A l'instar de l'entrée des Enfers de Dante, il pourrait y avoir au frontispice des services d'Aide Médicale à la Procréation (AMP), cet avertissement :

"Toi qui entres ici, abandonne tout espoir"

Espoir de pudeur, pour commencer. Sache que ton organisme sera examiné, analysé, trituré sous toutes les coutures - faut bien voir d'où vient le problème, pardi.

Espoir d'avoir un emploi du temps régulier : tu devras faire des analyses au premier jour des règles, au troisième, au sixième ... et te démerder avec ton employeur pour courir les labos.

Espoir de repos et de sérénité : personnellement, je vis souvent l'AMP comme un deuil, chaque fois que j'oublie pourquoi je souffre tant, je me souviens, et tout recommence. La douleur est toujours là, présente, sans arrêt.

Espoir d'être traité en humain : au bout du quinzième examen, tu as nettement l'impression d'être une bagnole cassée qu'il faut réparer. Sans compter que tu n'as presque jamais affaire au même médecin : il faut aller d'hôpital en laboratoire, parfois à l'autre bout de la ville, et refaire l'histoire de ta famille jusqu'à la quatrième génération. J'ai souvent flirté avec l'idée de tout mettre par écrit, et de distribuer les feuilles dans les services à chaque nouvelle analyse.

Cas particulier : peu de temps après avoir commencé la procédure, j'ai été diagnostiquée hypersensible. Ca n'a l'air de rien, mais ça m'a permis de mettre un mot sur cette souffrance démultipliée que je ressens à chaque émotion un peu forte. Cela n'empêche pas de ressentir, bien sûr, mais c'est important pour se comprendre soi-même.

Mais hypersensibilité et AMP ... comment dire ?

Je déteste les piqûres, et il faut des analyses sanguines régulières. Je fais tout mon possible, mais je ne peux m'empêcher de me rouler en boule dès que je vois une seringue approcher de mon épiderme.

J'anticipe la douleur au point d'angoisser des mois à l'avance pour un examen médical, et il en faut quasiment un par semaine pendant plusieurs mois.

Je suis ultra-réceptive à tout mot de travers, je peux le ressasser pendant des semaines, refaire encore et encore le dialogue quand une conversation s'est mal passée ... Et manque de chance, certains médecins ne sont pas très délicats (comme la fois où, me plaignant de la montagne d'examens à effectuer, je me suis entendue dire : "mais vous êtes complètement inconsciente Madame !").

Si j'avais un conseil à te donner, à toi qui veux te lancer dans tout cela, c'est : prépare-toi.

Prépare-toi à ce que pendant des mois, ta vie tourne autour de protocoles médicaux contraignants, avec parfois des interlocuteurs qui n'ont strictement rien à cirer de ta souffrance.

Prépare-toi à des discussions interminables avec ton / ta conjoint.e pour savoir comment accorder vos plannings en fonctions des examens.

Prépare-toi à tout remettre en question dans ta vis : à quel point ai-je envie d'un enfant ? Et si je laissais tout tomber ? Et si j'allais juste tirer un coup avec n'importe qui pour tomber enceinte ?

Enfin, prépare-toi à ce que ton entourage, parfois, ne comprenne pas ce que tu traverses. Me concernant, j'annule souvent des sorties au dernier moment, car j'ai des crises de panique et des coups de fatigue imprévisibles.

Il est capital de savoir comment se ressourcer. En tant qu'hypersensible, et même si cela va à l'opposé des représentations de notre société, je trouve de l'apaisement en étant seule. Donc, parfois, en refusant des sorties entre amis ou en famille. Peu importe : si c'est que je ressens, c'est que j'en ai besoin.

Ecoute-toi.

Prends soin de toi.

Recharge les batteries, car ce n'est qu'à cette condition que tu pourras te jeter dans la bataille.