Chapitre 15 - Le souhait

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Afin de ne perdre personne, le prénom "Lissandru" a été changé par "Amaras" et la modification sera faite au plus tôt.

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Après le rugissement de gloire du dragon, le roi se leva. Amaras comprit alors qu’un danger plus qu’immense les menaçait.
- Encerclez-les, ne les laissez pas s’enfuir ! Ordonna-t-il.
Aussitôt des chevaliers en armures ignifugé entrèrent dans l’arène. Ils les ramenèrent au centre, prêt à les achever de coups d’épées. Amaras faisait tourner autour de lui ses six pieux, qui clignotaient si fort face à la menace, qu’ils effrayaient les chevaliers. Mais aucun ne se laissaient décourager, et un archer lança une flèche vers le crâne du dragon bleu et vert. Fiona attrapa de ses crocs le projectile, et son semblable le remercia du regard.
- Fiona, tu crois pouvoir détruire le dôme au-dessus ? Lui murmura Amaras en pointant le plafond de verre.
- Oui bien sûr… tu peux encore voler ? Demanda ensuite Fiona au dragon.
- Je ne suis pas inapte.
Le choix fut vite fait : pour sortir d’ici, il leur fallait fuir par les airs.
- Amaras il faut que tu grimpes sur mon dos !
Son frère s’avança vers elle, et cogna dans un objet dur. Il baissa les yeux, et découvrit la statuette de bois fendu en deux. Il avait trouvé la partie haute, celle ou la tête du lion était sculptée. Sans vraiment savoir pourquoi, Amaras s’empara de la tête du lion et grimpa sur le dos de Fiona. A peine eut-il le temps de se cramponner à elle qu’elle fonça vers le ciel. L’autre dragon la suivit derrière elle. La dragonne buta de plein fouet le verre qui se brisa sous sa puissance draconienne. Quelque bris de verres s’accrocha à ses écailles, mais Fiona ignora la douleur. Sous les cris de guerre des hommes et du roi, les deux dragons et le garçon s’envolèrent loin de toute cette barbarie.

