Dario le batteur

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"Le keum est chaud @easye_dgé vien on prend les place direct quand sa rouvre"

Dario Motta regardait les commentaires sous la dernière vidéo de Scanland. Personne n'aurait imaginé un tel phénomène... Certainement pas lui du moins.

Ancien batteur "classique", Dario avait été biberonné comme beaucoup d'autres au Rock et d'une vie de musique à la hauteur des plus grands génies. Bien décidé à vivre selon cette philosophie, du moins à l'observer du plus près possible, il avait arpenté tous les festivals, partagé d'innombrables bières, s'était lié avec un nombre dément d'intermittents jusqu'à devenir un personnage bien connu de la plupart des staffs dignes de ce nom. Après quelques années d'immersion underground, il avait obtenu le sésame adéquat pour accéder à tous les backstages, en chauffant les percu d'artistes allant de la star locale aux monstres sacrés.

Le batteur Dario avait acquis un statut particulier au sein de la communauté. On disait qu'il était capable de jouer plus de cinq-cent titres de mémoire et pouvait improviser des medley qui ravissaient les fana de Glam Rock.

Il avait rapidement délaissé l'institution scolaire. Ce n'était pas qu'il était mauvais, au contraire, mais il ne voyait pas ce qu'elle aurait bien pu apporter à son existence déjà largement remplie par la musique. Sa vie s'était alors vite résumée aux tournées et aux percussions. Quand il ne dormait pas, il pogotait bières en mains ou tapait inlassablement sur ses drums. Dario n'aurait pas espéré de vie plus éclatante.

Le sommet de sa carrière arriva au printemps 88 quand il joua en live sur la scène du Printemps. Arrivé comme d'habitude bien avant le début des concerts, il grillait une clope avec le manager et le bassiste des FISC quand Daniel Colling, directeur du festival, jaillit hors de la guitoune pour passer à coté d'eux l'air hagard.

- Bah mon vieux, ça ne va pas?

- C'est la merde !

Il ne tenait pas en place, croisant et décroisant cent fois les bras, les yeux écarquillés comme sous l'influence d'une substance (c'était un homme sain qui ne fumait même pas).

- Annuler les Def maintenant ça sera la fin du festival... Comment rattraper la soirée si une des têtes nous lâche?

L'agent de spectacle expliqua à demi-mots que Rick Allen ne pourrait pas être de la partie, victime d'un léger "sur-dosage" de kétamine. Il était connu que son bras fantôme lui provoquait de vives réactions qui ne facilitaient pas son passage en scène. S'agissait-il d'une erreur de dosage ou d'une tentative plus récréative? Dario ne le sut jamais vraiment, mais globalement tous le monde s'en foutait. La catastrophe était musicale, il fallait trouver un moyen de résoudre ce drame.

- Je sais pas s'il vont accepter mais je pourrais jouer à sa place, proposa Dario en haussant les épaules comme s'il offrait une tournée.

L'enjeu était tel qu'aucun n'imagina que ça pouvait être une plaisanterie.

- Ça serait nikel ! Dario, tu penses en être capable ?

Honnêtement Dario n'en savait rien. La possibilité de jouer avec les Def Leppard était trop énorme pour avoir un quelconque avis là-dessus.

Les autres membres du groupe n'avaient pas semblé plus touchés que ça. L'idée de substituer au pied levé un Français inconnu, tout juste majeur, à leur accolyte totalement comateux dû leur paraitre assez planante pour être crédible.

Au-delà des quelques heures invraissemblables passées parmi les léopards, ce coup de projecteur ne lui apporta pas grand chose. Toute l'affaire fut étouffée autant que possible et peu de spectateurs durent réaliser que le batteur laissé dans l'ombre durant tout le concert avait miraculeusement fait repousser son bras gauche.

Dario n'avait pas regretté que sa carrière musicale n'aille pas plus loin. Bien qu'excellent batteur, il s'était lui-même interdit tout célébrité en se complaisant dans les covers des autres sans jamais trouver de style bien à lui. Au final, hormi la célébrité, il ne lui manquait pas grand chose de la panoplie du rockeur cliché: les nuits de musique sans fin, l'alcool, les filles... Quelques petits voyages cognitifs entre deux joints mais Dario n'était pas assez tourmenté pour désirer constament vivre dans ce genre de nébuleuse. Cette version adoucie de la rock attitude lui permit d'atteindre les cinquante ans sans trop de décrépitude et avec un espoir de longévité surprenant.

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