Épisode 4 - Le revers de la médaille.

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 Malgré un emploi du temps plus que chargé, les obligations professionnelles primant sur la vie privée, il m’arrive de pouvoir prendre du bon temps lors de soirées improvisées. Profitant d’un peu de répit, je m’en vais donc effectuer, en fin de journée, quelques emplettes au supermarché du coin. Je n’irais pas jusqu’à dire que faire mes courses est une partie de plaisir mais certaines rencontres apportent un certain attrait à cette activité.

 Au détour du rayon lingerie, que je traverse par hasard, je me retrouve coincé entre un caddie et son chauffeur. Si ma bonne humeur n’est plus à démontrer, il m’est toutefois désagréable d’être stoppé dans ma progression commerciale. Je décide malgré tout de garder mon calme en attendant que la responsable de cet imprévu daigne bien faire attention à moi. Compte tenu de son physique avantageux, voir la demoiselle choisir une nuisette n’est pas pour me déplaire. Après quelques secondes d’hésitation, son visage se tourne enfin vers moi, comme guidé par une intelligence foudroyante. Bien entendu, elle ne peut pas me reprocher de la regarder puisque je me suis bien gardé de le faire de manière flagrante. Cependant, il semble qu’elle m’en veuille bel et bien, ce qui m’amène à émettre des doutes sur mes notions de flagrance ou de camouflage. Usant d’une tactique inédite qui consiste à regarder derrière soi pour chercher la véritable cible d’une attaque visuelle, je tente de reprendre le dessus sur elle. Je lui demande pardon, pour qu’elle me laisse passer, et sors mon téléphone de ma poche pour faire comprendre qu’elle ne m’intéresse pas et que mon attention se porte ailleurs que sur sa chute de reins.

 Elle s’écarte de mon chemin mais me soumet l’idée de venir en cabine d’essayage vérifier si elle a fait le bon choix. Évidemment, l’invitation n’est pas sincère, le ton employé ne laissant aucun doute. Charmé par ce nouveau jugement infligé à ma personne, j’hésite à l’assumer pleinement, être pervers n’étant pas toujours bien vu. Au lieu de m’excuser platement, car cela revient à avouer, je lui réponds simplement que les femmes faciles n’ont pas grâce à mes yeux. Peut-être que je suis allé trop loin, peut-être que le second degré n’est pas la meilleure arme pour se défendre, le fait est qu’il sera difficile maintenant d’obtenir un numéro de téléphone. À voir la jeune femme s’approcher sauvagement, je la suspecte d’être tombée sous le charme de mon audace et d’être sur le point de m’embrasser. Pendant qu’elle débute un scandale devant mon nez, je m’imagine une autre scène et n’entends rien d’autre que l’amour qui naît en moi. Alors que je m’attendais à échanger ma salive avec elle, je constate, au nombre de postillons, qu’elle aime donner plutôt que recevoir.

 Les femmes de caractère ne sont pas les meilleures cibles pour le mâle dominant que je suis et le projet de la séduire étant terriblement difficile, la perspective de le réussir n’en est que plus belle. Le sourire que j’affiche faisant office d’arme fatale, je ne m’attends pas à recevoir une gifle bien placée. Il me faut le temps que la joue devienne rouge pour comprendre que nous sommes partis du mauvais pied. Je propose donc à mon bourreau de recommencer depuis le début. Celle-ci laisse entendre que je suis plutôt du genre à sauter les étapes pour arriver plus vite dans son lit. J’essaie de jouer la carte de l’humour en la menaçant d’aller voir la police pour la baffe que j’ai reçu. Alors qu’elle me demande si cela s’apparente à du chantage, je précise qu’étant moi-même fonctionnaire sérieux, attentionné et assermenté, elle n’a rien à craindre. Ou comment se tirer soi-même une balle dans le pied. Étaler ça dès le premier rendez-vous ne porte jamais ses fruits. Je lui ajoute que si elle refuse mes avances, je peux même utiliser les moyens mis à ma disposition pour la retrouver. J’avoue que, perdu pour perdu, il vaut mieux s’enfoncer pour de bon. Et je ne savais pas à quel point.

  Ma distraction de la soirée en a trop entendu et veut maintenant mettre un terme à cette scène de ménage avant l’heure. Je crois qu’elle veut me tendre son numéro de téléphone lorsqu’elle sort son portefeuille de la poche intérieure de sa veste. Elle se contente de l’ouvrir sur une carte professionnelle que je ne connais que trop. Se présentant comme Capitaine de Police, elle me fait part de l’espoir qu’elle a de me voir écrire aussi bien que je séduis. Habitué des écarts de conduite involontaires, et donc spécialiste des rapports hiérarchiques, je prends la nouvelle assez bien. D’autant plus que ma supérieure semble avoir retrouvé le sourire. Je la soupçonne finalement d’avoir vraiment un faible pour moi, même si sa position ne nous donnera jamais l’occasion de le vérifier. Je suis tenté de lui donner le nom d’un collègue travaillant loin mais opte finalement pour la sincérité, la chance de voir mon mensonge se retourner contre moi étant conséquent.

 Et dire que je n’aurais pas fait cette rencontre si je ne m’étais pas perdu dans les rayons. Encore une coïncidence que je vais avoir du mal à expliquer. Histoire de lever les doutes avant l’heure, je décide de prendre congé de ma capitaine de soirée et repars avec, dans ma main, un soutien-gorge pioché dans le rayon. Celle-ci, au lieu de me prendre pour un pervers, fera plutôt de moi un coureur de jupons, en cachette de sa femme. En somme, une promotion évidente dans son esprit et une belle fierté teintée d’espoir pour moi.

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