~ M ~

Le vol fut silencieux. Le ciel était gris, mais l’on voyait au loin des terres colorées. Un ciel bleu, de l’herbe verte, des arbres, des buissons : ils allaient enfin sortir des terres de brumes ! Le calvaire du manque d’eau et de nourriture était fini pour Fiona et Amaras. Les repas étaient très bons au palais certes, mais les bonnes manières n’étaient pas leurs forts.
Amaras et Fiona se regardèrent, heureux d’enfin pouvoir continuer leurs recherches ailleurs. Amaras avait encore la montre à gousset avec lui ; il n’en avait pas vraiment parlé à sa sœur. Avec toutes les péripéties qui s’étaient produites, le garçon n’avait pas trouvé le temps. Il n’avait pas non plus parlé de Maxime des Etoiles.
L’allure de Fiona diminua, et Amaras faillit basculer en avant. Il allait ronchonner quand il comprit que quelque chose n’allait pas. En jetant un œil derrière son épaule, le garçon remarqua que le dragon qui les suivait perdait de l’altitude. Son souffle était lent, il était couvert de plaie. Peut-être qu’il avait perdu trop de sang…
Fiona, inquiète, changea de direction si brutalement, que son frère tomba dans le vide. Son cri de surprise l’alerta, et elle allait foncer sur lui pour le récupérer. Heureusement, les pieux de Amaras l’accrochèrent à lui pour lui permettre de planer un moment avant de toucher le sol. Il s’éloignait vers la direction de la verdure, qui devait être à au moins six-cent mètres d’eux.
- Je peux pas tourner ! Cria Amaras qui n’avait pas le contrôle de ses pieux.
- Rejoins-moi après Amaras, l’avertit sa sœur, je vais aider le dragon !
Son frère acquiesça et devint petit à petit un point au loin. Fiona vola vers l’autre dragon pour l’aider à atterrir sans puiser dans ses forces. Il s’écroula à terre dans un bruit plus qu’angoissant. Fiona tourna autour de lui, et tenta tant bien que mal de le coller contre son flanc pour avancer.
- Allez ! Grogna-t-elle, aux bords des larmes. Tu peux pas lâcher maintenant. On doit atteindre la plaine.
Il ne répondit pas et se contenta de lui jeter un regard sans émotion. Le dragon s’aida de Fiona pour avancer à cloche-pied. Leur allure était lente et rythmé ; et le silence paraissait maintenant lourd.
- Peux-tu me laisser marcher un peu seul ? Lui demanda-t-il après deux bonnes minutes, j’ai besoin de penser.
- De penser ?
- Je peux me débrouiller, ne t’en fais pas, il évita la question.
Sans répliquer, Fiona quitta son poids lourd et mit une bonne dizaine de mètre de distance entre elle et le dragon bleu et vert. Sans comprendre, elle savait cependant qu’il avait besoin de se clarifier les idées. Quitter une zone de torture ne devait pas être facile pour un dragon qui ne connaissait pas spécialement la prison…
Indiscrètement, la dragonne l’entendait marmonner des mots incompréhensifs. Il avait l’air de parler à quelqu’un, ou à lui-même. Sa voix était tellement rauque et grave qu’elle résonnait dans le cœur de Fiona. Et soudainement, il ne murmura plus rien. Son corps heurta le sol, et alerté, Fiona bifurqua et courut vers lui.
- Relèves-toi, lui ordonna-t-elle sans autorité pour ne pas paraitre impolie, on est presque arrivé.
- Je ne peux plus…
- Ne dis pas ça !
Fiona n’acceptait pas de le laisser mourir sur ce lopin de terre pourri. Pas sur ces terres de barbares. De toute sa force, elle attrapa le long cou du dragon et le tira jusqu’à l’herbe. Le dragon se laissa trainer sans protester vers l’herbe. Les pattes de Fiona caressèrent le parterre, et le toucher de l’herbe la revigora. Il y avait si longtemps qu’elle n’avait pas vu de verdure.
Une fois le dragon complètement entouré de vert, la dragonne le reposa sur le sol. Le souffle de son camarade faisait onduler les petites brindilles d’herbes molles. Parfois, pendant qu’il inspirait, elles s’engouffraient dans ses narines dilatées. Son rire rauque réchauffa un peu le corps de Fiona.
- C’est si bon de ressentir de la douceur, gronda-t-il dans un rictus similaire à un sourire.
- Je ne veux pas paraitre indiscrète mais… que faisais-tu là-bas… ?
Le dragon vert et bleu planta ses yeux ambrés dans les yeux bronze de Fiona. Elle se coucha à côté de lui.
- Un ami et moi cherchions quelqu’un…
- Qui ça ?
- Un semblable qui se serait perdu sur ces terres, répondit-il rapidement, malheureusement, on nous a capturés. On a été enfermé dans des cages indestructibles. Mon ami et moi avions préparé un plan pour s’enfuir : mais j’ai dû me sacrifier pour le laisser partir. Je ne regrette pas mon action au contraire, cela aurait été regrettable qu’il meurt alors que son Destin n’est pas encore totalement scellé.
Fiona se rapprocha d’un peu plus prêt.
- Qui… qui est-il ? Je peux peut-être le trouver et l’amener à toi si je le croise, non ?
Le dragon parut amusé des paroles de Fiona ; elle ne fut pas vexée ou quoi que ce soit.
- C’est un dragon blanc, magnifiquement blanc. Il répond au nom d’Athkor.
Elle encra son nom dans sa mémoire. Elle se rappelait avant d’arriver sur les terres de brumes avec son frère, d’avoir croisé un humain-dragon comme elle. Il avait des ailes blanches, peut-être que c’était lui.
- Il a une cicatrice sur le visage, ajouta le dragon quand il remarqua la mine pensive de sa camarade, et elle est authentique.
L’humain-dragon qu’elle avait croisé n’avait pas de cicatrice ; ou alors avait-il un masque sur le visage qui cachait sa balafre. Elle ne savait plus.
Le dragon toussa énormément, Fiona se rapprocha pour le couver d’une de ses ailes ; trop petite pour le gabarit de son camarade. Du sang sortit de sa bouche, et il se contracta, comme pris de convulsion. Le cœur de Fiona s’accéléra.
- Tu as mal quelque part ?! S’affola-t-elle en cherchant la blessure fatale.
- Je crois que… le crochet de ce monstre était empoisonné, dévoila-t-il, les yeux vitreux.
Fiona se figea.
- On… on ne peut rien faire pour l’arrêter ?
- Je ne crois pas… et puis, j’ai perdu trop de sang pour pouvoir continuer. Manger et boire ne serviront à rien. J’ai au bas mot encore trois jours à survivre avant de mourir.
- T… trois jours ?!
La dragonne avait l’impression qu’avoir sauvé ce dragon avait été vain. Il allait mourir quoi qu’il arrive.
- Dis… ça te dirait de m’aider une dernière fois… et d’abréger mes souffrances ?
- Tu veux que… je te tue…
- Ce serait mieux de mourir ici que de souffrir.
Il avait raison. Si Fiona souffrait de ce poison qui s’était propagé dans le sang de son camarade, la première chose qu’elle aurait envie, ce serait d’en finir avec cette douleur. Oter la vie pouvait être facile : un peu comme ce jour au cirque, au puit avec les brigands ou dans l’arène plus tôt, en écrasant la tête de l’adversaire. Mais faire pour survivre et faire pour aider était réellement différent : elle aurait la mort d’une bonne personne en mémoire. Celle d’un camarade qu’elle avait voulue sauver, plus que tout. Des larmes commençaient à perler ses yeux. Elles s’écrasèrent sur les écailles du cou du dragon bleu et vert.
Dieu que ses écailles sont belles ! Songea-t-elle.
- Ne penses pas non plus que je t’en veux pour avoir été lâche ce jour-là ! Dit-il dans une tentative de réconfort. Je peux comprendre que les hommes te fasse peur, tu es encore jeune, même trop jeune. Malencontreusement, j’ai lu dans ton cœur, et je n’ai vu que de la souffrance. Alors je peux comprendre que tu aies du mal. Saches que je te suis reconnaissant de m’avoir aidé à sortir de cet Enfer…
Comme réponse, Fiona acquiesça. Le dragon lui sourit, et ferma les yeux, prêt à mourir. A contrecœur, mais pour le bien de son camarade, Fiona attrapa la trachée de son camarade. Elle appuya si fort que la respiration du dragon ralenti jusqu’à devenir une plainte. Il souffla une dernière chose avant de mourir :
- Merci petite… tu réalises mon souhait : celui de mourir en paix sur ma terre natale.
Le cœur du dragon bleu et vert s’arrêta, et son corps s’alourdit. Il n’y avait plus aucune force. Fiona le regarda, les yeux écarquillés, des larmes obstruant sa vue. Elle gémit, complètement abattu. Ses crocs étaient imprégnés du sang de son camarade : elle fixait avec horreur les dernières gouttes de sang s’échapper des énormes trous qu’elle avait fait dans ses écailles. Naturellement, elle reprit une forme humaine, et allongea ses bras contre les écailles du défunt. Ses plaintes devinrent des sanglots bruyants. Fiona hurla, détruite par ce sacrifice.

