Chapitre 6 - Le village abandonné

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  Par chance, le petit groupe mal-en-point arriva avant le crépuscule dans un petit village. Et malheureusement, aucune âme qui vivait dans ce village perse. Les petites maisons étaient explosées, peinaient à tenir debout ; la végétation avait séché ; des carcasses de vaches et de moutons dormaient encore dans leurs enclos. C’était un endroit désert.

  Malchanceuse, Fiona atterrit au milieu du petit village, sur une fontaine qui cassa sous son poids. Un débris entra dans sa patte cuirassée, et elle saigna. Elle jura intérieurement, avant de libérer sa patte du débris et de lécher le sang qui s’écoulait. Sur son dos, la respiration de Lissandru était alertant : elle coupait parfois, il geignait de douleur, il se tortillait parfois, son dos souffrant le martyre. Et pour le moment, Fiona ne pouvait rien faire, seulement veiller sur lui et apporter de quoi boire et manger.

Je dois d’abord trouver de quoi nous protéger du froid et de la pluie.

  La fille choisit la maison la moins délabré du village, et installa son frère dans un semblant de lit, construit à l’aide de paille et de couvertures sales. Il gémissait dans son sommeil, il lâchait des propos indéchiffrable. Fiona avait du mal à le regarder longuement quand il était dans cet état.

- Ne bouge pas, il faut que je cherche de quoi nous nourrir ! Déclara-t-elle.

  Elle stoppa son geste avant de réfléchir.

- On avait dit qu’on se séparerait plus… murmura-t-elle, soucieuse, comment je vais… et mince !

  Sans plus s’attarder, elle reprit une forme de dragon et survola le village. Depuis quelque minute, la brume s'était dissipée, et Fiona pouvait mieux visualiser les environs. Des terres ravagées à l’horizon, loin, très loin… Pas une couleur verte. C’en était désespérant. Elle survola un peu les alentours du village, à la recherche d’une proie potable. Mise à part un lapin maigrichon qui avait perdu son chemin, rien d’autre. Elle se força à tuer la petite créature d’un coup de croc. Le rongeur était déjà très affaibli : il n’avait pas résisté.


~ M ~


  Fiona rentra bredouille de la chasse : un lapin, et un autre rongeur dont elle ne connaissait le nom. Elle les ramena à la maison où séjournait Lissandru, et soupira de soulagement en le voyant dormir sans problème. Rien n’était arrivé, fort heureusement.

  Elle cuisit la viande sans trop la griller. Après cela, la fille força son frère à se réveiller. Il grogna quand il ouvra les yeux.

- Manges, il faut que tu reprennes des forces, lui dit-elle en lui tendant le maigre lapin grillé.

- J’ai pas faim, maugréa-t-il, la voix rauque et sèche.

- Peu importe ! Tu es aux portes des Enfers.

  Il ne répondit pas, et se contenta d’attraper le lapin et le dévorer lentement. Sa sœur fut satisfaite.

- Où on est ? Lui demanda Lissandru après avoir fini son lapin, et avant de se recoucher.

- Dans un village abandonné. Reposes-toi, on reprendra la route demain.

  Le garçon acquiesça, et ferma les yeux.


~ M ~


  La nuit était longue. La pluie battait son plein à l’extérieur. Le chant des loups bourdonnait sous l’orage. Fiona était recroquevillée, les yeux rivés sur son frère. Pas question qu’il ne bouge, ou que quelqu’un leur tende un guet-apens. Fiona était prête à tout.

  Elle repensa au corps brulé des cinq hommes. Elle avait tué, pour la première fois depuis son arrivée en ce monde. Avant, c’était son frère qui la protégeait ; et aujourd’hui, elle avait pris la décision et l’initiative d’aider son frère aimé. La fille dragonne avait toujours peur. Elle savait très bien qu’elle n’était pas aussi courageuse que son frère. Pour dire, elle prenait du recul sur ses actes aujourd’hui : carboniser cinq hommes par colère était-il un meurtre volontaire ?

