa et tira une dague de sa ceinture en consolidant ses appuis, et attendit, prête à l'affrontement. Le visage de l'homme s'étira dans un sourire carnassier :

  • Au nom de l'Empereur Timoré Vitiosus, remets-moi la gamine sans faire d'histoires et tu pourras mettre fin à ta misérable existence devant son père avec dignité ! Dans le cas contraire, je me ferais un plaisir de t'étriper juste assez pour que tu puisses apporter la bonne nouvelle au roi Elendil dans d'atroces souffrances.
  • Tu n'auras pas l'enfant tant que je serais vivante ! Hurla Ithae. Mère de toute chose, donnez-moi la force et le courage, que la magie lui fasse barrage ! Scanda-t-elle fermement.

 Une aura verte entoura l'elfe sous le regard médusé d'Arafinwë. Ithae renouvela son ordre, car l'enfant restait immobile, figée par la peur. Elle plongea alors ses yeux verts dans ceux de la fillette :

  • Fais ce que je t'ai dit, appuya-t-elle sévèrement.

 À l'instant où la fille courut vers les bois, le groupe sanguinaire s'élança, mais se heurta à un mur de magie. Le choc fit reculer Ithae. Elle enfonça ses pieds dans la terre et poussa en avant ses bras pour résister à l'assaut. Le lézard était fou de rage, il donnait de grand coups de griffe contre la barrière invisible. L'effort que fournissait l'elfe était épuisant, de la sueur ruisselait sur son beau visage. Elle devait tenir, la lisière était bien loin pour les petites jambes de la princesse.

 Arafinwë courrait aussi vite qu'elle le pouvait, mais le sol irrégulier la faisait trébucher et la ralentissait. Son pied se prit dans un terrier de lapin et elle chuta de tout son long. Elle se releva péniblement. Son regard se tourna vers sa nounou. Son bouclier venait de tomber, elle se battait maintenant avec sa lame courte, esquivant au mieux les coups de hache des barbares. Le guerrier, lui, faisait route vers la princesse. Un cri de terreur s'échappa de la gorge de la fillette. L'elfe faussa compagnie aux fantassins pour se jeter sur le monstre ! Sa vitesse lui donna l'avantage. Elle sauta d'un côté à l'autre de la bête, plantant la lame à chaque occasion. L'animal était désorienté. Il s'agita dans tous les sens, croquant le vide, et balayant l'air. Son cavalier, qui manquait d'être désarçonné, se raccrocha à la selle.

  • Princesse ! Il faut fuir ! Cria Ithae juste avant que la mâchoire du reptile ne se referme sur son bras.

 Les yeux d'Arafinwë s'agrandirent d'horreur. Le lézard secoua l'elfe dans sa gueule comme une vulgaire poupée de chiffon. Celle-ci eue juste le temps de planter sa dague dans l'œil droit du monstre avant de se faire couper en deux par ses dents acérées !

 La princesse se releva et courut vers la forêt, mais il était trop tard. Le guerrier était déjà sur elle. Une patte du reptile lui barra la route. Elle leva les yeux pour voir la tête monstrueuse au-dessus d'elle ruisseler du sang de sa gouvernante. Le guerrier glissa souplement au sol et vint agripper les longs cheveux de la fillette pour la trainer vers sa monture. La gamine se débattit comme une furie, griffant et mordant tout ce qu'elle pouvait. Excédé, il prit le pommeau de son épée et l'assomma. Elle tomba inerte, la face contre le sol. Satisfait, il empoigna le petit corps et rejoignit le reste du régiment.

 Arafinwë se réveilla dans une petite cage de bois, ballotée par le roulis d'un chariot. Sa tête lui faisait horriblement mal, sa bouche était sèche, et elle avait faim. Elle voulut se redresser, mais tout se mit à tourner autour d'elle. Elle se rallongea en pleurnichant. Le convoi s'arrêta au cœur d'un village humain. De sa place, la jeune elfe pouvait apercevoir les habitants cachés derrière leurs rideaux. La tension était palpable. Un des guerriers prit la parole. Elle ne comprit pas ce qu'il disait. Il leva son bras, puis l'abaissa d'un geste vif. C'est alors que des torches enflammées s'envolèrent vers les toits en chaume. Les gens se précipitèrent hors de leurs cachettes comme des souris prises au piège. Les barbares se jetèrent dans la mêlée faisant jaillir le sang sous leurs haches. La jeune princesse, prise d'horreur, ferma les yeux, se roula en boule, et supplia que les hurlements cessent de déchirer ses oreilles. L'enfant était perdue et terrorisée. Elle ne comprenait pas qui étaient ces gens, ni pourquoi elle était enfermée. Elle ignorait même comment elle était arrivée là.

 Parmi les cris, une voix chuchota près de sa cage. La fillette s'immobilisa pour analyser ce bruit ténu du vacarme ambiant. Elle entrouvrit les yeux pour voir un jeune homme en train de couper les liens qui fermaient la cage. La lame émoussée peinait à trancher la corde. Le jeune homme tourna nerveusement la tête à plusieurs reprise pour s'assurer que personne ne le voyait. Il accéléra son mouvement, lorsque une main se posa sur son poignet ! La fillette recula vivement contre les barreaux du fond de la cage. Le soldat explosa de rire alors que le garçon tirait en vain sur son bras pour s'enfuir. D'un geste sec, le guerrier ramena sa prise contre son torse, empoigna son épée, et trancha la gorge de sa victime. Le sang gicla à travers la prison de bois. Sous le choc, l'enfant emprisonna ses genoux de ses bras et cacha son visage en larme. Plus jamais elle ne voulait ouvrir les yeux.

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