~ M ~

Amaras ne voyait pas sa sœur, mais il courait aussi vite qu’il pouvait. Il entendait ses cris, sa détresse. Il ne savait pas ce qui avait bien pu arriver, mais il espérait qu’elle n’ait rien. Le garçon la rejoignit et se figea devant la scène face à lui. Sa sœur, Fiona, pleurait, la tête contre le cou écailleux du dragon bleu et vert. Son rictus similaire à un sourire était constant, ses yeux étaient fermés. Il avait comme l’air… en paix. Il ne bougeait plus, il ne respirait plus : il était mort. Sa sœur l’avait achevé, surement poussé par la volonté de son camarade.
Les bras de Amaras tombèrent le long de son corps, et il se sentit las. Ses dents grincèrent quand les larmes lui montèrent aux yeux. Il renifla, essayant de ne pas pleurer, mais c’était dur. Leur combat avait été presque vain ; presque parce que, au fond, Amaras était heureux d’avoir pu aider quelqu’un. Le dragon bleu et vert avait l’air apaisé, loin de toutes ces violences humaines. Mais Fiona était complètement abattu ; ses pleurs ne cessaient pas, elle hurlait à en perdre la voix.
Doucement, Amaras se colla à elle et l’enlaça. Il caressa sa tête, passa ses mains dans ses cheveux, essaya tout pour la réconforter. Mais rien n’y faisait, elle ne s’arrêtait pas de pleurer. Elle était prise de violent spasme. Son chagrin était grand. Le garçon se sentait impuissant à ce moment-là. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était rester auprès d’elle, la réconforter du mieux qu’il puisse. Tel était son devoir de frère. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était d’attendre que Fiona tombe dans le silence, muette à cause de ses cris incessant et déchirant.
Le cœur de Amaras le pinçait fort, beaucoup trop fort.
On ne peut plus vivre comme ça… il faut retrouver maman… maman, ou tu te caches ? On a besoin de toi plus que n’importe qui !

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