Chapitre 2

4 minutes de lecture

 Aux pieds de l'empereur se tenait le capitaine Marcus, de retour de l'expédition chez les elfes. Prosterné, un genou en terre, il attendait que le dirigeant de dix-neuf ans veuille bien lui accorder audience. Le soldat ne l'appréciait guère. Il était arrogant, surtout envers ses ainés. Son père était mort dans des conditions plus que douteuses, mais il devait reconnaître qu'il était un stratège hors pair, un digne descendant des Vitiosus. Le Clan des Guerriers Noirs possédait les hommes les plus grands, les plus forts. Au milieu de toute cette testostérone, Timoré Vitiosus était le spécimen au-dessus des autres, un guerrier redoutable.

 D'un geste lent, l'empereur détourna son regard d'une carte pour fixer le soldat devant lui :

  • Me ramènes-tu ma reine, Marcus ? questionna-t-il.

 Le capitaine ne savait pas comment répondre à cette question, il avait pour ordre de ramener la princesse des elfes, pas une reine.

  • Je t'ai posé une question, dois-je déduire de ton silence que tu as échoué ? insista-t-il.
  • Votre Majesté... hésita le soldat. J'ai capturé et apporté la princesse des elfes.
  • Bien, alors où est-elle ? Je veux pouvoir admirer ma future épouse, dit-il en s'appuyant sur le dossier de son trône en or.

 D'autres soldats entrèrent avec une petite cage en bois. Au centre reposait un petit corps sale. Ils déposèrent l'offrande au bas de l'estrade.

  • Votre grandeur, voici la princesse des elfes, seule héritière de ce peuple, présenta Marcus toujours prosterné.
  • Quoi ! tonna l'empereur. Cette petite créature est la princesse des elfes ? On m'avait promis la plus belle de toutes les jeunes femmes. Et tu me ramènes cette boule puante ? Explique-toi. À moins que tu souhaites finir en repas pour mes lézards de combat...
  • J'ai fait ce que vous aviez exigé, s'empressa de répondre Marcus. Ce n'est qu'une fillette. Elle avait une sœur ainée qui est morte cet hiver d'un mal inconnu. Et j'ai forcé la reine à boire la potion. Le couple royal sera incapable de faire d'autres héritiers.

 Très contrarié, l'empereur ordonna qu'on emmène la gamine aux autres femmes.

  • Qu'on la lave, l'habille, et qu'elle me soit présentée ce soir au dîner.

 Le contact froid de la pierre grise tira la fillette de sa léthargie. Elle n'osa pas bouger, préférant écouter les murmures autour d'elle. À travers ses cheveux sales, elle apercevait les chausses usées des servantes. Il n'y avait plus de barreaux autour d'elle, peut-être pourrait-elle s'échapper quand ces gens regarderaient ailleurs. Les pieds se rapprochèrent d'elle. Elle referma immédiatement les yeux pour qu'ils l'oublient, comme lorsqu'elle était sur la charrette au milieu des soldats. Un seau d'eau glacée fut versé sur le dos de la princesse. Elle bondit sous le coup de la surprise, voulant fuir au plus vite. Des bras l'emprisonnèrent avant qu'elle n'atteigne la porte. Elle se débattit en hurlant. Ses doigts s'enfoncèrent dans les yeux d'une tandis que ses dents se refermèrent sur le poignet d'une autre. L'enfant recouverte d'eau glissait comme une anguille d'une femme à l'autre. Les cris attirèrent un garde. Celui-ci agrippa une cheville et suspendit ce qu'il considéra comme un asticot furieux. De sa main libre, il tira son épée et la plaça sous la gorge de la petite fille. Elle s'immobilisa immédiatement. Elle revoyait les visages et le sang des pauvres gens qui avaient croisés le chemin de ces lames. Le soldat aboya un ordre et une servante s'éclipsa rapidement.

 Après quelques minutes, la domestique revint avec une vieille elfe aux cheveux blancs et un teint parcheminé de rides. On ne pouvait lui donner d'âge, mais on pouvait comprendre que sa vie ne s'étirerait pas très longtemps. D'un geste lent, mais assuré, elle recueillit l'enfant aux creux de ses bras. Celle-ci se blottit contre sa poitrine bienveillante. La voix douce de l'elfe apaisa la princesse.

 L'elfe chantonnait en lavant ce petit être terrorisé. Elle avait eu du mal à la décrocher de son cou. Quand ses doigts passèrent dans les cheveux, elle sentit quelque chose de rugueux. Elle écarta les mèches et vit une croûte de sang séché. Au fur et à mesure que la crasse colorait l'eau du bain, l'aspect royal de l'enfant se dévoila à la vieille elfe. La peau nacrée bleutée trahissait les origines de la fillette. Mais cela faisait bien trop longtemps qu'elle était prisonnière pour qu'elle sache quelle dynastie était en place aujourd'hui, et encore moins le nom de l'enfant. Lorsqu'elle questionna la princesse en la séchant, celle-ci fut incapable de lui répondre et fondit en larmes. Le coup qu'elle avait reçu à la tête avait effacé sa jeune mémoire.

 À l'heure du dîner, l'Empereur Timoré s'impatientait. Il voulait manger en paix, mais la gamine ne lui avait toujours pas été amenée. Qu'allait-il faire d'elle ? C'est au dessert que la vieille elfe arriva avec la petite accrochée à ses jupons.

  • Vitiosus, commença l'elfe. À ta demande, je te présente la princesse des elfes, dit-elle en poussant l'enfant devant elle.
  • Vieille insolente, je t'ai déjà ordonné mille fois de me vouvoyer, s'énerva l'empereur.
  • Je ne te manque en aucun cas de respect, mais mon âge avancé ne me permet pas de passer au vouvoiement face à ta jeune condition. Je ne te crains pas, et je ne crains plus ni la torture, ni la mort.

 Excédé et résigné à la fois, il maudit la vieille carne d'elfe qu'elle était. Il observa la petite. Elle avait de longs cheveux fins bleu nuit. Ses yeux avaient la même couleur. Les traits de son visage promettaient une grande beauté à l'âge adulte.

  • Quel est son nom ? demanda-t-il.
  • Je ne le sais pas. Tes soldats l'ont frappé si fort à la tête qu'elle ne se souvient pas. Et je ne suis pas voyante.
  • Il suffit ! Même si tu ne crains plus rien, je doute qu'un séjour dans les oubliettes soit très confortable pour une vieillarde comme toi. Trouve-lui un nom elfique digne de son rang.

 Le tempérament fort de l'enfant guida la femme dans son choix. Elle ressentait la combativité et le feu en elle. C'était une Guerrière des Flammes.

  • Elle se nomme Athelleen, affirma la vieille elfe.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Sophie Fayt ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0