Dario Motta

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Un jour, un événement extérieur mit brutalement fin à son existence tranquille de musicien intermittent et serein.

Il s'était retrouvé nu, confiné avec sa femme, Marianne, et leurs deux gosses, enfermé dans un enfer domestique que ses pires scénarios n'auraient jamais prédits. Les quatre, coincés dans une petite baraque à Clapiers (analogie renforcée par la forme identique et répétée de tous ces petits pavillons inserés les uns contre autres en quadrillage), il avait découvert ce que c'était de cohabiter sans répis entre des morpions agités et une DRH aux horaires intenables. Il se demandait bien comment elle pouvait tenir sans utiliser aucune substance. A l'époque elle aussi avait bien expérimenté quelques trucs histoire de s'amuser, mais au final elle n'en avait pas tellement vu l’intérêt et s'en trouvait fort aise.

Dario aimait ses gosses. Après tout c'était souvent lui qui s'en occupait les soirs et certains week-ends quand il ne vadrouillait pas avec les équipes techos. Mais les encadrer en continu était un enfer. D'ailleurs il n'avait jamais eu à les gérer seul toute une journée entière. A présent qu'il était au chômage technique, sa meuf avait considéré qu'il pouvait se charger des enfants pour qu'elle, puisse continuer ses conf-calls et réunions visio à la con. Soit. Il avait compris l'idée et il était prêt à se donner pour la communauté familiale. Ce n'était finalement pas trop différent de gérer toutes les merdes techniques qui arrivaient au fil des installations de sonorisation. Sauf qu'ici, il ne pouvait pas fumer devant les machines et leur taper dessus quand elles l'emmerdaient trop.

Sa blonde, ex-rouquine emo qu'il avait rencontrée à un concert des Cure ne l'avait jamais fait chier, jusque là. Il s'était souvent demandé pourquoi Marianne était restée avec lui toutes ces années. Quand elle avait soudainement lâché son existence de jeune vagabonde pour prendre un poste à responsabilité, elle l'avait incité à continuer les tournées et le finançait même certains mois un peu compliqués. Elle disait qu'elle n'avait jamais vraiment supporté l'incertitude et qu'elle aimait mieux s'enfermer dans un cadre rigide plutot que de subir une vaine liberté, mais qu'elle l'aimait, lui, pour ce qu'il était. Qu'il était "son souffle de liberté" et qu'elle ne s'imaginait pas vivre sans. Quand elle avait approché la trentaine, et exprimé des volontés de maternité (véléités qu'il avait d'abord raillées, croyant à une plaisanterie), il avait catégoriquement refusé et elle ne l'avait pas quitté. Finalement, le hasard avait fait qu'elle s'était quand même retrouvée fécondée, un peu par sa faute. Ils avaient tous les deux trop bu et elle avait régurgité sa pillule sans qu'aucun ne songe qu'il pourrait y avoir un problème technique par la suite.

La vie avec Marianne était douce. Il gérait les enfants la semaine, du mardi au jeudi et elle le reste du temps. Après la naissance de Luka, il s'était trouvé un peu con d'avoir été opposé à ce miracle de la vie. Dario proposa spontanément une deuxième gestation et Marianne fut d'accord. Probablement aussi pour ne pas laisser le petit Luka seul avec la culpabilité d’être né par accident. Tous les deux s'accordaient plutot bien à faire équipe. Dario s’acquittait assez de la charge parentale, du moment qu'il pouvait glander la journée, pratiquer la batterie et écouter de vieux CD et puis se barrer la plupart des week-ends.

Seulement voilà, à présent il était bloqué. Les gosses n'allaient plus à l'école, adieu la tranquilité journalière. Et les soirs, quand sa femme sortait enfin du bureau pour prendre le relais, c'était pour lui imposer le silence. Elle avait la tête "comme ça" avec tous ces connards du bureau et ne voulait pas entendre d'autre tappage.

Finie la batterie.

Dario commençait à péter un cable : pas de musique? Pas de bédo? Pas de percu? C'était quoi ce bordel! Depuis quand est-ce que la Marianne était devenue sa reum? Il n'en pouvait plus. Commençait à regarder les petits avec mépris et elle avec dégoût. D'un naturel pas hostile, Dario chercha de quoi se raisonner. Il devait bien y avoir un moyen de s'évader sans faire de tapage.

Un soir, Marianne lui montra le compte instagram de Martin Solveig. Il faisait des lives avec des millions de vues depuis chez lui, casque sur les oreilles, c'était une boite de nuit géante à réseau ouvert. Alors Dario eut une idée.

S'il ne pouvait plus faire battre physiquement ses drums, il allait se mettre à l'électro.

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