  Ces pensées partaient dans tous les sens, de maintenant à son passé antérieur. Le visage de sa mère réapparut dans sa mémoire, et une vague d’émotion la submergea. Allaient-ils vraiment la retrouver ? Et si l’odeur qu’elle avait sentie n’était pas celle de sa mère, mais de quelqu’un de similaire ? Après tout, leur mère n’était pas d’apparence animale, mais humaine ; avec des yeux d’un rouge sang terrifiant quand elle se mettait en colère. Elle avait envie de hurler son nom, de hurler « Maman » dans ce désert ou personne ne pourrait les trouver. Peut-être que si elle le faisait, sa mère qui ne devait pas être loin l’entendrait.

  Alors, Fiona sortit de la maison et monta sur le clocher sous sa forme de dragon. Elle s’accrocha à la toiture en tuile grise pour ne pas glisser. La pluie fouettait ses écailles et ses ailes : elle regrettait d’être sortie sans avoir pensé au temps qu’il faisait à l’extérieur. Un éclair zébra le ciel non loin, suivit de son rugissement menaçant. On aurait dit celui d’un dragon, mais différent. Peut-être que la foudre était la source d’un dragon, et quand il était en colère ou à l’agonie comme elle ou son frère, il crachait sa haine dans le bas-monde.

  Un nouvel éclair, suivit de plein d’autre. Une cacophonie de hurlement du ciel agressa les oreilles de Fiona. Elle n’avait plus le choix. Elle se devait de hurler avec eux. Alors, comme elle ne l’avait pas fait, elle essaya une fois. Son grognement n’était pas convainquant. Et la dragonne réessaya, encore en encore. Jusqu’à ce que la confiance grimpe en elle et qu’elle se donne à cœur joie de hurler le nom de sa mère par un cri de dragon.

Maman ! Ou es-tu ? Reviens, suis mon cri ! M’entends-tu de là ou tu es ?

  Ses rugissements se transformaient bientôt en un chant régulier. Sa gorge souffrait à cause des cris, mais peut-être allait-il valoir la peine.


~ M ~


  De là où la troupe était, la pluie ne tombait pas. Mais un rideau d’eau frappait une zone des Terres de Brumes. La troupe déambulait sur la terre aride, en pleine nuit, pour retrouver le chemin du château. Il n’était plus très loin du royaume, ils en étaient sur. Le prince, à la tête de la troupe, ne désespérait pas. En son for intérieur, quelque chose l’appelait, et cette chose, il savait de quoi il s’agissait. Un cadeau de son père, qu’il avait dérobé pour s’accaparé des capacités du présent.

  Alors qu’ils avançaient avec confiance dans ce monde aride, le grondement de l’orage au loin les firent tous sursautés. Le prince regarda les nuages noirs, ils étaient à au moins trois kilomètres d’eux. Le prince songea qu’ils arriveraient avant que la pluie ne vienne à eux. Mais, au milieu des orages qui tonitruaient, dans le saint ciel, un rugissement distinct attira son attention. Le rugissement ne venait pas du ciel, mais d’une bête : une bête en détresse. Un dragon. Le prince hallucina.

- Que vient faire un dragon sur les Terres des Brumes ? Se demanda-t-il à voix haute.

- Vous avez dit quelque chose, votre Majesté ? L’interrogea son gouverneur, qui cheminait sur son cheval à son côté.

- Ne trouves-tu pas, mon ami, que le rugissement ressemble à celui d’un dragon ?

- Ce n’est que l’orage, votre Majesté.

- Non, non, écoute mieux.

  Le gouverneur, intrigué par la réponse de son prince, se concentra vers l’orage. Il écarquilla les yeux, stupéfait.

- En effet. Un dragon se serait perdu sur ces terres ?

- C’est la même question que je me suis posé, lui révéla le prince en dérivant du chemin initial, guides la troupe vers le royaume, je vais voir ce qu’il se passe là-bas.

- Mon prince ! Ce serait trop risqué que vous vous aventuriez sous cette pluie ! Clama le gouverneur, stressé.

- Je suis plus fort que mon père, mon ami. La colère des Dieux ne me fait pas peur, gronda-t-il avant de galoper vers l’orage.

 Ce rugissement l’intriguait ; le dragon aussi. Là-bas, il savait qu’un village en ruine et délabré éluait domicile. La question était réelle : qu’est-ce que ferait un dragon sur une terre abandonnée par les Dieux ? Une chose était sure : la curiosité grimpait dans l’esprit du prince.

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